A Marseille, le procès d’un haut fonctionnaire et de « la pourriture de la corruption au sein de la collectivité »

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Pendant toute la durée du réquisitoire, une image est restée affichée sur les écrans de la salle d’audience du tribunal correctionnel de Marseille. Dans l’habitacle d’un véhicule, à la lumière blafarde du plafonnier, on voit Renaud Chervet, haut fonctionnaire territorial au conseil général des Bouches-du-Rhône, compter une liasse de billets. Dix mille euros contre la promesse de l’attribution d’un marché public… Sur la vidéo d’où est tirée l’image, que la présidente du tribunal, Céline Ballerini, a fait diffuser dès l’ouverture du procès, on entend l’échange entre le directeur de service du département et un chef d’entreprise, qui lui fait miroiter encore deux fois 10 000 euros. « Sur le lot étanchéité, tu penses m’obtenir au moins un marché ? »« Un, je t’en mets un de côté, sûr ! »

Du pain bénit pour le procureur Mathieu Vernaudon qui, vendredi 28 octobre, a requis sept ans de prison contre Renaud Chervet, un mandat de dépôt, « car il mérite de retourner en prison », une amende de 200 000 euros et la confiscation de ses biens immobiliers et véhicules, « parce qu’il faut remettre les choses à zéro ». Il y a ajouté la privation des droits civiques pendant cinq ans et l’interdiction définitive d’exercer toute fonction publique.

De 2012 à 2016, les enquêteurs ont recensé pour près d’un demi-million d’euros de pots-de-vin – enveloppes, voyages lointains, invitations, travaux gratuits à son domicile… – versés à Renaud Chervet par des chefs d’entreprise, en échange d’informations privilégiées permettant à leurs sociétés de se placer au mieux pour remporter des marchés du département. « Dossier hors norme », « modèle du genre », a estimé le procureur, qui a décrit « un haut fonctionnaire territorial qui va accepter progressivement de tourner le dos aux valeurs qu’il est censé protéger et étend la pourriture de la corruption au sein de la collectivité ».

« Chef d’orchestre de ce système corruptif », Renaud Chervet savait compter sur Jérôme Disdier, le responsable d’un bureau d’études recruté par le conseil général comme assistant à la maîtrise d’ouvrage, pour réécrire les marchés. Jérôme Disdier, qui s’est décrit lors des débats comme « un fusible entremetteur », est aux yeux du procureur bien plus que ça. « Cet ingénieur qui met ses qualités professionnelles exceptionnelles au service d’une politique dégoûtante est le bras droit de Renaud Chervet, son assistant », estime-t-il.

Il est le petit facteur de la corruption : « C’est Renaud Chervet qui fixait les sommes, et je transmettais [aux entreprises] », a-t-il avoué à l’audience, en échange de quelques travaux de peinture, de la pose de faux plafonds chez lui et de quelques « aides » quand sa comptabilité était dans le rouge. Son compte servait aussi à récupérer les gratifications destinées au fonctionnaire territorial lorsque les entreprises avaient du mal à dégager des espèces. Un total de 340 000 euros a ainsi transité sur ce « compte taxi », restitués en espèces à Renaud Chervet. Jérôme Disdier en conservait un quart. Cinq ans de prison, un mandat de dépôt et une amende 100 000 euros ont été réclamés contre lui.

Source: lemonde.fr

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