Matt Pokora se moque des cheveux de sa belle-fille, ça ne passe pas

POLÉMIQUE – Depuis ce jeudi 2 avril, une vidéo du chanteur Matt Pokora partagée en story sur son compte Instagram fait parler d’elle. Supprimée à l’heure où nous écrivons ces lignes, elle est accusée de racisme

La courte séquence met en scène sa belle-fille Violet, l’enfant de sa partenaire, la chanteuse Christina Milian. Alors que la petite de 10 ans est assise sur un fauteuil, lui s’approche d’elle avec sa caméra pour filmer ses cheveux. Elle porte des bantu knot, une coiffure traditionnelle qui consiste à enrouler les cheveux sur eux-mêmes et à les fixer contre le crâne.

“Qu’est-ce que tu es en train de faire”, demande la jeune fille circonspecte à son beau-père. Il ne lui répond pas. En revanche, en légende, ce dernier ajoute une succession d’emojis, dont un qui rit aux éclats, un coeur et… un virus vert, une émoticône couramment utilisée en ce moment pour évoquer le coronavirus.

La comparaison ne passe pas. Sur Twitter, les internautes dénoncent le caractère raciste de la “blague” du chanteur. “Si vous êtes dans un couple mixte avec une personne noire, éduquez-vous s’il vous plaît, écrit l’utilisateur ci-dessous. Il y a un tas de choses qui semblent n’être que de l’humour à vos yeux, mais qui sont des micro agressions qui font écho à un vécu que vous n’avez pas.”

Un point de vue que partage Kahm Piankhy, auteur d’un essai sur l’idéologie de la distance raciale. “Le dénigrement du cheveu crépu et de ses coiffures est inhérent au racisme et relève du même procédé dépréciatif que de se moquer des autres traits physiques des Noirs pour les rabaisser”, précise ce dernier.

D’autres se remémorent le jour où ils ont dû faire face à une situation similaire. “La première fois où j’ai porté mes bantu knot en public, j’ai eu le droit à des ‘Fais gaffe, t’as des boulettes de shit sur le crâne’, se souvient la jeune femme ci-dessous. […] Même si je me trouvais mimi, j’ai tout enlevé le lendemain.”

Elle n’est pas la seule. “Quand j’étais petit, ma mère kiffait me faire des bantu knot, mais je ne voulais pas sortir avec parce que je savais qu’il y avait des Matt Pokora qui allaient me tomber dessus”, explique l’internaute suivant.

 

Des cheveux stigmatisés

Cela peut encore paraître anodin aux yeux de certaines personnes, mais, oui, les enfants (et les adultes) noirs sont souvent stigmatisés pour leurs cheveux. En Angleterre, des chercheurs de l’Université de Montfort à Leicester ont interrogé un échantillon limité de mille personnes, parents et élèves, pour le démontrer. 

Un enfant sur six estime vivre une mauvaise expérience à l’école en raison de ses cheveux. Près de la moitié des élèves (46%) ont affirmé avoir un problème avec leurs cheveux contre 27% des adultes (qui se souviennent pourtant avoir mal vécu l’école).

“Les résultats montrent que les enfants noirs et métis subissent des pressions constantes pour s’intégrer à l’école et dans une société qui ne comprend pas ou ne valorise pas leur type de cheveux afro. C’est un fardeau générationnel”, affirme Michelle De Leon, fondatrice de la Journée mondiale de l’afro.

La France, pas en reste

“J’ai vu des directeurs d’école dire à des garçons avec des tresses et des afros qu’ils ne seraient jamais pris au sérieux s’il n’adoptaient pas une coiffure plus ‘professionnelle’”, raconte une enseignante britannique du nom de Holly Rigby dans les colonnes du Guardian.

Elle poursuit: “J’ai consolé des jeunes filles noires punies pour avoir porté une protection noire par-dessus leurs tresses récemment faites. Des étudiants noirs renvoyés chez eux pour avoir ajouté des mèches blondes ou rousses à leurs cheveux, quand les étudiants blancs faisant la même chose n’étaient pas réprimandés.”

La France n’est pas en reste. Au début du mois de janvier 2019, une petite fille de trois ans était rentrée chez elle après une journée dans un centre de loisirs avec beaucoup de cheveux en moins. Entre deux de ses tresses centrales, tous ses cheveux avaient disparu. Ils auraient été coupés.

Un désamour qui ne vient pas de nulle part

De telles pratiques sont lourdes de conséquences. Le désamour qu’un enfant peut avoir pour lui ne vient jamais de nulle part, comme l’a expliqué au HuffPost l’autrice Laura Nsafou.  Dans son livre Comme un million de papillons noirs, elle retrace l’histoire d’une petite fille noire. Ou plutôt d’un épisode de sa vie.

Son nom? Adé. Un jour, alors qu’il se met à pleuvoir, deux enfants s’approchent d’elle et se moquent de ses cheveux. “Tes deux nattes ressemblent à des carottes tordues”, lui lance l’un des deux gamins.

En larmes, Adé rentre chez elle et explique à sa mère qu’elle ne veut plus de sa coiffure. Au gré du livre, sa maman et ses proches vont lui faire changer d’avis et l’aider à aimer de nouveau sa chevelure. Un ouvrage plein de poésie qui vise, entre autres, à développer l’estime de soi chez les enfants noirs. “J’ai voulu transmettre un message d’émancipation, de rêverie et d’insouciance. C’est difficile d’être insouciant quand on est un enfant racisé”, confiait Laura Nsafou à l’époque.

Ses propos font écho à une récente vidéo dans laquelle une petite fille du nom d’Ariyonna fond subitement en larmes en se regardant dans le miroir. “En se coiffant, elle avait toute l’énergie du monde, puis, sortie de nulle part, elle s’est regardée et est devenue si découragée”, a écrit sa coiffeuse sur son compte Instagram.

“Normaliser les cheveux noirs”

Au mois de février dernier, l’oscar du meilleur court-métrage d’animation a été remis à “Hair Love”. Le film de 6 minutes raconte l’histoire de Stephen, un jeune père de famille qui apprend à coiffer pour la première fois les cheveux de sa fille Zuri. Un récit émouvant, réalisé pour “normaliser les cheveux noirs”, comme l’a assuré son réalisateur Matthew A. Cherry.

Aux États-Unis, un jeune Texan a récemment été menacé d’exclusion de son lycée s’il ne coupait pas ses dreadlocks jugées trop longues. Une ancienne présentatrice de la chaîne de télé américaine E! News avait jugé celles de Zendaya, aux Oscars en 2015, “inacceptables”. Les exemples sont nombreux, au point où la Californie, où vit Matt Pokora, est devenue le premier État à interdire toute forme de discrimination “raciale fondée sur les cheveux” au mois de juillet dernier.

Depuis l’incident, l’ancien membre des Linkup a partagé une nouvelle salve de vidéos sur son compte Instagram. On le voit, en voiture, déposer sa belle-fille à l’école, lui souhaitant quotidiennement de passer une bonne journée. “J’ai toujours fait en sorte qu’elle se sente forte et fière. Que la paix soit avec vous”, conclut ce dernier, sans toutefois présenter ses excuses.

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Source: huffingtonpost.fr

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