Parlement européen : Tout comprendre à l’affaire de corruption impliquant le Qatar

Eva Kaili, politicienne grecque et vice-présidente du Parlement européen, lors d'une réunion à Bruxelles le 7 décembre 2022.
Eva Kaili, politicienne grecque et vice-présidente du Parlement européen, lors d’une réunion à Bruxelles le 7 décembre 2022. — AFP
  • Vendredi, les autorités belges ont exposé au grand jour une affaire de « corruption » et de « blanchiment d’argent » au Parlement européen.
  • Six personnes ont été interpellées depuis, parmi lesquelles une vice-présidente du Parlement, l’eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili, en possession de « sacs de billets ».
  • Actuellement, quatre des suspects ont été incarcérés pour avoir favorisé le Qatar dans des décisions économiques et politiques de l’Union européenne. 20 Minutes revient sur cette affaire à grande échelle.

Scandale au sommet du Parlement européen. Depuis vendredi, une affaire de corruption ébranle les institutions européennes, après des perquisitions menées aux domiciles de parlementaires et six arrestations dont un ancien élu italien et la vice-présidente grecque du Parlement, la socialiste Eva Kaili. Ces derniers sont soupçonnés d’avoir favorisé le Qatar dans les décisions de l’UE, en échange de gros versements financiers. 20 Minutes vous résume ce que l’on sait sur cette enquête.

Que s’est-il passé vendredi en Belgique ?

Dans le cadre d’une enquête menée par un juge financier belge, six personnes ont été interpellées vendredi, parmi lesquelles la vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili. Quasiment toutes sont soupçonnées de « corruption » et de « blanchiment d’argent » en bande organisée au profit d’un « pays du Golfe ». Selon les révélations du journal belgeLe Soir, ce pays en question serait le Qatar, actuel organisateur de la Coupe de monde de football. Ces personnalités, ayant « une position politique et/ou stratégique significative » au sein du Parlement, sont suspectées d’avoir favorisé le Qatar dans les décisions économiques et politiques européennes.

Le matin même, 16 perquisitions avaient été menées par la police dans diverses communes de la capitale belge et ont permis la saisie d’« environ 600.000 euros en liquide », ainsi que « du matériel informatique et des téléphones portables » dont les contenus sont en cours d’analyse. Une source judiciaire a confirmé que des « sacs de billets » ont été découverts dans l’appartement d’Eva Kaili. Son propre père a lui-même été inquiété dans l’enquête, surpris en train de transporter une grosse somme en liquide « dans une valise », d’après le journal belge L’Echo.

Qui sont les principaux suspects ?

Il s’agit d’Eva Kaili, une eurodéputée du parti socialiste grecque (Pasok-Kinal). L’ex-présentatrice télé de 44 ans siège au Parlement européen depuis 2014 sous la bannière du groupe Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen (S & D). Elle a été élue en janvier 2022 à l’une des vice-présidences du Parlement. Début novembre, elle s’était rendue au Qatar, où elle avait salué, en présence du ministre qatari du Travail, les réformes de l’émirat dans ce secteur. Quelques jours après son retour, elle qualifiait le petit état pétrolier de « chef de file en matière de droits du travail ». Ironie du sort, elle regrettait que certains « harcèlent [les Qatariens] et accusent tous ceux qui leur parlent (…) de corruption »…

Quant aux autres interpellés, si les autorités judiciaires n’ont pas livré de nom, figureraient sur la liste Francesco Giorgi, assistant parlementaire et compagnon d’Eva Kaili, Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé social-démocrate italien et président de l’ONG Fight Impunity, et, enfin, selon l’agence de presse italienne Ansa, Niccolo Figa-Talamanca, dirigeant de l’ONG No Peace Without Justice.

Luca Visentini, secrétaire général italien de la Confédération syndicale internationale, a été mis en examen mais libéré sous condition. Une sixième personne – un assistant parlementaire du Parti populaire européen (PPE, conservateur) – a été relaxée, d’après Le Monde. D’après le journal belge,Le Soir, le domicile de l’eurodéputé socialiste Marc Tarabella a également été perquisitionné samedi soir.

De quoi accuse-t-on le Qatar ?

Déjà soupçonné d’avoir influencé le résultat de l’attribution de la Coupe du monde de foot actuelle en versant, d’après le Sunday Times, 880 millions de dollars à la Fifa, le Qatar est accusé du « versement d’importantes sommes d’argent ou l’offre de cadeaux significatifs à des tiers ayant une position politique et/ou stratégique permettant, au sein du Parlement européen, d’influencer les décisions » de cette institution.

L’affaire éclate en plein Mondial de football et également au début d’une session plénière du Parlement européen à Strasbourg, où la relation entre l’UE et le Qatar doit inévitablement resurgir dans les débats. Sur Twitter, le ministère des Affaires étrangères qatarien a nié toute implication dans ce scandale.

Et maintenant ?

Enquêteurs et magistrats vont à présent devoir définir le degré d’implication de chacun, après le placement en détention de quatre des suspects, parmi lesquels la vice-présidente italienne. Cette dernière n’a pas pu bénéficier de son immunité parlementaire, car l’infraction qui lui est reprochée a été constatée « en flagrant délit », a expliqué une source judiciaire.

En revanche, dès vendredi soir, Eva Kaili a été exclue du Parti socialiste grec (Pasok-Kinal), qui souhaite aussi la voir céder son siège au Parlement européen. Le groupe Socialistes et Démocrates (S & D) de l’assemblée européenne a annoncé sa suspension « avec effet immédiat ». Samedi soir, la présidente Roberta Metsola a rendu publique la décision de lui retirer ses délégations, son titre de vice-présidente ne pouvait lui être retiré qu’à l’issue d’un vote. Enfin, l’Autorité grecque de lutte contre le blanchiment d’argent a annoncé ce lundi matin le gel des avoirs de la parlementaire, soit « les comptes bancaires, les coffres, les sociétés et tout autre actif financier ».

Côté parlement européen, parlementaires et responsables politiques se disent inquiets de ces révélations. La présidente du Parlement, Roberta Metsola, a réaffirmé sur Twitter son engagement contre la corruption, tout en refusant de commenter les enquêtes en cours.

Joseph Borrell, chef de la diplomatie européenne, juge « très préoccupantes » les « graves accusations » portées contre Eva Kaili, tout comme la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. « C’est une atteinte très grave à la réputation » du Parlement européen, « une affaire honteuse et intolérable », a déploré Paolo Gentiloni, Commissaire européen aux Affaires économiques, lors d’une émission sur la chaîne italienne Rai. Raphaël Glucksmann, eurodéputé français, a publié un thread sur Twitter, regrettant que « la corruption – morale et financière – et les ingérences étrangères minent nos cités. »

En attendant des avancées judiciaires, l’affaire doit être discutée ce lundi lors d’une réunion des présidents des groupes politiques du Parlement européen à l’ouverture de la session plénière organisée à Strasbourg (France).

Source: 20minutes.fr
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