Les calendriers de l’Avent pour adultes, un plaisir régressif super rentable pour les marques

Ces dernières années, les marques se sont engouffrées dans le créneau des calendriers de l'Avent destinés aux adultes.
Ces dernières années, les marques se sont engouffrées dans le créneau des calendriers de l’Avent destinés aux adultes. — Ken McKay/ITV/REX/SIPA
  • Chaque année au mois de décembre, de nombreux enfants ouvrent chaque jour une case de leur calendrier de l’Avent et se délectent d’un chocolat ou d’un petit jouet.
  • Un avant-goût de Noël qui a rapidement séduit les adultes, qui ont commencé à s’offrir ce plaisir auparavant réservé aux enfants.
  • Une tendance que de nombreuses marques ont flairée en lançant des modèles destinés aux adultes, garnis de cosmétiques, de thé, de bières ou encore de sex-toys. Une opération gagnante sur tous les plans pour les marques.

C’est officiellement bientôt Noël. Le coup d’envoi de la période des fêtes de fin d’année a été donné jeudi avec l’ouverture de la première case des calendriers de l’Avent. Et s’il s’agit traditionnellement d’un objet rempli de confiseries réservé aux enfants, depuis quelques années, les grands aussi en sont de plus en plus friands.

Les marques – grand public ou de luxe – ont flairé le bon filon, développant une offre pléthorique de calendriers de l’Avent destinés aux adultes. Un nouveau marché qui surfe sur leur envie de plaisir régressif, et qui permet aux marques de s’offrir une visibilité privilégiée au moment des achats de Noël.

Plaisir d’enfant, portefeuille d’adulte

« Le calendrier de l’Avent est un objet rentable historiquement pour les marques de confiserie pour enfants », plante Laetitia Biel, experte en stratégie de marques et communication. « Et pour les adultes, c’est une madeleine de Proust, qui évoque les souvenirs d’enfance, et ils en ont besoin, abonde Aline Pozzo di Borgo, professeure experte en marketing de luxe. C’est une aubaine dans laquelle se sont engouffrés toutes les marques et les commerçants de tous les secteurs. »

Pourquoi ? « Nous sommes confrontés à une actualité morose, les gens ont envie de se faire plaisir, d’être surpris par de bonnes choses, il y a une vraie tendance marketing dite « ludo-régressive« , observe Laetitia Biel. Et les marques l’ont bien compris : elles ont décelé un marché intéressant, qui répond à un besoin plus qu’à une demande, à une quête de réconfort et de plaisir régressif, pour une clientèle qui peut satisfaire cette envie au départ enfantine. »

Un plaisir « que l’on fait durer vingt-quatre jours, souligne Laetitia Biel. Même s’il est consumériste, le calendrier de l’Avent fonctionne très bien, parce qu’il remplit parfaitement son office ». Et en cette période de préparation des fêtes qui peut faire exploser la charge mentale, « les marques ont su proposer un nouveau cadeau malin à s’offrir, d’autant qu’on en trouve pour tous les goûts et à tous les prix », ajoutent les deux expertes.

« Créer un temps fort supplémentaire de consommation »

Un produit qui a aussi « l’avantage d’allonger la période des fêtes et des achats associés, poursuit Laetitia Biel. Avec ces calendriers, les marques créent un temps fort supplémentaire de consommation : on se met à consommer Noël plus tôt. Cela permet aux marques de se démarquer, très en amont, en suscitant un coup de cœur auprès de clients sur le point de faire leurs achats de Noël. Et de mettre en avant leurs produits de manière ludique pour des secteurs traditionnellement moins associés aux calendriers de l’Avent, que ce soit des marques de sex-toys, d’épicerie fine ou de cosmétiques de luxe. Par ce biais, les marques recréent du lien et une certaine proximité avec leur clientèle. »

En cela, « le calendrier de l’Avent crée un cercle vertueux pour les marques en leur offrant une visibilité extraordinaire à une période cruciale de forte consommation, durant laquelle on est saturé de messages publicitaires, explique Aline Pozzo di Borgo. Avant, Noël était trusté par les chocolatiers et les parfumeurs. Aujourd’hui, le calendrier de l’Avent permet à tous les secteurs – thé, bière ou même fromage – de se donner une nouvelle visibilité. »

Ici, la force des marques est « d’attirer de nouveaux clients, et d’arriver à nous faire acheter un produit dont on n’a pas besoin mais qui satisfait tout le monde : les consommateurs en se faisant plaisir, et les marques, que ce soit en termes de rentabilité, de visibilité et de captation des clients, donc de nouvelles ventes à venir », analyse l’experte.

« Plus efficace qu’une pub pour faire découvrir ses produits et conquérir de nouveaux clients »

Et peu importe si « le contenu reste assez dérisoire au final », juge Lauranne, 32 ans, pour qui l’achat « vaut le coup rien que pour ce petit moment de plaisir au petit-déjeuner, quand j’ouvre la case du jour ». Ce n’est pas Marie-Céline, 54 ans, qui la contredira, elle qui s’offre aussi chaque année ce plaisir régressif, « rempli de cosmétiques d’une belle marque. Cela permet de tester les différents produits et les éventuelles réactions dermatologiques avant d’acheter un produit en grand format. C’est un achat que je ne regrette pas. »

Ça aussi, les marques l’ont bien compris. « Qu’elles vendent des cosmétiques ou du thé, c’est un moyen de faire connaître l’étendue de leur gamme, souligne Aline Pozzo di Borgo. Une occasion unique de vendre et présenter vingt-quatre produits d’un coup. C’est une nouvelle forme de marketing direct : la marque s’installe chez vous, et capte votre attention différemment. C’est doublement rentable, parce que la publicité classique, elle, coûte très cher pour arriver à conquérir de nouveaux consommateurs, et qu’ici, en plus, le client paie cette publicité. »

Une publicité d’autant plus efficace qu’elle est « plus ludique qu’à la télé ou dans un magazine, renchérit Laetitia Biel. Le calendrier de l’Avent offre un bel écrin, crée un cadre idéal qui permet à la marque de faire découvrir, goûter, tester ses produits, qui pourront ensuite être adoptés et rachetés. Et puisque la découverte et la surprise font intrinsèquement partie du calendrier de l’Avent, cela a du sens pour la marque et pour le client qui, lui, découvre de nouvelles choses. »

« Une expérience client »

Récemment, le marché a aussi été conquis par les marques de luxe, qui rivalisent de raffinement et de beauté en proposant chaque année un nouvel écrin ultra-désirable, à l’instar de Dior, Armani, ou encore Guerlain. Des modèles dont le prix oscille entre 300 et 600 euros, et qui contiennent maquillage, soins, parfums, bougies et autres décorations de Noël. Des produits pour certains en grand format, mais pour beaucoup en format miniature. Ce qui n’empêche pas les ventes d’exploser. « Les marques sont parvenues à en faire un objet luxueux, exclusif, en édition limitée, dont on parle sur les réseaux sociaux, cela génère une viralité qui suscite l’envie et en fait un produit collector », estime Laetitia Biel.

Les prix sont certes très élevés, « mais ici, la marque de luxe vend une expérience client, décrypte Aline Pozzo di Borgo. S’offrir son calendrier de l’Avent, c’est s’offrir un accès à la marque, au rêve qu’elle véhicule. Cela permet aussi de la désacraliser, de lui donner un côté plus ludique, plus jeune et accessible, moins muséal. » Une expérience à part, pour laquelle « la clientèle paie davantage pour la marque que pour le produit en lui-même, relève Laetitia Biel. Ce n’est pas tant le contenu qui compte que le plaisir de s’offrir une part de luxe. »

Dans ce cas, « même avec des miniatures, les marques stimulent le plaisir des consommatrices, qui s’offrent une expérience différente de lorsqu’elles s’achètent un soin ou un parfum dont elles ont l’habitude. Là, elles ont l’impression de s’offrir un cadeau à part, de se valoriser », indique Aline Pozzo di Borgo.

Trouver la juste recette

A condition de trouver la juste recette. En 2021, Chanel se lance, pour le centième anniversaire de sa plus célèbre fragrance, le N°5, qui pour l’occasion prête la forme de son flacon au tout premier calendrier de l’Avent de la marque de la rue Cambon. Mais à 700 euros, l’objet, garni d’échantillons, stickers et petites décorations de Noël, est étrillé sur les réseaux sociaux. « Un calendrier de l’Avent ne doit pas être déceptif, il doit répondre aux critères qu’on se fait d’une marque, en particulier de luxe à la française : des produits français et de qualité, en phase avec l’image de la marque, indique Aline Pozzo di Borgo. Si le contenu est jugé trop cheap, la marque perd des points. »

Pour autant, « un joli calendrier de l’Avent a un certain coût de production, rappelle l’experte en marketing de luxe, même s’il contient en partie des miniatures, qui ne sont pas gratuites. C’est un objet qu’il faut designer, conditionner, transporter. Les marges sont souvent correctes, d’autant que les marques en font aussi un vecteur de publicité, mais il y a des produits plus rentables encore pour elles. »

Mais « s’il est bien pensé, c’est du win-win pour tout le monde », selon Laetitia Biel. « Avec un calendrier de l’Avent, on coche toutes les cases, conclue Aline Pozzo di Borgo : un prix souvent accessible, un bel emballage et une surprise chaque jour, donc on en a pour son argent. »

Source: 20minutes.fr
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