En Italie, le temps des familles

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Récit. Anna Salemi, 13 ans, s’est juré de protéger son petit frère, Astor. La jeune Sicilienne suit à la lettre les instructions laissées par sa mère avant de mourir ; en cette terrible année 2020, celle-ci a été fauchée par un mystérieux virus qui tue tous les adultes. Tel est le point de départ du roman de science-fiction Anna (Grasset, 2016), de l’Italien Niccolò Ammaniti. Coproduite par Arte, son adaptation en série vient d’être tournée durant l’hiver.

Le livre ne se contente pas d’esquisser, avec une acuité visionnaire, la pandémie de Covid-19. En imaginant une Italie brutalement privée de ses seniors, il pointe le vieillissement de la population transalpine, bien avant que le coronavirus ne le rende plus saillant encore.

Si 13,2 % des 60,4 millions d’Italiens ont moins de 14 ans, 23 % ont plus de 65 ans. L’âge médian est de 45,4 ans, contre 41,1 ans en France ; seul le Japon dispose de statistiques plus élevées. « Depuis Mussolini, aucune véritable politique nataliste n’a été mise en œuvre, à l’inverse de la France, souligne Elena Ambrosetti, démographe à l’université La Sapienza, à Rome. Les politiques publiques ont été tournées vers les personnes âgées en général, et les retraites en particulier. Le Covid-19, qui frappe d’abord les anciens, met dramatiquement à l’épreuve notre modèle, fondé sur l’entraide familiale. »

Nicola H. Cosentino, 28 ans, a consacré son doctorat à la littérature dystopique italienne. Quand les premiers cas de Covid-19 ont été recensés en Lombardie, il a tout de suite songé à Anna, mais aussi à L’Homme vertical, de Davide Longo (Stock, 2013) : « Ces romans apocalyptiques posent une question pour le moins actuelle : qu’est-ce que le courage ?, analyse l’universitaire calabrais. Leur réponse tord le cou aux stéréotypes virils. La gentillesse, la bienveillance, l’altruisme, voilà des comportements courageux. »

Nicola H. Cosentino vit à Milan, dans le nord de la Péninsule. Fin février, sa compagne et lui auraient dû rentrer en Calabre, la pointe méridionale de la Botte. « La Lombardie n’avait pas encore été mise en quarantaine, mais nous avons renoncé à nos billets d’avion, par crainte de contaminer nos parents », indique-t-il.

Son premier roman, Vie et mort des langoustes (Gremese, 2019), suit les romances et les errances de jeunes Italiens. « Contrairement aux Français ou aux Américains, qui ont vécu des attentats, notre génération a été épargnée par les drames. Nous sommes les enfants de l’individualisme, de l’ironie. Cette crise sanitaire nous confronte, pour la première fois, à l’histoire. »

Source: lemonde.fr

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