Un régime alimentaire optimal pour rallonger son espérance de vie ?

Des légumineuses, des fruits à coque, pas de viande rouge… Ce serait le trio gagnant, selon une méta-étude internationale. Avec des fruits et légumes en plus, cette assiette rallongerait l’espérance de vie. Une recette bien difficile à suivre.

Assiette idéale

Selon les résultats de la méta-étude,la viange rouge et la charcuterie sont à exclure au profit de beaucoup de poisson, de légumineuses, de fruits à coque et de céréales.

BERNARD MARTINEZ POUR SCIENCES ET AVENIR – LA RECHERCHE

Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir – La Recherche n°904, daté juin 2022. 

Ces chercheurs ne vous promettent pas la vie éternelle mais… 13,9 années de vie supplémentaires ! Une rallonge qui a de quoi en faire rêver plus d’un. D’autant qu’elle ne dépend pas d’une technique ultrasophistiquée mais tout simplement de notre alimentation. Des scientifiques de l’Université de Bergen, en Norvège, ont en effet dessiné le régime alimentaire « optimal » sur le plan de la santé en combinant pour la première fois les données issues de nombreuses études internationales sur l’alimentation et l’espérance de vie et celles du Global Burden of Disease, un programme de recherche mondial qui quantifie les pertes de santé dues à des centaines de maladies et facteurs de risque. Soit la plus grande méta-étude sur le thème jamais réalisée.

Leurs résultats publiés en février dans Plos Medicine ont fait sensation. Car abandonner l’alimentation occidentale typique dès l’âge de 20 ans au profit d’une « simple » assiette riche en légumineuses, céréales complètes, fruits à coque, fruits et légumes et pauvre en viande (voir tableau ci-contre)ferait gagner 13,9 années d’espérance de vie à un homme et 10,6 à une femme. Passé 20 ans ? Pas de panique ! À 60 ans, le jeu en vaudrait toujours la chandelle puisque la rallonge serait de 8,8 ans pour les hommes et 8,2 pour les femmes. De quoi donner l’eau à la bouche…

Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir – La Recherche n°904, daté juin 2022. 

Ces chercheurs ne vous promettent pas la vie éternelle mais… 13,9 années de vie supplémentaires ! Une rallonge qui a de quoi en faire rêver plus d’un. D’autant qu’elle ne dépend pas d’une technique ultrasophistiquée mais tout simplement de notre alimentation. Des scientifiques de l’Université de Bergen, en Norvège, ont en effet dessiné le régime alimentaire « optimal » sur le plan de la santé en combinant pour la première fois les données issues de nombreuses études internationales sur l’alimentation et l’espérance de vie et celles du Global Burden of Disease, un programme de recherche mondial qui quantifie les pertes de santé dues à des centaines de maladies et facteurs de risque. Soit la plus grande méta-étude sur le thème jamais réalisée.

Leurs résultats publiés en février 2022 dans Plos Medicine ont fait sensation. Car abandonner l’alimentation occidentale typique dès l’âge de 20 ans au profit d’une « simple » assiette riche en légumineuses, céréales complètes, fruits à coque, fruits et légumes et pauvre en viande (voir tableau ci-contre)ferait gagner 13,9 années d’espérance de vie à un homme et 10,6 à une femme. Passé 20 ans ? Pas de panique ! À 60 ans, le jeu en vaudrait toujours la chandelle puisque la rallonge serait de 8,8 ans pour les hommes et 8,2 pour les femmes. De quoi donner l’eau à la bouche…

La part du lion pour les fruits, les céréales, les légumineuses et le poisson

S’offrir un sixième de vie en plus ? Voilà qui ne surprend pas Olivier Jolliet. « Une bonne dizaine d’années en plus, c’est plausible « , déclare ce professeur de sciences de la santé environnementale à l’Université du Michigan (États-Unis). Sa propre étude, parue en août 2021 dans Nature Food, parvenait à des conclusions similaires et le parti pris était le même : « Calculer le risque aliment par aliment parce que quand nous faisons nos courses, nous n’achetons pas un régime alimentaire mais des poireaux ou un hot dog « , lance l’expert. Afin de frapper les esprits, le chercheur américain et son équipe ont décidé de mesurer l’impact de chaque aliment en minutes ou en heures d’années de vie sauvées… ou perdues. « Pour un hot dog, explique-t-il, on ajoute les risques spécifiques liés à la consommation de 60 g de viande transformée, de sodium et de graisses – elles aussi transformées – et on minore avec les bienfaits des graisses polyinsaturés.  » Résultat : la consommation d’un hot dog ferait perdre 36 minutes de vie « en santé », autrement dit sans incapacité.

Sur le fond, les études de Plos Medicine ou de Nature Food viennent conforter des données scientifiques antérieures. Une vaste étude publiée en 2017 dans The Lancet a déjà mis en évidence qu’un décès sur cinq dans le monde serait provoqué par une alimentation pauvre en céréales complètes, fruits et légumes, fruits à coque et poissons. Sur les 11 millions de morts de 2016, dix millions seraient dus aux maladies cardio-vasculaires, imputables notamment à un excès de sel, 913.000 à des cancers (liés notamment à l’obésité, mais aussi à d’autres facteurs tels que la viande rouge, l’alcool…) et 339.000 au diabète de type 2 (dus à de forts apports en sucre et matières grasses). Un mauvais coup de fourchette serait donc plus mortel que le tabac (7 millions de morts).

Méthodologie de l’étude internationale norvégienne

Pour relier alimentation et espérance de vie, les chercheurs ont croisé les données de la plus grande base épidémiologique mondiale, le Global Burden of Disease, avec celles d’autres méta-analyses consacrées à l’impact de divers groupes d’aliments sur la mortalité. Ils ont considéré chaque groupe d’aliments comme un facteur de protection ou de risque individuel. Leur quantité dans le régime optimisé a ainsi été définie pour minimiser la mortalité. Enfin, pour estimer les gains d’espérance de vie associés au passage d’un « régime occidental typique » à un régime « optimal », les chercheurs ont établi les taux de mortalité après l’âge où le régime alimentaire est modifié.

Un renfort de la barrière intestinale

Les phénomènes physiologiques à l’origine de ce rallongement de l’espérance de vie sont aujourd’hui de mieux en mieux décryptés. Les légumineuses, par exemple, « sont de très bonnes sources de protéines et contiennent beaucoup de fibres qui vont donc ralentir la digestion et stabiliser le taux d’insuline. Du coup, le sentiment de satiété ne disparaît pas très vite comme avec les féculents « , précise Xavier Coumoul, toxicologue et directeur de recherche à l’Inserm. Dès 2004, une étude conduite sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concluait que les légumineuses étaient « le principal facteur alimentaire prédictif de la longévité  » et que pour chaque augmentation de 20 g de la consommation quotidienne de légumineuses, le risque de décès était réduit de 8 %.

Une alimentation riche en fibres et donc en fruits, légumes mais aussi en céréales complètes renforce en outre la barrière intestinale. Ce filtre laisse passer les nutriments mais bloque la voie aux agents pathogènes (virus et bactéries en tout genre) qui ont tendance à déclencher des réactions immunitaires inappropriées et des phénomènes inflammatoires. « Des études expérimentales ont également montré que la consommationd’aliments riches en fibres favorise la production d’acides gras à chaîne courte « , ajoute Xavier Coumoul. Ces molécules synthétisées par le microbiote renforceraient, elles aussi, la barrière intestinale et moduleraient les réponses inflammatoires et immunitaires.

Les apports en acides gras et en vitamines des fruits à coque ainsi que des fruits et légumes ont des effets antioxydants et donc anti-vieillissement. « Bien sûr, le manque de vitamines ne tue personne, ironise Xavier Coumoul, mais favorise des problèmes de santé en cascade.  » D’après une étude de l’Inserm publiée en 2017 sur une cohorte exclusivement féminine, les femmes qui présentent les scores antioxydants les plus élevés ont un risque de diabète réduit de 27 % par rapport à celles qui ont les scores les plus faibles. Quant à la viande rouge, le Centre international de recherche sur le cancer a estimé que chaque portion de 50 grammes de viande transformée consommée tous les jours augmente le risque de cancer colorectal de 18 % environ. Une fois digéré, le fer héminique, à l’origine de la couleur rouge de la viande, se transforme en aldéhyde qui a des effets mutagènes et accélère le vieillissement en favorisant l’apoptose (la mort) des cellules.

Malgré ces effets incontestables, les conclusions de la méta-étude des chercheurs norvégiens n’ont pas manqué de susciter des critiques. « Les effets rapportés me semblent très peu réalistes « , déclare Vegard Lysne, diététicien et chercheur au service de cardiologie de l’hôpital universitaire Haukeland et au centre de nutrition de l’Université de Bergen (Norvège). Selon lui, « les effets de la modification de l’apport de chaque aliment sont traités séparément, ignorant les effets de substitution alimentaire « . Car une personne qui modifie son alimentation a tendance à substituer un aliment par un autre, ce dernier n’étant pas toujours plus sain.

La nutrition se convertit au numérique

Et si le métier de nutritionniste était voué à disparaître à cause de l’intelligence artificielle ? La question peut paraître provocatrice mais de nombreux chercheurs en nutrition fournissent déjà leurs données à des start-up qui développent des applications. Ainsi Olivier Jolliet, professeur à l’Université du Michigan (États-Unis), a fourni les siennes au développeur de l’appli IEatBetter (en anglais) qui sort en juin une nouvelle version « vraiment axée sur la meilleure compréhension scientifique de ce que sont des habitudes alimentaires saines et de leurs avantages à long terme » . L’appli DayTwo (en anglais), issue des recherches d’Eran Elinav et Eran Segal de l’Institut Weizmann des sciences (Israël), repose, elle, sur un algorithme qui analyse les données relatives aux réactions glycémiques de différents individus à des dizaines de milliers de repas différents.

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Crédit : DAYTWO LTD

Un régime intermédiaire plus réaliste à adapter

En outre, gagner une dizaine d’années d’espérance de vie, « cela suppose que les changements sont maintenus pour le reste de la vie, ce qui me semble très peu réaliste « , ajoute Vegard Lysne. Même scepticisme de la part de Bernard Srour, de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle de l’Inserm : « 250 g de légumineuses par jour comme le dit l’étude norvégienne, ce n’est pas atteignable. Les Français sont encore très loin des recommandations (deux fois par semaine, alors que la moitié des Français n’en consomment même pas une fois par semaine, ndlr). Et c’est pareil pour la viande rouge. Le régime optimal prône l’abstinence totale. Ce scénario n’est pas fondé sur des preuves solides, même si la consommation de viande rouge reste à limiter.  » Conscients de cet écueil, les scientifiques norvégiens ont évalué les effets d’un régime intermédiaire composé notamment de 100 g de légumineuses et 50 g de viande rouge par jour. Le gain d’espérance de vie reste significatif : 6,2 ans pour les femmes et 7,3 ans pour les hommes.

Assiette recommandée

Les recommandations actuellesincluent de petites quantités de viande rouge et de charcuterie. Les portions de légumineuses restent faibles. Crédit : BERNARD MARTINEZ POUR SCIENCES ET AVENIR – LA RECHERCHE

Ces calculs en années – voire en minutes – de vie sauvées ou perdues valent donc à l’échelle d’une population mais ne peuvent être pris au pied de la lettre par chaque individu. « Le calculateur publié à partir des résultats donne l’impression de pouvoir prédire l’effet de changements alimentaires très spécifiques chez les individus, ce qu’il nepeut pas faire « , insiste Vegard Lysne. D’autant que « les effets d’un aliment ne sont pas homogènes dans tous les groupes de population, prévient Olivier Jolliet. Les oméga-3 ont par exemple un effet plus positif chez les femmes que chez les hommes.  » Pourtant, en abandonnant le risque relatif au profit du gain d’années de vie, les scientifiques cherchent justement à marquer les esprits pour réussir le tour de force de modifier les comportements alimentaires.

« Changer une routine, c’est extrêmement compliqué, prévient Marie Plessz, sociologue à l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Nos choix alimentaires dépendent certesde préoccupations de santé, mais aussi de la représentation que nous nous faisons de certains aliments, des prix, de l’accessibilité des produits, de notre souci de faire des repas qui plaisent à toute la famille…  » Par ailleurs, la peur de favoriser l’apparition d’une maladie dans le futur a ses limites, comme le prouve le quart de fumeurs quotidiens en France. La chercheuse de l’Inrae souligne que tout le monde n’adhère pas à « une vision comptable de la santé, comme un capital que l’on fait fructifier pour un futur lointain. Si votre travail vous casse le dos, votre rapport à la santé est tout autre « .

Les limites de cette approche, certes innovante, renforcent l’idée qu’il faut agir d’une part au niveau collectif, à coups de taxes sur la « malbouffe », d’incitations financières sur les produits sains, de campagnes d’information… et d’autre part au niveau individuel. À cette échelle, c’est la stratégie des petits pas, avec des objectifs atteignables, qui se révèle la plus efficace. Même si le régime optimal évalué par les chercheurs norvégiens repose sur le « zéro » viande rouge, diminuer sa consommation aura déjà des conséquences positives sur la santé. Les dernières recommandations françaises (2019-2023) se veulent d’ailleurs moins injonctives que les précédentes. Au lieu de demander à chacun d’entre nous de se conformer à des quantités d’aliments, il est aujourd’hui recommandé « d’aller vers  » ou de « réduire  » tels produits. Par exemple, plus de denrées riches en oméga-3 et de féculents complets, et moins de boissons sucrées et aliments ultratransformés (lire l’encadré ci-dessus). Inutile de prendre sa balance pour cuisiner ! « Le plaisir de manger et la convivialité d’un repas partagé  » sont officiellement cités comme favorables à la santé.

Et si le danger venait de l’ultratransformation…

Àquoi se mesure la qualité nutritionnelle d’un aliment ? À son taux de graisses, de sucres, de sel mais aussi de fibres, de protéines, etc. Pour cela, plusieurs études ont démontré la validité du Nutriscore, notamment celle publiée en 2020 dans le British Medical Journal, qui établissait un lien entre la consommation d’aliments mal classés et une mortalité accrue. Cependant, de plus en plus d’experts estiment que l’impact sur la santé d’un aliment dépend d’un autre critère essentiel : son degré de transformation. L’ultratransformation suppose le recours à des procédés industriels, tels que l’extrusion ou le prétraitement par friture, et à l’intégration de nombreux additifs.

Pour Anthony Fardet, chercheur en nutrition, « un aliment ne doit pas être considéré seulementcomme la somme de ses constituants mais comme une structure physiquecomplexe qui influence le devenir digestif des nutriments, leurs effets métaboliques et in fine leurs effets sur la santé à long terme « . Le raffinage des céréales ou encore des féculents transforme par exemple des sucres lents en sucres rapides. Une augmentation du risque cardio-vasculaire et de la mortalité serait associée à une consommation régulière de produits ultratransformés.

Source: Sciencesetavenir.fr
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