Le Parlement européen perquisitionné après les soupçons de corruption en lien avec le Qatar, visant notamment la vice-présidente Eva Kaili

Autres articles
1 De 1 518

La police belge a mené, lundi 12 décembre, une perquisition dans les locaux du Parlement européen à Bruxelles, dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de corruption pour influencer des décisions de cette institution de l’Union européenne (UE), a annoncé le parquet fédéral belge.

Il s’agit de la vingtième perquisition en quatre jours dans cette enquête impliquant notamment la vice-présidente grecque du Parlement, Eva Kaili, et le Qatar, selon une source judiciaire.

Le parquet fédéral a fait état de la saisie, au total, de plusieurs centaines de milliers d’euros en trois lieux différents, auprès de trois suspects. « 600 000 euros au domicile de l’un des suspects, plusieurs centaines de milliers d’euros dans une valise saisie dans une chambre d’un hôtel bruxellois et 150 000 euros environ dans un appartement appartenant à un député européen ». Des « sacs de billets » ont été trouvés dans l’appartement de l’élue grecque, selon une source judiciaire.

Mme Kaili ainsi que trois autres personnes ont été écrouées dimanche par le juge bruxellois qui pilote les investigations. Une enquête interne a été ouverte, a annoncé la présidente du Parlement, Roberta Metsola, exprimant « fureur, colère et tristesse » face à « la démocratie européenne attaquée ».

« Il n’y aura aucune impunité (…) rien ne sera mis sous le tapis », a-t-elle promis dans l’hémicycle de Strasbourg. « Ces acteurs malveillants, liés à des pays tiers autocratiques, ont apparemment utilisé des ONG, des syndicats, des individus, des assistants et des députés européens comme des armes dans le but de soumettre nos processus. Leurs plans malveillants ont échoué », a-t-elle affirmé. La présidente du Parlement européen souhaite également mieux protéger les lanceurs d’alerte. « Nous protégerons ceux qui nous aident à dénoncer la criminalité et je m’emploierai à examiner nos systèmes de dénonciation pour voir comment ils peuvent être renforcés », a-t-elle déclaré.

Les soupçons de corruption au sein du Parlement européen sont « très graves », avait déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. « Ces allégations sont extrêmement préoccupantes. C’est une question de confiance dans les personnes au cœur de nos institutions. Cette confiance suppose des standards élevés d’indépendance et d’intégrité », a-t-elle poursuivi, rappelant avoir proposé la création d’« une autorité indépendante » pour traiter des questions d’éthique dans les institutions de l’UE.

Un peu plus tôt dans la journée, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a jugé, lui aussi, « très préoccupantes » les « graves accusations » portées contre Eva Kaili écrouée à Bruxelles. « Une enquête est en cours, et nous la suivons », a précisé M. Borrell. Dans la foulée, en fin de matinée, l’Autorité indépendante contre le blanchiment d’argent grecque a annoncé geler tous les avoirs de Mme Kaili.

La mesure qui vise l’élue, écartée du parti socialiste grec Pasok-Kinal à la suite de cette affaire, concerne « les comptes bancaires, les coffres, les sociétés et tout autre actif financier », selon le président de l’autorité, Charalampos Vourliotis, cité par un membre de la même organisation. Les établissements bancaires grecs et les services de l’Etat compétents ont déjà été informés de cette mesure par l’Autorité indépendante contre le blanchiment d’argent, selon M. Vourliotis.

Le gel des avoirs concerne également les membres de la famille proche de Mme Kaili, par exemple ses parents, selon la même source. Dans le collimateur de l’autorité figure également une société immobilière récemment établie dans le quartier athénien chic de Kolonaki, qui aurait été créée par la députée européenne de 44 ans et son compagnon italien, également écroué en Belgique.

« C’est un scandale sur lequel nous devons faire éclater la vérité afin que nous puissions nous assurer que cela ne se reproduise pas, a abondé le chef de la diplomatie irlandaise, Simon Coveney. Une enquête complète et transparente doit être menée afin d’obtenir une explication sur ce qui s’est passé. »

« Il s’agit vraiment d’un incident incroyable qui doit maintenant être élucidé sans équivoque et avec toute la rigueur de la loi, car il en va aussi et surtout de la crédibilité de l’Europe », a, quant à elle, estimé la ministre des affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock.

« Bonjour au Parlement européen ! », a lancé le premier ministre hongrois, Viktor Orban, sur son compte Twitter. « Et là, ils ont dit qu’ils étaient vivement préoccupés par la corruption en Hongrie », a-t-il ironisé, dans un message accompagné d’une photo datant de 1981 où l’on voit les anciens présidents américains Ronald Reagan et George Bush riant aux éclats.

Cette pique du dirigeant nationaliste intervient alors que la Hongrie se trouve sous la menace du gel de plusieurs milliards d’euros de fonds de l’Union européenne (UE), pour cause de réformes contre la corruption jugées insuffisantes.

L’affaire éclate en plein Mondial 2022 de football, alors que le pays organisateur doit déployer des efforts pour défendre sa réputation décriée en matière de respect des droits humains, notamment ceux des travailleurs. Eva Kaili, ex-présentatrice de télévision de 44 ans, élue en janvier 2022 à l’une des vice-présidences du Parlement européen, s’était rendue début novembre au Qatar, où elle avait salué en présence du ministre du travail qatari les réformes de l’émirat dans ce secteur.

Source: lemonde.fr

laissez un commentaire