CHRONIQUE. Libelles, canards, « fake news » : les armes de la désinformation

Jean-Gabriel Ganascia revient sur la désinformation, une arme utilisée depuis bien longtemps.

désinformation illustration

Si les procédés changent, la désinformation est utilisée depuis bien longtemps

Fanatic Studio / Gary Waters / SCIEN / FST / Science Photo Library via AFP

Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir – La Recherche n°901, daté mars 2022. 

À l’heure de la campagne électorale ressurgit la crainte d’une déstabilisation des institutions démocratiques par des attaques informationnelles. Rien là de vraiment neuf !

Des écrits courts et diffamatoires distribués sous le manteau

Dès la plus haute Antiquité, dans son « Art de la guerre », Sun Tzu recommandait de semer la discorde chez l’adversaire en y instillant de fausses nouvelles. Cependant, même si la tromperie est ancienne, au fil du temps, tant sa nature que les mots pour la dire ont changé. Avant la Révolution française circulaient dans Paris des « libelles », écrits courts et diffamatoires distribués sous le manteau, contre Marie-Antoinette.

Tiré du roman de Balzac, le récent film de Xavier Giannoli, « Illusions perdues », nous rappelle qu’au 19e siècle la presse populaire faisait ou défaisait les réputations avec des « canards ». Au début du 20e siècle, des penseurs comme Walter Lippmann et Edward Bernays, le neveu de Freud – le détail ici n’est pas innocent -, théorisèrent la propagande et la publicité à l’heure des sociétés de masse. Pour eux, dans un monde trop complexe pour que tous le comprennent, l’opinion collective se fabrique en imprimant dans l’esprit du public des stéréotypes, des images et des associations subliminales, c’est-à-dire inconscientes.

La dissémination massive d’infox

Au cours de la guerre froide, les grandes puissances en conflit usèrent de toutes sortes de stratagèmes pour diffuser de façon occulte des nouvelles fallacieuses en vue d’influencer le moral des populations, tant dans leur propre camp, pour le renforcer, que chez leurs adversaires, afin de l’affaiblir, voire de le briser. Cela contribua à l’essor ce qu’on appela la « désinformation ».

Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux vient la dissémination massive d’infox (fake news en anglais) qui n’est pas uniquement orchestrée par des États à destination de sociétés monolithiques comme l’était la Russie soviétique, mais aussi par de puissants groupes d’influence qui s’attaquent à des sociétés fragmentées pour les diviser plus encore. Bref, les mots changent, les procédés aussi, mais les maux subsistent, voire s’amplifient ! 

Par Jean-Gabriel Ganascia, professeur à Sorbonne Université, à Paris, chercheur en intelligence artificielle au LIP6 (Sorbonne Université, CNRS), ex-président du comité d’éthique du CNRS. Dernier ouvrage publié : « Le Mythe de la singularité. Faut-il craindre l’intelligence artificielle ? » Le Seuil, 2017.

Source: Sciencesetavenir.fr
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