Coronavirus : le limogeage controversé d’un commandant de porte-avions devenu lanceur d’alerte

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Un homme descend seul dans la nuit la passerelle qui relie le porte-avions nucléaire Theodore Roosevelt à un quai de l’île de Guam, dans le Pacifique, vendredi 3 avril. Des chants vigoureux et des applaudissements rythmés l’accompagnent : « Cap-tain Cro-zier ! Cap-tain Cro-zier ! ». Au bas de la passerelle, un véhicule l’attend. Brett Crozier se retourne et salue brièvement l’équipage qu’il a cherché à préserver du coronavirus, précipitant son limogeage.

L’histoire débute quatre jours plus tôt, le 30 mars. Le commandant alerte le Pentagone. Après une escale au Vietnam, son porte-avions, qui mouille depuis le 28 mars à Guam, a été rattrapé par la pandémie de Covid-19. Impossible d’identifier avec certitude l’origine de la contagion, mais une centaine de marins sont déjà touchés. La maladie risque de s’étendre parmi les quatre mille hommes d’équipage et il ne dispose pas des moyens nécessaires pour enrayer sa progression.

Brett Crozier plaide en faveur de l’évacuation des malades, et de plus de la moitié de l’équipage pour qu’elle soit placée en quarantaine, ceci alors que le bâtiment doit pourtant être opérationnel à tout instant. « C’est un risque nécessaire, estime-t-il. Ceci exige une décision politique, mais c’est ce qu’on doit faire. Nous ne sommes pas en guerre. Les marins n’ont pas à mourir. Si nous n’agissons pas maintenant, nous ne parviendrons pas à prendre correctement soin de notre atout le plus précieux, nos hommes. »

Les impératifs du fonctionnement du porte-avions sont en effet incompatibles avec le respect des mesures de confinement qui ne cessent de se généraliser au même moment aux Etats-Unis pour lutter contre le coronavirus. Le bâtiment dispose pourtant d’un gigantesque espace avec sa piste d’envol de 18 000 mètres carrés, comme pour tous les porte-avions de la classe Nimitz, mais son usage est strictement limité. Le bâtiment n’est donc pas plus adapté pour combattre le coronavirus qu’un navire de croisière.

La missive du commandant prend de court le Pentagone, qui tergiverse. Entre-temps, la lettre parvient au San Francisco Chronicle, qui la publie le 31 mars. Deux jours plus tard, le responsable de la Navy par intérim, Thomas Modly, annonce son limogeage. « Nous ne sommes peut-être pas en guerre dans le sens traditionnel du mot, mais nous ne sommes pas non plus complètement en paix. Et nous demandons à nos commandants de faire preuve de jugement, de maturité, de leadership et de calme sous la pression », poursuit-il, mettant en cause « un très mauvais jugement en période de crise » et en estimant que le commandant du Theodore Roosevelt n’a pas de surcroît respecté les procédures pour informer sa hiérarchie.

Source: lemonde.fr

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