Alimentation : bien dans sa tête, bien dans son assiette !

Si consommer des produits non transformés, locaux et de saison garantit une diète équilibrée pour soi comme pour la planète, il ne faut pas oublier le plaisir. Celui de croquer un fruit juteux en été, de savourer les accords subtils d’un plat maison… et de ne rien s’interdire.

Alimentation : bien dans sa tête, bien dans son assiette !

De tout un peu… Aucun aliment n’est tabou dans une saine alimentation, surtout lorsqu’il est cuisiné maison. La viande elle-même peut faire partie d’un régime équilibré… à condition de ne pas en abuser.

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Cet article est issu du magazine Sciences et Avenir – Les Indispensables n°205 daté avril/ juin 2021.

Tout le monde est d’accord sur le principe : la clef d’une bonne santé réside dans une assiette équilibrée, saupoudrée d’une activité physique régulière. Mais que faut-il mettre dans cette fameuse assiette pour s’assurer une santé de fer sans sacrifier le plaisir d’un délicieux repas ?

Trois grands axes pour améliorer son alimentation

En France, le Programme national nutrition santé (PNNS), lancé en 2001 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), a pour objectif d’améliorer l’état nutritionnel de la population. Ses dernières recommandations se formulent autour de trois grands axes. Elles invitent, en premier lieu, à augmenterla consommation de fruits, légumes (au moins cinq par jour) et légumineuses (lentilles, pois chiches… ), naturellement riches en fibres, vitamines et minéraux.

Elles encouragent ensuite le mangeur à privilégierles féculents complets, comme le pain aux céréales ou le riz brun, pour leurs fibres et leurs sucres lents ; le poisson pour ses protéines saines, son fer et ses acides gras oméga-3 ; et les produits laitiers pour leur calcium, essentiel à la solidité des os et des dents. Enfin, le dernier axe incite à réduireles boissons sucrées et la charcuterie, entre autres, car elles contiennent des graisses, du sucre ou du sel en proportions néfastes pour l’organisme.

De l’autre côté de l’Atlantique, aux États-Unis, l’École de santé publique de Harvard, plus ancienne institution du pays dans le domaine de la santé, a composé une « assiette idéale ». Celle-ci devrait être remplie pour moitié de fruits et légumes variés, pour un quart de céréales entières, et pour un quart de sources dites « saines » de protéines, comme le poulet, le poisson, les haricots ou les oléagineux (amandes, noisettes… ). Les produits laitiers sont à consommer modérément (une ou deux portions par jour), les sucres ajoutés, viandes rouges et céréales raffinées, à éviter, et l’huile à préférer au beurre. Similaires en bien des points, ces modèles français et américain n’intègrent pas encore suffisamment deux nouvelles exigences appelées à devenir des critères incontournables d’une alimentation saine et équilibrée. Le premier : la durabilité. Manger sainement doit certes préserver notre santé, mais aussi celle de la planète.

Or, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, 70 % des espèces de mammifères et d’oiseaux menacées d’extinction le sont à cause des méthodes de production alimentaires actuelles, agressives par la destruction des habitats et polluantes. Dans une étude de 2019, l’écologue David Tilman et ses collègues de l’université du Minnesota ont étudié les impacts sanitaire et environnemental de quinze aliments communs des régimes occidentaux. Sans grande surprise, ils ont découvert que la production de certains des plus délétères pour la santé, tels que les viandes rouges ou ultratransformées, est aussi la plus polluante. À l’inverse, les denrées de meilleure qualité nutritive, comme les céréales entières, les légumes ou les fruits oléagineux, sont peu coûteuses en eau, et leur production a un impact réduit sur l’environnement. Un régime équilibré durable implique donc de sélectionner des produits de saison, locaux ou issus de circuits courts, et à l’empreinte carbone la plus faible.

Un régime fondé sur une règle dite des « 3 V »

La seconde dimension, apparue il y a une dizaine d’années sous l’impulsion de Carlos Monteiro, professeur en nutrition à l’université de São Paulo, au Brésil, est le degré de transformation des aliments. En tenant compte de ces critères, le docteur en nutrition Anthony Fardet et ses collègues de l’Unité de nutrition humaine de l’université Clermont-Auvergne ont mis au point un régime fondé sur une règle dite des « 3 V » : elle consiste à privilégier des produits Végétaux, Vrais, c’est-à-dire non ultratransformés, et Variés.

Pour la docteure Chantal Julia, spécialiste en épidémiologie nutritionnelle et santé publique à l’université Paris-13, « on ne peut pas envisager que chaque repas soit strictement équilibré : ce serait trop normatif. Cet équilibre s’atteint sur des durées plus longues, généralement une semaine. Par ailleurs, il n’existe pas d’aliment complètement interdit. Tout peut être intégré à une alimentation favorable à la santé ». Les denrées ultratransformées et les produits issus des animaux ne doivent pas être bannis à tout prix, mais leur consommation devrait être réduite – à environ 15 % des calories quotidiennes, selon Anthony Fardet.

Hélas, l’imaginaire commun associe peu aliments sains et plaisir, un phénomène auquel l’industrie agroalimentaire n’est pas étrangère. « Les acteurs économiques qui proposent des produits gras, salés et sucrés utilisent le plaisir immédiat comme outil principal de promotion de leurs produits » , explique Chantal Julia, ce qui a pour effet de déposséder la notion d’alimentation équilibrée du plaisir qu’elle procure pourtant, physiquement et mentalement, à plus long terme. Anthony Fardet dresse le même constat : « Les produits ultratransformés fournissent un accès facile à un plaisir formaté et exacerbé, mais aussi ‘addictif’ et peu durable, ce qui pousseà consommer davantage. Les plaisirs gustatifs des vrais aliments sont souvent plus subtils et peuvent demander une éducation au goût. » Ce sacro-saint plaisir est pourtant la clef de voûte d’un régime équilibré ; il naît de la fraîcheur d’un fruit cru en été, de la préparation d’un repas mêlant des saveurs fines et complexes, pour soi et les autres, et du fait de se sentir en pleine forme.

Manger équilibré, ce n’est donc pas suivre une série de recommandations restrictives, mais adopter un ensemble de pratiques qui ne se limite pas au contenu de l’assiette ; un état d’esprit qui repose aussi sur la façon dont nous consommons nos repas. Idéalement à heure fixe, en compagnie d’autres personnes, et en prenant bien le temps de mastiquer, afin de stimuler la satiété. Il existe de nombreuses astuces pour y parvenir, même avec une vie active : par exemple sélectionner des produits qui cuisent vite, s’approprier un éventail de recettes faciles et savoureuses, et préparer ses repas à l’avance. Le plaisir de manger bien, pour soi et la planète, n’attend vraiment que d’être cueilli.

À chaque âge ses besoins

Les besoins nutritionnels varient avec l’âge, les changements survenant à certaines périodes de nos vies nécessitant certains nutriments en plus grandes quantités. On distingue globalement cinq grands stades nutritionnels dans la vie humaine.

LE NOURRISSON (de la naissance à 6 mois) : Apport calorique nécessaire : plus de 100 kcal par kilogramme de poids corporel. Besoins essentiels : protéines pour l’absorption des minéraux et des vitamines et le développement du microbiote intestinal, lipides pour le contrôle de la satiété. Le lait maternel subvient à tous les besoins, diminue les risques d’infection, d’allergie et de diabète. Les laits infantiles peuvent s’y substituer. Ne pas commencer la diversification de l’alimentation avant 5 mois car, trop précoce, elle peut accentuer les risques d’allergie.

L’ENFANT (de 6 mois à 11 ans) : Apport calorique nécessaire : à 6 ans, il est de 1600 kcal pour les filles et de 1745 kcal pour les garçons. Il croît avec l’âge. Besoins essentiels : lipides pour la croissance, vitamine C pour l’immunité, calcium et vitamine D pour le développement de la masse osseuse. Introduire progressivement des aliments issus de tous les groupes en commençant par les produits végétaux. 60 minutes d’activité physique modérée à soutenue par jour.

L’ADOLESCENT (de 12 à 18 ans) : L’apport calorique nécessaire varie selon plusieurs facteurs (génétique, activité physique… ) : entre 2100 et 2900 kcal pour les filles et entre 2400 et 3500 kcal pour les garçons. Besoins essentiels : calcium (au moins 1200 mg/jour) pour l’acquisition de la masse osseuse, fer, surtout chez les filles, vitamine D (5 mg/jour) et vitamine B9 pour la production de nouvelles cellules. Privilégier fruits, légumes (vitamines, minéraux, fibres), féculents complets, sources de protéines saines (poisson, volaille, œuf) et produits laitiers. Éviter les boissons sucrées, les pâtisseries industrielles et le grignotage. 60 minutes par jour d’activité physique dynamique, de préférence au grand air.

L’ADULTE (de 19 à 50 ans) : L’apport calorique nécessaire évolue entre 20 et 50 ans et dépend du degré d’activité physique : de 1900 à 2200 kcal pour les femmes et 2400 à 2700 kcal pour les hommes. Besoins essentiels : magnésium (fruits oléagineux et légumes secs) qui agit comme un anti-stress, fibres pour la régulation du transit, de l’appétit, du cholestérol et de la glycémie, et vitamines C, D et B9. Privilégier fruits, légumes, légumineuses et féculents complets, ainsi que des sources de protéines saines. Réduire la consommation de viande rouge, de charcuterie et de produits ultratransformés. Au moins 30 minutes d’activité physique par jour, si possible en extérieur.

LE SENIOR (à partir de 50 ans) :  ou 5 repas par jour (petit-déjeuner, collation, déjeuner, goûter, dîner). Apport calorique nécessaire : environ 1800 kcal pour une femme et 2000 kcal pour un homme, en moyenne. Besoins essentiels : calcium (au moins 1200 mg/jour) et vitamine D (10 à 15 mg/jour) pour lutter contre l’ostéoporose et les risques de fracture osseuse qui surviennent avec l’âge, vitamine E, et beaucoup d’eau (1,5 litre) pour diminuer les sensations de chaleur. Manger entre 3 et 4 produits laitiers variés (lait, fromage, yaourt) par jour, beaucoup de fibres et du poisson, préférentiellement gras (sardine, hareng, maquereau), pour leurs graisses bénéfiques sur le système cardiovasculaire. Réduire les quantités de sel consommées, car il peut poser des problèmes de rétention d’eau et d’hypertension. 60 minutes de marche rapide par jour et des exercices d’assouplissement.

Par William Rowe-Pirra

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Source: Sciencesetavenir.fr
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