Consommés par les parents, les produits ultra-transformés affectent aussi les enfants

Crèmes dessert, chips, sodas, jus de fruits, ou encore pizzas industrielles… Une étude publiée par le British Medical Journal s’est intéressé au régime alimentaire de mères américaines qui consomment plus de 10 portions par jour de ce type d’aliments ultra-transformés. Selon les chercheurs, le risque de voir leur enfant prendre du poids dès le plus jeune âge augmente de 26%.

 

Chips en famille

La plupart des plats prêts à réchauffer, les sodas, les « steaks » végétaux, les saucisses, les soupes en poudre et les snacks sont des produits ultra-transformés. Apprendre à en consommer moins, c’est un vrai défi pour ceux qui ont en charge les repas familiaux.

© Mermet / Photononstop/ AFP

Le régime alimentaire de la mère au quotidien, et pas seulement pendant le temps de la grossesse, affecte celui de l’enfant. Pour arriver à ce résultat, des scientifiques de la Harvard Medical School ont croisé les résultats de suivi de deux cohortes américaines, l’une qui interroge régulièrement des infirmières depuis les années 1990, avec notamment des questionnaires sur leurs habitudes alimentaires, et l’autre qui suit les enfants nés de ces femmes. Soit une étude statistique sur plus de 14.000 mères et 20.000 enfants.

Première conclusion de cette étude : la consommation d’aliments ultra-transformés a légèrement diminué entre 1991 et 2015 et le type de produits ingérés a évolué : moins de pain de mie, de céréales sucrées au petit déjeuner, de boissons, de sucreries ou de desserts emballés, et plus de desserts à base de produits laitiers, d’en-cas salés emballés sont observés.

Autre constatation : parmi les différents groupes d’aliments ultra-transformés, ce sont les boissons sucrées et les desserts à base de produits laitiers qui sont le plus fortement associés au risque de surpoids ou d’obésité chez les enfants.

Les raisons socio-économiques derrière la consommation de produits ultra-transformés

Evidemment, les scientifiques de cette étude soulignent que ces résultats ne doivent pas être utilisés pour faire porter la responsabilité de l’obésité infantile aux femmes. Selon eux, il faut s’interroger sur les raisons socio-économiques qui obligent certaines mères à consommer plus de produits ultra-transformés que d’autres. S’offrir une alimentation saine nécessite à la fois du temps et de l’argent, ainsi que la possibilité d’avoir accès à des produits de qualité à proximité de son domicile. Les scientifiques tiennent aussi à rappeler que les femmes, aujourd’hui encore, alors qu’elles travaillent, portent souvent seules la charge de nourrir l’ensemble de la famille, ce qui les oblige souvent à des arbitrages en faveur d’aliments plus rapidement consommables et se conservant plus longtemps.

La dernière conclusion des auteurs de l’article concerne les aliments ultra-transformés eux-mêmes. Ils émettent l’hypothèse que leur consommation excessive pendant la grossesse pourrait induire une modification épigénétique, c’est-à-dire un changement de l’expression de certains gènes, comme ceux qui prédisposent à l’obésité. Ainsi, le risque de surpoids serait-il augmenté. La présence dans ces aliments de sel, de sucre, d’émulsifiants ou encore d’édulcorants pourrait aussi affecter de manière négative le microbiote intestinal de la mère. D’autres travaux ont déjà conclu en ce sens.

La consommation de produits ultra-transformés en France est moindre qu’aux Etats-Unis

Selon le Dr Bernard Srour, épidémiologiste à l’Inserm et spécialiste de la nutrition, cette étude est surtout intéressante en ce qu’elle démontre en creux le rôle de l’éducation à l’alimentation dans la prévention de l’obésité infantile : plus les femmes sont informées, plus elles peuvent faire des arbitrages alimentaires adaptés. Cependant, les facteurs socio-économiques sont selon lui très difficiles à prendre en compte dans ce type d’étude, malgré les efforts de l’équipe d’Harvard. Ils sont pourtant déterminants pour comprendre l’obésité infantile. On sait qu’en France, les enfants d’ouvriers sont quatre fois plus touchés par l’obésité que les enfants de cadres. En outre, malgré les corrections statistiques apportées dans les modèles, le rôle de la consommation d’aliments ultra-transformés chez les enfants eux-mêmes dans ces associations ne peut pas être entièrement annulé.

Quant à la possibilité que ces résultats puissent être transposables à la situation hexagonale, le chercheur précise que s’il existe bien, le problème de la consommation des produits ultra-transformés en France n’atteint toutefois pas le niveau américain : aux Etats-Unis, 58% des apports journaliers en calories proviennent de produits ultra-transformés. En France, la moyenne est située entre 30 et 33%.

Quant à la question de savoir pourquoi il n’existe pas d’indicateurs de santé publique pour signaler ces aliments afin d’éviter que la France n’atteigne les chiffres observés aux Etats-Unis, Bernard Srour explique que « les recherches sur les produits ultra-transformés sont plutôt récentes, et qu’il est nécessaire d’avoir une extrapolation opérationnelle de la classification Nova [lire l’encadré ci-dessous] avant qu’elle ne puisse être utilisée par le consommateur et les industriels, en plus des recommandations et logos nutritionnels disponibles actuellement. Cette classification, qui est celle utilisée dans l’étude américaine, avait été développée dans un but de recherche ».

Le chercheur rappelle cependant qu’il est possible, grâce au Nutri-Score, de repérer une partie des aliments ultra-transformés. Ainsi, parmi ceux pourvus de l’étiquette E, 86% sont des produits ultra-transformés.

Nova et Nutri-Score, deux classifications complémentaires
Nova et Nutriscore Crédit : Nova/ Nutriscore
Nova est une classification des aliments en fonction de leur degré de transformation, tandis que le Nutri-score les classe selon leur valeur nutritionnelle. La classification Nova a d’abord été élaborée comme un outil de recherche quand le Nutri-Score a, lui, été pensé pour informer les consommateurs. Nova classe les aliments en quatre groupes : le groupe 1 comprend les aliments non transformés ou peu transformés (fruits, légumes, viande, œufs, lait). Le groupe 2 est composé d’ingrédients nécessaires à la cuisine tels que les sucres, les huiles et le beurre. Le groupe 3 comporte les aliments transformés (légumes et poisson en conserve, pain, confiture). Le groupe 4 comprend les aliments ultra-transformés, qui sont pour la plupart pauvres en protéines et en fibres, et riches en sel, sucre et matières grasses, et qui ont subi des transformations industrielles. Le Nutri-Score est fondé sur un code couleur doublé de lettres (de A/vert « bon » à E/ rouge « à limiter »). La lettre et la couleur sont attribuées à un produit alimentaire en prenant en compte quatre éléments :  l’apport calorique pour 100g, la teneur en sucres simples, en graisses saturées et en sel. Ce classement est pondéré par les éléments considérés comme positifs, tels que la teneur en fibres, fruits, légumes et protéines.

Source: Sciencesetavenir.fr
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