Qu’est-ce que le Nutri-Score ? Voilà tout ce qu’il faut savoir sur le logo nutritionnel français

En 2023, l’Europe va devoir se choisir un logo nutritionnel. Le Nutri-Score français fait partie des candidats retenus par les experts européens. Sciences et Avenir revient sur les forces et les quelques faiblesses de ce logo.

Logo Nutri-Score

Les industriels calculent le Nutri-Score de leurs produits : trop de sucre, c’est 10 points, trop de sel, 10 points supplémentaires, etc. Après ce calcul, ils pourront soustraire 5 points maximum si le produit contient beaucoup de fibres, 5 autres points s’il comprend des protéines et 5 derniers si, dans sa composition, il y a des fruits, des légumineuses, des légumes, des noix et certaines huiles. 

Garo / Phanie/ AFP

Il s’est imposé dans nos frigos et nos cuisines. Le Nutri-Score est un logo qui permet aux consommateurs de comparer la qualité nutritionnelle de produits du même type ou de produits qui doivent être consommés au même moment pendant le repas. Par exemple, mettre en balance différentes céréales pour le petit déjeuner, ou différentes alternatives pour un goûter d’enfant : des viennoiseries ou des biscuits ou des compotes…

Uniquement présent sur les produits emballés, le Nutri-Score est fondé sur un code couleur doublé de lettres (de A/vert « à privilégier » à E/rouge « à limiter »). La lettre et la couleur sont attribuées à un produit par un algorithme prenant en compte quatre éléments défavorables pour la santé (évalués pour des quantités de 100 g ou 100 ml) : l’apport calorique, la teneur en sucres simples, en graisses saturées et en sel. Plus le produit est riche de ces éléments, plus l’algorithme lui attribue des mauvais points, pour un total maximum de 40.

Cette notation est pondérée par la présence dans le produit d’ingrédients ou de nutriments favorables à la santé (fruits et légumes, protéines, fibres), qui permettent d’améliorer le score de 15 points maximum. « Cette méthode de calcul évite qu’un produit trop riche en éléments affectant la santé puisse avoir un bon score même si quelques-uns de ses éléments sont favorables à une alimentation saine », précise à Sciences et Avenir Chantal Julia, chercheuse et membre de l’Equipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren), à l’origine du logo.

En France, les autorités sanitaires recommandent de limiter (en fréquence ou en quantité) la consommation de produits affichant un Nutri-Score D ou E.

Pourquoi la France a-t-elle mis en place ce Nutri-Score ?

Dans les conclusions de leurs travaux ou lors de leurs consultations, scientifiques et médecins le constatent : la santé en France se dégrade. Près d’un Français sur deux (47 %) est en surpoids ou en situation d’obésité. Par ailleurs, en 2020, plus de 3,5 millions de personnes étaient traitées pour un diabète, soit 5,3 % de la population française. Et ce n’est pas tout : un adulte sur 3 est hypertendu, et chaque année 140.000 Français meurent d’une maladie cardiovasculaire.

Une des principales causes de cette situation ? La « malbouffe », et plus particulièrement l’excès de sel, de sucre et de matières grasses saturées dans l’alimentation. Une étude parue dans The Lancet portant sur 195 pays a montré que la consommation excessive de sel entraîne 3 millions de décès supplémentaires par an, qu’une consommation insuffisante de céréales complètes est responsable de 3 millions de décès supplémentaires, et que la consommation insuffisante de fruits est à l’origine de 2 millions de décès annuels. On comprend donc pourquoi, dans la notation du Nutri-Score, c’est l’ensemble de ces données qui a été privilégié.

La France est-elle le seul pays à mettre en place un logo nutritionnel de type Nutri-Score ?

Non, six autres pays européens (Belgique, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne et Suisse) ont adopté le Nutri-Score. « Il n’y a pas que des pays européens qui légifèrent à ce sujet, ajoute Chantal Julia. En Amérique Latine, le Chili et le Mexique ont mis en place des logos d’avertissement (excès de sel, de sucre, de graisses saturées) et le Brésil œuvre activement sur ce sujet. De même, en Israël, en Australie, à Singapour ou au Canada, il existe aussi une législation, soit déjà votée, soit en cours d’adoption. »

Par ailleurs, le Nutri-Score a été pensé à partir d’un algorithme britannique réalisé par une équipe de recherche de l’université d’Oxford en 2005. A cette date, au Royaume-Uni, l’idée était de réserver strictement aux produits sains la publicité alimentaire destinée aux enfants. Avec 1,8 million d’enfants britanniques en surpoids, la situation était alarmante. Ce travail précurseur a jeté les bases du logo nutritionnel français.

A-t-on des preuves de l’efficacité de la notation Nutri-Score ?

« Oui, et les résultats sont solides car réalisés à partir de cinq grandes cohortes prospectives, affirme Julia Chantal. Il y a évidemment les cohortes mise en place par notre laboratoire Suvimax ou NutriNet-santé, mais aussi des groupes étrangers comme les cohortes espagnoles SUN et Enrica, l’européenne Epic, ou encore l’italienne Moli-sani. »

La chercheuse précise : « La cohorte prospective permet aux scientifiques de suivre pendant plusieurs années un nombre important de personnes et offre donc la possibilité de relier l’évolution de la santé des adultes sélectionnés à leurs pratiques alimentaires. » Les résultats des six études principales convergent : la consommation régulière de produits moins bien classés par l’algorithme de Nutri-Score affecte la santé des participants recrutés dans ces études.

Le Nutri-Score changera-t-il vraiment les habitudes alimentaires des Français ?

Le Nutri-Score à lui seul ne peut pas faire disparaître les mauvaises habitudes alimentaires. C’est un ensemble de politiques publiques volontaristes qui pourra faire évoluer les pratiques en la matière dans l’Hexagone. Comme d’autres mesures, le Nutri-Score est un élément de cette politique : l’interdiction des distributeurs automatiques dans les écoles (2005), la taxation des boissons sucrées et artificiellement sucrées (2012) ou la nécessité d’accoler aux publicités alimentaires pour enfant des messages de prévention (2007) participent de cette démarche. Toutes ces initiatives ont été décidées dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS) mis en place en 2001.

Malgré cela, si, depuis 20 ans, la prévalence de l’obésité s’est stabilisée (à un niveau élevé), tous les autres indicateurs de santé publique n’évoluent pas favorablement. Un facteur limite la portée de ces actions : « l’accroissement des inégalités sociales dans le champ de la nutrition ».

Une note positive cependant : le Nutri-Score a créé une dynamique. Des applications permettant d’aider les consommateurs à affiner leurs choix comme — « Yuka », « QuelProduit » ou  « Open Food Facts » — ont été téléchargées plusieurs millions de fois. D’ailleurs, le procès qui a opposé la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (Fict) à l’application Yuka montre bien que la notation de la qualité nutritionnelle d’un produit a des incidences sur les choix alimentaires de la population.

Alors pourquoi le Nutri-Score ne se trouve-t-il pas sur tous les produits vendus dans le commerce ?

Il n’y a aucune obligation pour les industriels de l’agroalimentaire de faire figurer le Nutri-Score sur leurs produits. Le rendre obligatoire nécessite de passer par la législation européenne. Aujourd’hui, certains industriels de l’agroalimentaire jouent le jeu et leurs marques représentent 50% du volume total des ventes. Mais l’étude réalisée en 2021 par Oqali montre que ce sont des produits classés A dans le Nutri-Score qui sont le plus étiquetés par les fabricants (31%), les produits classés E l’étant nettement moins (9,6%).

Il reste cependant une marge de manœuvre aux législateurs français : le rendre obligatoire sur les publicités. « Il y a bien eu des propositions d’amendements en ce sens à l’Assemblée nationale : la dernière en date est celle soutenue par Olivier Véran, mais elle n’a pas été reprise par les sénateurs », rapporte Chantal Julia.

L’Europe des 27 va-t-elle rendre obligatoire le Nutri-Score ?

En 2021, la France et six autres pays (Belgique, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne et Suisse) se sont officiellement engagés dans une coordination européenne afin de faciliter l’usage du Nutri-Score à l’échelle du continent. Depuis, les experts du centre commun de recherche de la Commission européenne ont comparé l’efficacité de différents logos nutritionnels existants, et les logos graduels, synthétiques et colorés (comme le Nutri-Score) répondent à l’ensemble des critères retenus par ces experts.

Cependant, des pays comme l’Italie (qui fabrique le Nutella et est un grand producteur de charcuteries et de fromages) sont vent debout contre l’adoption d’un tel logo à l’échelle européenne. Des négociations sont en cours car, dans le cadre de la future stratégie européenne « Farm to Fork », la Commission européenne s’est engagée à adopter en 2023 un logo nutritionnel obligatoire et harmonisé pour tous les pays de l’Union.

Il est néanmoins à craindre que le logo retenu soit moins efficace que le Nutri-Score français, comme c’est un le cas pour les produits bio (la feuille verte européenne est moins contraignante que le label français AB).

Pourquoi certains produits non transformés, de bonne qualité, comme les aliments AOP/AOC ou les produits biologiques obtiennent-ils de mauvais Nutri-Score ?

Les labels AOP, AOC ou IPG certifient l’origine d’un produit et son mode de fabrication, de même que les labels biologiques garantissent principalement le mode de culture d’un aliment (sans pesticides…). Or le Nutri-Score est fondé sur la composition nutritionnelle de tel ou tel produit, et uniquement sur les éléments dont les études ont révélé qu’ils avaient le plus d’impact sur la santé (gras, salé, sucré, calorique).

C’est pourquoi des céréales pour le petit déjeuner, un produit transformé, pourront obtenir un Nutri-Score A parce que pauvres en sel, riches en fibres et peu sucrées, tandis qu’un jambon de pays AOC/AOP ou IGP sera étiqueté E car riche en sel et en graisses saturées. « Effectivement, beaucoup de fromages et de charcuteries sont mal classés, confirme Chantal Julia. Mais il n’y a pas que le Nutri-Score pour le rappeler, les campagnes de prévention insistent aussi sur la nécessité de limiter en fréquence ou en quantité la consommation de ce type d’aliments. » L’experte précise cependant : « Une enquête de Que Choisir a montré que, sur une sélection de 588 références de produits AOP/AOC ou IGP, 62% avaient un Nutri-Score compris entre A et C : il y a donc beaucoup d’AOP/AOC ou IGP bien classés. »

Quelles sont les limites du Nutri-Score ?

Le Nutri-Score évalue la qualité nutritionnelle des aliments et non la présence d’additifs (colorants, édulcorants, agents de texture, conservateurs et antioxydants) ou d’intrants utilisés en agriculture (pesticides…), ou encore le degré de transformation de ces aliments. De même, il n’est présent que sur les produits emballés.

Quant aux additifs, l’Union européenne en autorise plus de 300. Ils sont souvent reconnaissables à la lettre E suivie de trois chiffres obligatoirement signalés sur la liste des ingrédients. A défaut de les voir apparaître à côté du Nutri-Score, il est déconseillé d’acheter des produits dont la composition en signale plus de trois ou quatre. Pour les intrants, une réglementation européenne existe, « la feuille verte ». Il y a aussi la certification française « AB » pour agriculture biologique.

Le fait que le Nutri-Score figure uniquement sur des produits emballés (et non sur les produits en vrac, par exemple) nécessiterait une évolution de la législation. Cependant, la dernière étude sur les pratiques alimentaires des Français montre que le fait-maison à partir de produits bruts tend à diminuer significativement au profit de produits agroalimentaires industriels bien emballés.

Mais la limite la plus dommageable pour le Nutri-Score est l’absence de prise en compte du type de transformation du produit. En effet, les produits transformés sont de plus en plus soupçonnés d’être délétères pour la santé. Il existe ainsi des produits ultra-transformés notés A par l’algorithme Nutri-Score. « Nous souhaiterions prendre en compte cette dimension sur le logo Nutri-Score, par exemple en entourant ce dernier d’un liseré noir pour signaler les produits ultra-transformés, commente Chantal Julia. Pour cela, nous aurions besoin d’une grille de calcul scientifique ; or aujourd’hui, Nova, la classification la plus utilisée, n’est pas assez précise pour étiqueter avec des critères objectifs dans le cadre d’une législation. »

Pourquoi certains produits voient-ils leur Nutri-Score changer ?

Première raison : certains industriels améliorent la recette de leur produit dans l’objectif de faire passer leurs produits dans la catégorie supérieure.

Seconde raison : le Nutri-Score évolue en fonction des connaissances scientifiques. Il est prévu pour 2023 une nouvelle adaptation de l’algorithme, plus en phase avec les recommandations de santé publique, plus sévère vis-à-vis du sel et du sucre et plus exigeante quant à la présence de fibres et de protéines. Par exemple, tous les produits à base de farine complète auront un meilleur score que ceux élaborés avec de la farine raffinée. De même, les produits contenant de bons acides gras verront leur note améliorée.

Le Nutri-Score est-il le meilleur logo ? Existe-t-il des logos concurrents ?

Il existe de multiples autres logos à travers le monde, dont certains sont mis en place par l’industrie agroalimentaire elle-même.

En France, avant que le Nutri-Score ne bénéficie de l’aval des autorités sanitaires, une étude a montré sa pertinence par rapport à d’autres logos. L’intérêt principal de l’algorithme du Nutri-Score est qu’il est adossé à une politique nationale de santé publique, et bénéficie donc de moyens pour être évalué en toute indépendance et amélioré en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques. Autre avantage : l’algorithme est public et des acteurs comme les associations de consommateurs ou les ONG peuvent s’en emparer et développer d’autres outils d’information à destination des consommateurs.

Les industriels peuvent-ils tricher sur le score réel de leur produit au Nutri-Score ?

La tromperie est toujours possible. Mais le fraudeur, en affichant une information fausse, s’expose à des sanctions de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). « Les associations de consommateurs sont vigilantes à ce sujet et les consommateurs eux-mêmes, qui signalent des calculs douteux », rappelle Chantal Julia.

Que faire si on ne trouve pas de Nutri-Score sur un produit ?

Faisons déjà un constat : tous les industriels tels que Coca-Cola, Mars, Mondelēz, PepsiCo, Unilever et Lactalis, dont une partie non négligeable de leurs produits sont classés E au Nutri-Score, refusent l’étiquetage. Chantal Julia y voit une forme d’évidence : « Si le consommateur ne trouve pas cette information sur un produit, il est à parier que l’on ne souhaite pas la lui donner. »

Ensuite, il est toujours possible de télécharger des applications telles que « Yuka », « Open Food Facts » ou « QuelProduit » pour trouver des informations qualitatives avant d’acheter un nouveau produit alimentaire. Et, dans la mesure de ses moyens et du temps disponible pour préparer un repas, il est recommandé d’augmenter la part des repas préparés à la maison avec des produits « bruts ». On maîtrise ainsi soi-même la composition et la transformation des aliments.

Source: Sciencesetavenir.fr
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