La revanche du prince Philip ou comment la série « The Crown » l’a sorti de l’ombre de la couronne britannique

Suivie par des millions de spectateurs à travers le monde, la série Netflix « The Crown » fascine. Au cœur de l’intrigue, une famille et pas n’importe laquelle. Cette série met en scène la famille royale britannique. Chaque saison narrant une décennie du règne de la reine Elisabeth II, The Crown est une fiction historique. « Les Anglais ont le chic pour raconter la vie de personnages qui sont encore là » confie Patrick Weber, animateur et journaliste RTBF, spécialiste des royautés. Si chaque épisode revient sur une page de l’histoire, on suit aussi les personnages à travers le temps, scrutant leur évolution.

La découverte d’une personnalité de l’ombre

Et certains personnages prennent sans doute plus de place dans la série que ce qui a été montré au grand public. C’est le cas de l’époux de la souveraine, le prince Philip. Le personnage et l’homme se confondent. « Il est devenu une star. On a vraiment découvert qui il était surtout dans les deux premières saisons. On se rend compte qu’il a dû renoncer à plein de choses ; sa carrière militaire, sa nationalité, son nom et sa religion. C’est vraiment un homme qui met de côté tout ce qu’il est pour devenir autre chose. Lui qui est viril et macho, il va devoir jouer le second rôle ce qui est loin de l’amuser« .

La série a donc fait découvrir autrement le Duc d’Edimbourg. « Ce qui est paradoxal, c’est que c’est l’un des membres les plus actifs de la famille royale. En termes de nombre d’obligations par an, c’est de loin avec la Reine et la princesse Anne, celui qui bossait le plus. Mais cela n’avait d’extraordinaire, c’était beaucoup d’inaugurations, de parrainages. Cela ne fait pas rêver. Donc il fallait vraiment se plonger dans sa vie et voir toutes les failles du personnage. Ce prince qui est grec et danois va devenir le plus british des British » précise Patrick Weber. La série a sans aucun doute mis avec brio l’accent sur sa personnalité, ce qui a donné de l’épaisseur à la personnalité publique que le monde connaissait.

Un personnage lissé au fur et à mesure de la série ?

La série dévoile aussi les problèmes dans le couple même s’il n’a jamais été question de divorce. « On le présente d’abord comme dur et rebelle et puis, il devient plus lisse dans les saisons 3 et 4 comme s’il rentrait dans le rang. Mais c’est plus compliqué que cela. Dans la réalité, il continue à sortir avec des soirées bien arrosées et qu’il termine souvent de façon friponne » souligne Patrick Weber.

Mais si la plupart des évènements présentés dans la série sont authentiques, il ne faut pas oublier que cela reste de la fiction. « Elle joue sur les deux tableaux ; de l’objectivité et de la subjectivité. La série est très bien informée mais elle reste subjective » explique Mathieu de Wasseige, professeur à l’Ihecs et spécialiste des séries. Une confusion qui peut être créée, entre autres, « par l’inclusion d’images d’archive à la fin de certains épisodes et c’est presque perturbant. Il faut vraiment savoir à quoi on a affaire« .

Numéro deux en public, numéro un en privé

Si le prince Philip avait accepté le second rôle pour lequel il a signé pour une vie entière, il était le véritable chef de clan dans la vie privée de la famille royale. « Le grand échec de Philip, c’est de voir que ses enfants n’ont pas suivi son exemple. Pour parler franchement, si Charles avait été comme lui, il aurait eu son épouse, ses enfants et aurait eu ses aventures à côté. Ça a toujours été comme ça dans l’histoire royale et personne n’y attachait beaucoup d’importance. Mais les temps ont changé. Dans cette famille, on n’aime pas quand on s’épanche, quand on révèle ses émotions et les générations suivantes n’ont fait que ça » souligne Patrick Weber. Mais la série semble avoir joué un grand rôle dans la « légende » du prince Philip.

« On sait qu’il a regardé la série mais on ne sait pas ce qu’il en a pensé. C’est un secret d’Etat. Mais on sait que les histoires d’infidélité présentes dans The Crown sont mal passées mais qui n’était pas content ou contente ? L’histoire nous le dira peut-être. On chuchotait aussi qu’il y aurait pu avoir des récriminations auprès des scénaristes de la série ce qui pourrait expliquer le côté un petit peu plus soft de la suite » analyse Patrick Weber en ce qui concerne les saisons 3 et 4. « Mais je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il a dû apprécier globalement cette série parce qu’elle lui rend justice en en faisant un personnage central. »

Une famille loin d’être choisie au hasard par Netflix

Le géant du streaming produit lui-même The Crown qui est l’une des séries les plus chères de l’histoire. « C’est une série très bien faite avec de très gros moyens. On n’a pas de budget précis parce que Netflix communique assez peu mais on sait que c’est aux alentours de 250 millions de dollars pour les 4 premières saisons » souligne Mathieu de Wasseige. Et la particularité, « c’est qu’elle joue sur l’un des ciments, des jalons de la culture britannique avec énormément de sensibilité. » Prendre cette famille depuis le début du règne d’Elisabeth jusqu’à quasiment l’époque contemporaine est « un sujet absolument parfait.« 

La série place au centre des sujets de société en mettant en avant certains traits de caractère assez méconnus du grand public à travers des personnages comme le prince Philip et son côté macho par exemple. Et ce n’est pas pour rien. La production tente d’avoir un plus large public en créant « du buzz, du bad buzz et en ayant beaucoup de personnes qui vont scruter la série en cherchant les détails historiques qui sont vrais ou pas vrais. » Le danger, c’est que les spectateurs en arrivent à la conclusion qu’on ne leur a pas dit la vérité. « Mais on ne leur a jamais dit que c’était un documentaire. Cela reste de la fiction » insiste Mathieu de Wasseige qui précise que si cette famille a été choisie « c’est dans un intérêt commercial. C’est Netflix, ce n’est pas une asbl. Ils veulent créer de l’attention, des produits qui vont beaucoup se voir et faire parler d’eux.« 

Famille star à cause du Prince Philip ?

La famille Windsor suscite la curiosité. Pas un jour ou presque ne passe sans que l’un des membres soit dans la presse, particulièrement les tabloïds. Dans une interview réalisée par James Corden pour CBS, le prince Harry a d’ailleurs déclaré qu’il était plus à l’aise avec la série qu’avec les histoires racontées sur sa famille dans la presse et présentées comme étant la vérité. Pour lui, The Crown est « une fiction, mais une fiction basée sur la vérité. Bien sûr, ce n’est pas strictement exact mais cela donne une idée approximative de ce qu’est le mode de vie, les pressions qu’il y a à faire passer le devoir et le service avant la famille et tout le reste, et de ce qui peut en découler.« 

Et le premier à avoir fait entrer la presse dans leur intimité est le duc d’Edimbourg. En 1969, pour redorer son blason, un documentaire coproduit par la BBC montrant l’intimité de la famille royale est diffusé à la télévision anglaise. « Si les Windsor sont devenus des stars, c’est de la faute du prince Philip. Pour essayer de se composer un personnage plus plaisant et plus aimable, il fait entrer les caméras pour montrer leur vie quotidienne et c’est un fiasco total. Ce sont de très mauvais acteurs, il n’y en a aucun qui s’en sort. Du coup, tout le monde s’en moque. Mais le mouvement est lancé » explique Patrick Weber qui précise que, depuis lors, les médias s’intéressent à eux et ont compris qu’ils pouvaient entrer dans l’intimité de cette famille.

Ce documentaire, désormais interdit par le palais, fait l’objet d’un épisode de la série « The Crown« .

Un hommage de la production dans le ton

Matt Smith a incarné le personnage du prince Philip dans les deux premières saisons a tenu à souligner le style du duc d’Edimbourg dans un communiqué. « 99 (ans) et plus, mais quelle manche. Et quel style. Merci pour votre service, mon vieux, ce ne sera pas la même chose sans vous. » Un hommage rendu aussi par l’acteur qui lui a succédé pour les saisons 3 et 4, Tobias Menzies qui s’est lui exprimé sur Twitter. « Si je sais quelque chose sur le duc d’Édimbourg, je suis à peu près sûr qu’il ne voudrait pas qu’un acteur qui le dépeigne à la télévision donne son opinion sur sa vie » avant de citer Shakespeare « O bon vieillard ! Que tu es une image fidèle de ces serviteurs constants de l’ancien temps » Et de conclure avec « Repose en paix.« 

Les équipes de la série ont aussi réagi par communiqué à la disparition du prince Philip. « Netflix, Left Bank Pictures, Sony Pictures Television et toute l’équipe de production de The Crown sont profondément attristés d’apprendre la mort du Duc d’Edimbourg. Nos pensées accompagnent la Famille Royale en ces temps difficiles.« 

Si aucune date n’est encore annoncée, les deux dernières saisons devraient arriver prochainement sur la plateforme Netflix.

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Source: rtbf.be
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