Loi de bioéthique : Que change la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes pour les enfants nés d’une PMA ?

La levée de l'anonymat des donneurs et donneuses de gamètes entre en vigueur ce jeudi 1er septembre.
La levée de l’anonymat des donneurs et donneuses de gamètes entre en vigueur ce jeudi 1er septembre. — DURAND FLORENCE/SIPA
  • Ce jeudi entre en vigueur la levée de l’anonymat des donneurs et donneuses de gamètes.
  • Les enfants nés d’une PMA après le 1er septembre 2022 pourront, à l’âge adulte, connaître s’ils le souhaitent l’identité de leur donneur ou donneuse.
  • Cette mesure entraînera-t-elle une baisse des dons ?

C’est une victoire, et l’aboutissement d’un long combat pour les enfants nés de dons de gamètes. A compter de ce 1er septembre, les personnes nées d’un don de sperme ou d’ovocyte pourront, si elles le souhaitent, connaître à l’âge adulte l’identité de « leur » donneur. Un droit accordé par la loi de bioéthique promulguée il y a un an, qui permettra désormais de faciliter « l’accès aux origines personnelles ».

« Cette réforme était devenue inéluctable, car elle accompagne une évolution de la société », estime le Dr Florence Eustache, vice-présidente de la Fédération française des Cecos, les structures hospitalières en charge de la gestion des dons de gamètes et des procréations médicalement assistées (PMA). Mais en pratique, quelles conséquences aura-t-elle ? Que va-t-elle changer pour les enfants nés de ces dons ? Risque-t-elle de freiner les dons alors que la demande est plus forte que jamais ?

Que signifie la levée de l’anonymat des donneurs et donneuses ? Quelles conséquences va-t-elle avoir pour eux et pour les enfants nés de leurs dons ?

Désormais, le donneur de spermatozoïdes ou la donneuse d’ovocytes devra au préalable consentir à la divulgation future de son identité aux enfants qui naîtront de ce don, si et seulement si ceux-ci la demandent. En pratique, à sa majorité, l’enfant aura le choix : il pourra se contenter d’accéder à des « données non identifiantes » telles que l’âge, les caractéristiques physiques, la situation professionnelle ou familiale du donneur. Ou, s’il le souhaite, à son identité complète.

Pour des milliers d’adultes nés via un don, la recherche du donneur relève d’« une quête personnelle fondamentale », estime Alexandre Mercier, président de l’association PMAnonyme. Il peut s’agir de « mettre un visage sur cet homme ou femme, savoir à qui on doit ses traits physiques, connaître ses antécédents médicaux, faire la part de ce qu’on acquiert par les gènes ou l’éducation… », détaille-t-il. Chacun a « le droit de savoir comment il est venu au monde », renchérit Adèle Bourdelet, de l’Association des enfants du don (ADEDD).

Pour autant, selon le Dr Claire de Vienne, médecin référent en PMA à l’Agence de biomédecine, il ne s’agit pas réellement d’une levée totale de l’anonymat : les parents n’auront jamais accès à l’identité du donneur. Seul l’enfant le pourra, à ses 18 ans. Et le donneur ne pourra pas demander à connaître l’enfant né de son don. En outre, la nouvelle loi n’a aucun impact sur la filiation : comme par le passé, aucun lien légal ne pourra être établi entre le donneur et l’enfant.

Quelles conséquences sur les dons réalisés avant l’entrée en vigueur de la loi et les enfants nés de ces dons ?

« Les dons antérieurs au 1er septembre 2022 resteront anonymes », précise la Direction de l’information légale et administrative (DILA), placée sous l’autorité du Premier ministre. Une commission ad hoc sera mise en place pour aider les adultes d’aujourd’hui qui recherchent leur géniteur. Les personnes nées d’une PMA avant la loi pourront la saisir afin qu’elle contacte leur donneur et l’interroge sur son souhait de communiquer ses informations personnelles. S’il refuse, le don restera totalement anonyme et les éventuels gamètes restants et non utilisés seront détruits à une date fixée par décret. Au grand dam de l’association Les Matrikas, qui milite pour l’égalité d’accès face à la santé reproductive et la non-discrimination dans les droits à la parentalité, et qui souhaitait que « les Cecos puissent laisser aux demandeurs le choix de recevoir un don anonyme ou non, et ce, jusqu’à épuisement des stocks de gamètes anonymes ».

En revanche, « les donneurs ayant effectué un don avant cette date auront la possibilité, s’ils le souhaitent, de transmettre rétroactivement à la commission leur identité et leurs informations non identifiantes », poursuit la DILA.

Les stocks de sperme, congelés parfois depuis plusieurs années, pourront continuer à être utilisés pour de futures PMA, jusqu’à une date qui n’a pas encore été fixée. « Ces gamètes seront utilisés jusqu’à ce qu’un stock de nouveaux dons soit constitué, précise la DILA. Il est donc possible que des enfants nés par PMA dans les prochains mois ne puissent pas avoir accès à l’identité du donneur si les dons dont ils sont issus sont antérieurs au 1er septembre ».

Comment les associations militant pour la PMA abordent-elles cette levée d’anonymat ?

« C’est une catastrophe, juge Laurence Monier, présidente de l’association Célia Fertilité. Cela risque d’engendrer un effondrement des dons alors qu’il y a déjà une pénurie de donneurs et donneuses et que la PMA pour toutes s’accompagne d’un allongement des délais pour tout le monde. Cela risque de dissuader des donneurs potentiels : je connais des couples qui ont dû recourir à un don de sperme pour une infertilité masculine et qui, après avoir eu leurs enfants par PMA, ont entrepris un don d’ovocyte. Un acte généreux et désintéressé, pour rendre à la science ce qu’elle leur avait donné en quelque sorte. Mais toutes ces personnes risquent de ne plus le faire en sachant que dans vingt ans, un futur enfant risque de venir toquer à leur porte ». Ainsi, Johanna*, la trentaine, qui a donné des ovocytes en 2018, « réserve [sa] réponse » quant à la levée future de son anonymat. « On me demande de consentir à quelque chose qui aura lieu dans un futur tellement lointain. J’aurai peut-être moi-même des enfants à ce moment-là, ça peut avoir un impact sur eux, alors c’est compliqué de répondre ».

« Au final, tout cela va faire les choux gras de l’Espagne et des autres pays qui vont pouvoir continuer à faire leur business autour de la PMA, redoute Laurence Monier. Et pénaliser les femmes et les couples qui n’ont pas les moyens de s’offrir une PMA à l’étranger ».

Dès la discussion de la loi au Parlement, certains se sont inquiétés d’un possible effet dissuasif pour les donneurs potentiels. Selon une étude Ifop commandée en 2021 par Les Matrikas, « 70 % des personnes interrogées refuseraient de faire un don si leur anonymat n’était pas garanti ».

La réforme risque-t-elle d’entraîner une chute des dons en France ? Les pays ayant levé l’anonymat des donneurs ont-ils fait face à une telle chute ?

Depuis plusieurs années, « l’écrasante majorité » des donneurs qui se présentent dans les Cecos se disent favorables à la divulgation future de leur identité, rassure le Pr Eustache. Et pour l’heure, l’annonce d’un changement imminent n’a pas conduit à une baisse du nombre de donneurs de sperme. Au contraire : ils étaient près de 600 en 2021, contre 317 en 2019.

La donne va-t-elle changer ? Selon une étude d’impact publiée par l’Assemblée en juillet 2019, « si une baisse transitoire du nombre de donneurs de gamètes a pu être observée [à l’étranger] juste après le changement législatif en question, la tendance semble ensuite s’inverser pour repartir à la hausse et dépasser les chiffres initiaux. Ce fut notamment le cas en Suède, en Australie, en Finlande ou encore au Royaume-Uni ».

L’enjeu est en tout cas d’importance, car les stocks de gamètes doivent être réalimentés en permanence. En outre, la demande a récemment nettement augmenté, indique-t-on à l’Agence de biomédecine : depuis que la loi bioéthique a élargi en 2021 l’accès à la PMA, quelque 13.000 femmes seules ou couples de femmes ont demandé à en bénéficier en neuf mois, contre environ 2.000 demandes déposées auparavant chaque année par les seuls couples hétérosexuels.

* Le prénom a été modifié.

Source: 20minutes.fr
laissez un commentaire