Au procès de l’accident de bus de Millas, la conductrice, les experts, et le déni

Autres articles
1 De 1 822

L’absence de Nadine Oliveira à son procès s’installe comme une évidence. La conductrice du car scolaire dans lequel six enfants ont péri et dix-sept autres ont été blessés lors d’une collision avec un TER au passage à niveau de Millas (Pyrénées-Orientales) a été hospitalisée, jeudi 22 septembre, après s’être effondrée à la barre à l’évocation de l’accident. Son procès ne s’est pas arrêté, car elle a signé un pouvoir donnant mandat à ses avocats de la représenter, ce que la loi autorise à un prévenu libre jugé en correctionnelle. « Nadine Oliveira considère que l’audience peut se poursuivre sans elle », a donc pris acte la présidente du tribunal, Céline Ballérini.

Tout le monde semble s’accommoder de cette absence. A l’exception d’un avocat de parties civiles qui, mardi 27 septembre, a déploré qu’aucun élément n’ait été remis sur son état de santé. « On fait comme si de rien n’était, on est dans une espèce de flottement, déplore Me Julien Audier-Soria. On poursuit sans aucune certitude sur son état de santé. » Le tribunal ne dispose que d’un bulletin d’hospitalisation datant de son entrée aux urgences de l’hôpital Nord de Marseille et de ce que rapportent ses avocats, mais rien d’autre, pas de certificats médicaux.

Les enfants blessés, leurs parents et ceux des enfants tués dans l’accident composent avec ce banc vide, partagés entre ceux qui ne supporteraient pas le renvoi du procès et de devoir tout recommencer dans plusieurs mois et ceux qui attendaient depuis des années d’exprimer leur colère en présence de celle qui est jugée pour avoir involontairement conduit leurs enfants à la mort.

C’est donc sans elle qu’une journée durant le tribunal a parlé d’elle. Une « éducation d’autrefois, sans chichis », résume une enquêtrice de personnalité, une femme qui subit les violences d’un premier concubin, affronte les difficultés de la vie comme élever seule sa fille après que le père l’a quittée à l’annonce de sa grossesse, ou s’occuper jusqu’au bout d’un père frappé par le cancer. Une vie de travail en patchwork : aide-comptable dans une compagnie maritime marseillaise, femme de ménage, assistante maternelle, agente à l’hôpital de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence), jusqu’à son permis de conduire les bus, en 2016, la découverte d’une vocation pour cette passionnée de gros camions et de « trucks » américains et qui préfère les milieux professionnels masculins.

Sa vie a basculé avec l’accident du 14 décembre 2017. Le tribunal réemprunte toutes les pistes du dossier, déjà refermées durant l’instruction. Un esprit qui vagabonde alors qu’elle a rendez-vous le soir même avec un collègue avec lequel elle a échangé des SMS coquins dans l’après-midi ? « Je n’étais pas du tout troublée », avait-elle rétorqué au juge d’instruction. Une barrière fermée forcée dans une forme de suicide ? Pas d’état suicidaire, tranchent les experts psychiatres.

Source: lemonde.fr

laissez un commentaire