Coronavirus : en Inde, le gouvernement tente de museler les critiques de sa gestion de crise

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A 21 heures, dimanche, les Indiens devront éteindre les lumières pendant neuf minutes et allumer des torches, des lampes, des téléphones portables aux balcons ou aux portes, pour « défier le coronavirus », montrer l’unité de la nation dans la lutte contre l’épidémie, « et sortir des ténèbres créées par le virus ». « Vous n’êtes pas seul, personne n’est seul dans la lutte contre le coronavirus », a assuré Narendra Modi dans une nouvelle adresse à la nation − la troisième depuis le début de la crise − diffusée vendredi 3 avril, à 9 heures. « Une farce ! » ont immédiatement répliqué ses opposants.

Le premier ministre indien est sous le feu des critiques pour sa gestion de l’épidémie, qui a abouti à l’exode massif de migrants internes au lendemain de l’ordre de confinement imposé le 25 mars. Plusieurs millions de travailleurs pauvres ont fui les villes, à pied ou par les derniers bus, pour tenter de regagner leur Etat d’origine, ignorant les risques de contamination pour eux et pour les aînés restés au village.

A New Delhi, le week-end dernier, ils ont été des centaines de milliers à s’agglutiner dans un terminal de bus. C’était, pour ces travailleurs pauvres, une question de survie. Payés au jour le jour par leur employeur, ils se sont retrouvés brutalement sans argent pour se loger et se nourrir. La crise sanitaire en Inde s’est d’emblée doublée d’une crise humanitaire.

Pour éviter cette tragédie, le premier ministre aurait pu anticiper, demander aux employeurs de verser une avance de deux mois aux travailleurs, exiger des propriétaires un gel des loyers, organiser en amont une aide alimentaire, veiller à la continuité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Il n’en a rien été. Lors de son allocution télévisée, le 24 mars, annonçant le « lockdown », Narendra Modi s’est contenté de prévenir que « les pauvres allaient souffrir » et de demander à chaque famille aisée d’aider neuf pauvres. La ministre des finances a débloqué, depuis, une enveloppe de 20 milliards d’euros, mais ce plan est très en deçà des besoins.

Le gouvernement indien a répondu à l’exode des migrants par la matraque. Les familles, les hommes célibataires en train de fuir ont été humiliés, obligés de s’accroupir dans une position dégradante, de marcher à quatre pattes, quand ils n’étaient pas roués de coups par les policiers.

Puis, face aux critiques, il a tenté de museler les responsables désignés, les médias accusés d’avoir créé « la panique » en diffusant des fausses nouvelles. Mardi 31 mars, le ministère de l’intérieur a déposé devant la Cour suprême une demande de censure des médias sur tous les sujets relatifs à la pandémie. Si les magistrats n’ont pas fait droit à la demande, rappelant le « droit à la liberté d’expression », ils ont demandé aux médias de se référer « exclusivement à la version officielle de la situation » et de « reprendre le bulletin de santé du pays » publié quotidiennement par le gouvernement.

Source: lemonde.fr

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