Miel, lait de vache ou aliments allergènes : certaines recommandations alimentaires pour les tout-petits ont de quoi étonner

En septembre 2021, Santé publique France a publié de nouvelles recommandations alimentaires pour les enfants de 4 mois à 3 ans. Avant de les diffuser, les responsables de ce programme de prévention ont présenté leur projet à un panel de parents. Les résultats de ce dialogue participatif entre professionnels et grand public viennent d’être mis en ligne. Avec quelques surprises à la clé…

Manger avec plaisir de tout entre 4 et 6 mois

Dès 4 mois, un bébé peut commencer à goûter de tout : des purées de légumes, de la viande ou du poisson mixés et même des légumineuses (lentilles, pois chiches). Par contre, les desserts sucrés, et le sucre en général peuvent être donnés très occasionnellement.

LECA / BSIP / BSIP via AFP

Prodiguer aux parents de jeunes enfants  des informations nutritionnelles qui puissent être réellement appliquées et comprises : telle était une des missions du groupe de travail sur l’alimentation de Santé publique France. L’enjeu est important : en France 18,7 % des filles et 14,4 % des garçons entre 7 et 9 ans étaient en situation de surpoids en 2016. Pour ce faire, une enquête qualitative a été réalisée afin de confronter le savoir des experts aux habitudes alimentaires des parents. Huit groupes de 4 à 5 parents ont été interrogés pendant trois heures, puis 15 entretiens individuels ont été effectués.

« Faut-il donner des aliments allergènes aux enfants dès le début de la diversification alimentaire ? »

Premier constat : les messages concernant la nécessité de diminuer l’apport de l’alimentation en matières grasses, en sucre et en sel est un message qui est bien passé auprès du grand public. Les parents ont donc été surpris de constater que, dans les nouvelles recommandations, l’ajout de matières grasses dans les préparations maison ou dans les petits pots, qui n’en contiennent pas déjà, était conseillé.

Deuxième constat : les parents ont été étonnés qu’il soit fortement déconseillé de donner à leur bébé du miel et des produits laitiers à base de lait cru. Beaucoup ignoraient les risques microbiologiques liés à ces aliments.

À la question : « Faut-il donner des aliments allergènes aux enfants dès le début de la diversification alimentaire ? », les parents ont, pour la plupart, répondu par la négative. Ils craignaient, notamment pour les fruits à coque, des réactions allergiques. Or les scientifiques constatent qu’il est préférable d’exposer, entre 4 et 6 mois, les enfants à des produits allergènes, ce qui améliore leur tolérance à ces aliments.

Les légumes secs et les produits céréaliers complets sont aussi des aliments peu plébiscités par les parents : leur consommation engendrerait, selon eux, des problèmes digestifs. Pourtant leur présence dans les assiettes des petits améliore la qualité nutritionnelle du repas, car ils sont riches en fibres et en protéines végétales.

La mention « spécial pour jeune enfant » ? C’est très marketing…

Les parents ont aussi découvert qu’ils pouvaient, dès 1 an, alterner lait de croissance et lait de vache entier UHT. Généralement les professionnels de santé leur déconseillaient les laits traditionnels. Cette recommandation a particulièrement été appréciée du fait du prix élevé des laits de croissance. Les participants à l’enquête ont aussi compris que les préparations lactées spécialisées pour les petits pouvaient être remplacées par des yaourts nature au lait entier, bien moins chers ; la mention « spécial pour jeune enfant » relève plus du marketing que d’un réel intérêt nutritionnel.

Le petit déjeuner et surtout le goûter ont été un sujet de vifs débats entre spécialistes et parents. Les premiers trouvent que ces repas sont trop sucrés parce que principalement constitués de viennoiseries, de biscuits, de gâteaux. Pour les seconds, ce sont des moments de plaisir et ils ne se voient pas interdire complètement ces sucreries à leur progéniture.

De même, les injonctions à préparer soi-même tous les repas des petits peuvent sembler stigmatisantes et culpabilisantes aux yeux des parents. Ils rejettent aussi la figure du parent parfait qui ne met jamais son enfant devant un écran ou qui n’allume jamais la télévision pendant un repas, même si l’effort pour suivre ces préconisations leur semble nécessaire.

En général les conseils nutritionnels sont mieux acceptés par les parents que les conseils éducatifs, comme faire confiance à l’appétit de son enfant ou encore donner de façon répétée des aliments peu appréciés de l’enfant.

« Ces enquêtes qualitatives sont indispensables »

Interrogée par Sciences et Avenir à propos de ce travail, Corinne Delamaire (auteure, chargée d’expertise scientifique en santé publique et impliquée dans ce projet) explique : « Ces enquêtes qualitatives sont indispensables avant de lancer des campagnes de prévention auprès de la population. » Elle précise « qu’elles permettent de réajuster le message en fonction des pratiques réelles des familles ». Lorsqu’une information est contre-intuitive pour les parents, comme celle sur les matières grasses, un message d’explication scientifique accompagne la recommandation. De même, lorsque le message rencontre une forte résistance des parents, – c’est le cas ici pour les sucreries du goûter -, les experts éviteront de parler d’interdiction ou d’obligation.

Questionnée sur l’efficacité de ces campagnes de prévention, qui existent depuis 2001 avec la mise en place du Programme national nutrition santé (PNNS), Corinne Delamaire note : « Il y a deux messages qui ont marqué le grand public : le premier concerne les aliments à éviter (trop salés, trop sucrés, trop gras) et le second est le slogan « manger 5 fruits et légumes par jour » ». Elle ajoute : « C’est surtout à partir de 2007, avec l’apposition des messages de prévention aux publicités, que ces recommandations se sont fait connaitre. »

La spécialiste estime qu’une éducation à la nutrition est utile dans un environnement où beaucoup de produits alimentaires peu chers (et fortement promus par des publicités) ont une valeur nutritive faible, et elle rappelle que ce sont les personnes à faible revenu et avec un niveau de diplôme moins élevé qui sont les plus touchées par des maladies métaboliques comme l’obésité. Or les produits sains sont souvent plus onéreux, et l’augmentation du prix de l’énergie ne va sans doute pas favoriser le “fait-maison”.

La question s’avère donc particulièrement complexe car elle met en jeu à la fois le savoir scientifique, l’affectivité des personnes concernées et leur souci d’agir au mieux pour leurs enfants, et une réalité sociale : de grosses inégalités de revenus et de conditions de vie sont observées dans la société française.

Source: Sciencesetavenir.fr
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