Coronavirus: c’est l’agilité citoyenne qui a le mieux répondu à la crise

Pour la première fois, atteints dans nos chairs et confinés dans nos maisons, nous éprouvons au quotidien les mécanismes de la globalisation. Que le planétaire et l’intime soient si irrémédiablement liés est inédit; la crise du coronavirus jette une lumière crue sur un système qui nous dépasse et nous emporte. Ce phénomène, sans précédent, interroge impérieusement la capacité du politique à agir. Pour ma part, engagée dans la construction de l’écologie politique, j’y vois l’obligation de sortir du déni; j’y vois aussi la promesse d’un changement profond de modèle. 

La force du local

Pour les citoyens que nous sommes, le défi paraît insurmontable. Pourtant, face à un système globalisé qui nous échappe, la capacité d’innovation et d’action du “local” est bien réelle! Et le rôle des collectivités est crucial car l’atout premier des territoires est l’immédiateté: nul besoin d’attendre le monde d’après pour agir! L’équation entre l’inertie du mécano institutionnel État-Europe-Monde et la crise écologique est insoluble sans le ressort des territoires. La transition dont nous parlons commence donc par la base.

 

Grâce à la mobilisation des acteurs locaux, l’écoute et le respect des personnes prennent le pas sur le mécanisme administratif de solidarité souvent trop rigide et, par conséquent, peu inclusif.

 

Chaque territoire, s’il est le réceptacle d’une mécanique plus globale -où atterrissent les investissements financiers, les circuits d’approvisionnements, les normes alimentaires et sanitaires, les modèles d’habitat et d’urbanisation–, n’en est pas moins émetteur de sa propre mécanique. Des marges potentielles de régulation du global par le local existent. Explorons-les! Pour ouvrir la voie d’une transition écologique, commençons par ouvrir les yeux! 

La crise comme levier

Dans l’instabilité et le dérèglement apparaissent également des bribes de solutions, de nouvelles façons de faire et de vivre. Depuis le début de l’épidémie du covid-19, à Bagnolet, où je vis, les initiatives locales se multiplient dans des proportions impressionnantes.

Pour assurer la continuité scolaire, des habitants ont mis en place une plateforme pour mettre en relation des étudiants de grandes écoles avec les élèves de collèges et de lycées du 93; une jeune étudiante habitant La Dhuys, quartier au niveau de vie élevé, a eu l’idée de mettre son réseau universitaire confiné à la disposition des enfants des Malassis, le quartier d’en face, moins privilégié. Aujourd’hui une trentaine d’élèves sont en lien avec des étudiants de Dijon, de Lille, de Paris. Alors que les mesures de distanciation imprègnent notre quotidien, on voit combien cette initiative rapproche des univers en temps “normal” si éloignés. Il y a là une réponse embryonnaire et prometteuse pour renforcer “ce qui fait commun”. Loin des approches strictement quantitatives et démographiques de la mixité sociale, les liens se tissent et s’ancrent progressivement, sensiblement. Quel rôle pour le politique, si ce n’est d’identifier ces complémentarités et d’accompagner leur mise en œuvre?

Pour pallier la précarité alimentaire, plusieurs restaurants ont mis leur cuisine à disposition des groupes spontanément constitués pour les maraudes; des collectifs d’habitants se sont étendus dans la ville pour préparer des plats ou des desserts; d’autres ont improvisé des distributions de paniers aidés par de nombreux commerçants.

Grâce à cette mobilisation des acteurs locaux de tous horizons, l’écoute et le respect des personnes prennent le pas sur le mécanisme administratif de solidarité souvent trop rigide et, par conséquent, peu inclusif. Loin des stigmatisations de classes, on puise ici, bien au contraire, dans la conscience de classe, dans une forte responsabilité sociale qui peine habituellement à trouver des débouchés concrets.

L’écueil serait donc de circonscrire tout cela au caractère exceptionnel de la situation plutôt que l’appréhender comme une source de renouvellement des actions de solidarité locale. C’est bien au cœur de la crise, avec et par les citoyens, que s’invente le monde d’après.

Citoyenneté et politique

Cette résilience citoyenne décèle un savoir-faire territorial, qui est au cœur de mon engagement politique. L’articulation entre citoyenneté et politique questionne nos libertés et notre usage de la démocratie. Joseph Spiegel, maire de Kingersheim, pionnier de la démocratie participative, nous dit que nous sommes des analphabètes de la démocratie. L’expérience que nous traversons nous donne quelques éléments de grammaire! Et quels sont-ils?

 

La transition écologique est avant tout une transition démocratique car elle permet une meilleure adaptation au contexte local.

 

Bien loin des oppositions politiciennes, binaires et stériles, qui éloignent la citoyenneté du politique, c’est au contraire l’articulation des deux mondes qui est féconde. Associer cette précieuse agilité citoyenne à la robustesse des moyens d’une collectivité dans une juste proportion et au bon niveau d’écoute peut être aujourd’hui une clé. C’est en ce sens que la transition écologique est avant tout une transition démocratique car elle permet une meilleure adaptation au contexte local. Sortir des recettes toutes faites qui aboutissent à des politiques souvent hors-sol est un des fondamentaux de l’écologie.

Loin des standards plaqués de façon univoque sur tous les territoires, il est possible de revisiter nos propres mécanismes en matière d’habitat, d’alimentation, de solidarité, d’environnement et de production. La situation de crise nous a montré que les lignes pouvaient bouger. Ne nous contentons pas d’en faire le constat. Profitons-en. Appuyons-nous sur la démonstration en temps réel qui s’offre à nous. Prendre le chemin qui s’est ouvert ou retrouver nos vieux réflexes: la décision est éminemment politique.

 

A voir également sur Le HuffPost: “On ne veut pas mourir”, les restaurateurs se mobilisent pour survivre à l’après confinement


Source: huffingtonpost.fr

laissez un commentaire