Neandertal : la dent d’un bébé montre qu’à peine sevré, il était carnivore, mais pas cannibale

A peine sevré, un bambin néandertalien vieux de 100.000 à 43.000 ans se nourrissait largement de viande. C’est ce que montre une étude dirigée par le CNRS, fondée sur une nouvelle méthode d’analyse des isotopes de zinc dans l’émail d’une de ses dents.

prémolaire d'un bébé néandertalien carnivore

L’analyse de cette prémolaire d’un bébé néandertalien de 100.000 ans montre qu’il était carnivore, à peine sevré

Lourdes Montes

Une quenotte préhistorique vient de jeter une lumière crue sur le régime alimentaire des néandertaliens, un débat récurrent car la disparition de nos cousins, survenue il y a environ 30.000 à 40.000 ans, a été fréquemment attribuée à leur stratégie de subsistance. Or, « certains bambins croquaient du cerf, du lapin et du cheval dès leur plus jeune âge« , affirme aujourd’hui Klervia Jaouen, chercheuse au CNRS dans une étude publiée dans les PNAS. Même si plusieurs études sont venues nous renseigner dernièrement sur le contenu des estomacs des Homo neanderthalensis, il n’y a toujours pas de consensus clair sur la variabilité de leurs régimes dans le temps et l’espace. En 2017, des travaux sur le tartre dentaire avaient ainsi montré que certains d’entre eux étaient largement végétariens. D’autres études établissaient à l’inverse que le régime de certains néandertaliens était constitué à 80% de viande. D’où l’intérêt de ce travail original et novateur.

Le zinc trahit le régime alimentaire après des milliers d’années

Car c’est la première fois que les rapports isotopiques du zinc contenus dans l’émail dentaire ont été analysés pour identifier l’alimentation d’un Homo neanderthalensis, vieux de 100.000 à 43.000 ans, découvert sur le site espagnol de Gabasa. Ils révèlent qu’à cette époque, sur ce site espagnol, on se régalait très tôt avec de la chair de gibier. Les scientifiques ont analysé une première molaire, une dent qui se forme entre 0 et 3 ans, et se sont concentrés sur ce que le bambin avait mangé à l’âge de deux ans, quelques mois après avoir été sevré du sein de sa mère. L’analyse des rapports isotopiques de zinc du petit néandertalien ou de la petite néandertalienne (on ignore son sexe), comparé à celui des autres carnivores (loups, renards, hyène), omnivores (ours) et herbivores (lapins, chevaux, cerfs, chamois) dont les ossements ont été retrouvés sur le site, donne une bonne idée des menus de chacun de ces prédateurs et de la signature isotopique associée à leur régime alimentaire. Pourquoi s’être focalisé sur un si jeune sujet ? « Il n’y avait que quatre dents à analyser et notre méthode est destructive. Même s’il s’agit de quelques milligrammes : nous n’avions pas la possibilité de tout échantillonner« , reconnait Klervia Jaouen. Les dents ne sont pas le meilleur indicateur d’une alimentation au long cours. « Une troisième molaire, ou une dent de sagesse, renseigne sur ce que la personne a mangé à l’âge de 13 ans environ, poursuit  Klervia Jaouen. Si on veut en savoir plus, mieux vaut se fier aux ossements qui enregistrent des données tout au long de la croissance et de la vie, mais la technique n’est pas possible pour le zinc.« 

Une quenotte préhistorique vient de jeter une lumière crue sur le régime alimentaire des néandertaliens, un débat récurrent car la disparition de nos cousins, survenue il y a environ 30.000 à 40.000 ans, a été fréquemment attribuée à leur stratégie de subsistance. Or, « certains bambins croquaient du cerf, du lapin et du cheval dès leur plus jeune âge« , affirme aujourd’hui Klervia Jaouen, chercheuse au CNRS dans une étude publiée dans les PNAS. Même si plusieurs études sont venues nous renseigner dernièrement sur le contenu des estomacs des Homo neanderthalensis, il n’y a toujours pas de consensus clair sur la variabilité de leurs régimes dans le temps et l’espace. En 2017, des travaux sur le tartre dentaire avaient ainsi montré que certains d’entre eux étaient largement végétariens. D’autres études établissaient à l’inverse que le régime de certains néandertaliens était constitué à 80% de viande. D’où l’intérêt de ce travail original et novateur.

Le zinc trahit le régime alimentaire après des milliers d’années

Car c’est la première fois que les rapports isotopiques du zinc contenus dans l’émail dentaire ont été analysés pour identifier l’alimentation d’un Homo neanderthalensis, vieux de 100.000 à 43.000 ans, découvert sur le site espagnol de Gabasa. Ils révèlent qu’à cette époque, sur ce site espagnol, on se régalait très tôt avec de la chair de gibier. Les scientifiques ont analysé une première molaire, une dent qui se forme entre 0 et 3 ans, et se sont concentrés sur ce que le bambin avait mangé à l’âge de deux ans, quelques mois après avoir été sevré du sein de sa mère. L’analyse des rapports isotopiques de zinc du petit néandertalien ou de la petite néandertalienne (on ignore son sexe), comparé à celui des autres carnivores (loups, renards, hyène), omnivores (ours) et herbivores (lapins, chevaux, cerfs, chamois) dont les ossements ont été retrouvés sur le site, donne une bonne idée des menus de chacun de ces prédateurs et de la signature isotopique associée à leur régime alimentaire. Pourquoi s’être focalisé sur un si jeune sujet ? « Il n’y avait que quatre dents à analyser et notre méthode est destructive. Même s’il s’agit de quelques milligrammes : nous n’avions pas la possibilité de tout échantillonner« , reconnait Klervia Jaouen. Les dents ne sont pas le meilleur indicateur d’une alimentation au long cours. « Une troisième molaire, ou une dent de sagesse, renseigne sur ce que la personne a mangé à l’âge de 13 ans environ, poursuit  Klervia Jaouen. Si on veut en savoir plus, mieux vaut se fier aux ossements qui enregistrent des données tout au long de la croissance et de la vie, mais la technique n’est pas possible pour le zinc. »

Lire aussiUne lumière nouvelle sur l’alimentation au Paléolithique

Jusqu’alors, pour tenter de définir la place d’un individu dans la chaîne alimentaire, les scientifiques devaient donc généralement extraire les protéines et analyser les isotopes de l’azote présent dans le collagène des ossements. Au cours des 30 dernières années, ce sont donc les analyses des isotopes de l’azote dans le collagène qui ont fourni des preuves de l’alimentation des néandertaliens en Europe et en Asie. En 2016, l’équipe de physico-chimistes du Centre d’évolution humaine et de paléoenvironnement de Senckenberg à Tübingen (Allemagne) menée par Hervé Bocherens, a ainsi réalisé une analyse des atomes du collagène, une protéine contenue dans les os, les dents et les cartilages. Elle concluait que d’une manière générale, Neandertal, en Asie et en Europe, se nourrissait à 80 % de la chair de grands et gros herbivores comme les mammouths et les rhinocéros laineux. Les 20% restant étant possiblement un apport en racines et légumineuses.

 

Le régime de Neandertal comparé à celui d'autres carnivores, selon une étude de 2017 Crédit : Hervé Bocherens, Université de Seckenberg

Le régime néandertalien comparé à celui d’autres carnivores. Crédit Bocherens/université de Seckenberg, 2017.

Or,« cette méthode basée sur le collagène n’est souvent applicable que dans des environnements tempérés, et rarement sur des échantillons de plus de 50.000 ans« , précise Klervia Jaouen. Lorsque ces conditions ne sont pas respectées, l’analyse des isotopes de l’azote est très complexe, voire impossible. C’était notamment le cas de la molaire provenant du site de Gabasa, étudiée ici.

Le petit néandertalien n’était ni cannibale, ni buveur de sang

Face à ce défi, la chercheuse et ses collègues ont pour la première fois analysé les rapports isotopiques du zinc contenus dans l’émail dentaire, un minéral résistant à toutes formes de dégradations. Résultat, le néandertalien ou la néandertalienne à qui appartenait cette dent de Gabasa aurait été carnivore, mais ne consommait pas le sang de ses proies, contrairement aux autres carnivores du site comme le loup et la hyène. L’étude de la dent ne permet malheureusement de dire s’il consommait des aliments transformés, vidés de leur sang, ou cuit. Mais l’on sait qu’il raffolait du lapin, tout comme les Homo neanderthalensis du site archéologique de Pié lombard, un abri sous-roche occupé il y a plus de 70.000 ans en France. Ce qui confirme que ces Homo étaient capables de chasser du petit gibier et n’étaient pas inféodés aux grosses proies.

D’après les os brisés retrouvés sur le site et les données isotopiques, le bambin aurait également mangé la moelle osseuse de ses proies sans pour autant en consommer les os. Rien ne permet de dire qu’il aurait été cannibale, contrairement aux néandertaliens de Belgique il y a 47.000 ans par exemple, qui y auraient possiblement été contraints par une disette. 

Comparée aux précédentes techniques, cette nouvelle méthode, par l’analyse des isotopes du zinc, permet de mieux distinguer les omnivores des carnivores. Les scientifiques espèrent reproduire l’expérience sur d’autres individus provenant d’autres sites, pour confirmer leurs conclusions, notamment sur le site de Payre, en France, où de nouvelles recherches ont débuté. Mais Klervia Jaouen espère également bien tester sa méthode sur des dents d’australopithèques (plus de 3 millions d’années) dont on se demande toujours quand et à quel point ils consommaient de la viande, plus ou moins faisandée.

D’autres néandertaliens étaient végétariens ou amateurs de fruits de mer

Cette étude ne doit pas faire oublier que l’alimentation des néandertaliens s’est diversifiée dans le temps et selon les sites qu’ils occupaient.

En 2019, l’équipe de Laura Weyrich, microbiologiste à l’université d’Adelaïde (Australie), a ainsi extrait puis analysé l’ADN contenu dans les plaques dentaires prélevées sur cinq corps de Néandertaliens découverts sur des sites paléontologiques d’Europe, datés d’entre 42.000 et 50.000 ans. Véritable piège, la plaque dentaire est un dépôt de phosphate de calcium et de magnésium issu de la salive, mélangé à des micro-organismes (essentiellement des bactéries) de la bouche et des appareils digestif et respiratoire, mais aussi de petits morceaux de nourriture coincés dans les dents.

Résultat : si l’un des premiers néandertaliens découverts, l’Homme de Spy (près de Namur, en Belgique) découvert dans une grotte en 1886, consommait du rhinocéros laineux et du mouton sauvage (mouflon), celui de la grotte d’El Sidron, à Pilona (au nord-ouest de l’Espagne), mangeait plutôt des pignons de pin, des mousses et des champignons. « Les Néandertaliens belges, une population chasseuse et cueilleuse, vivaient dans une steppe, tandis que les Espagnols, cueilleurs, occupaient une forêt dense« , expliquait alors Bastien Llamas, de l’université d’Adélaïde, co-auteur de l’étude. En 2020, une autre étude a montré qu’en Italie, Neandertal pêchait et consommait des coquillages il y a 90.000 ans à 60.000 ans, tandis que de précédents travaux montraient qu’il ne dédaignait pas truites et poissons.

Bref, Homo neanderthalensis était un opportuniste. A priori, un gage de survie, mais qui n’a pas suffi.

Source: Sciencesetavenir.fr
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