Comment la guerre en Ukraine a sorti les Big Tech américains de leur posture de neutralité

La guerre en Ukraine a rendu intenables les postures de neutralité politique revendiquées par les géants américains des technologies. Réseaux sociaux ou fournisseurs de logiciels ont dû prendre parti, certains appuyant résolument l’effort de guerre ukrainien.

Antennes Starlink à Kherson, en Ukraine

Le 13 novembre 2022, des Ukrainiens utilisent à Kherson leurs téléphones portables à proximité d’antennes Starlink.

AFP

Les contorsions et autres arrangements avec la censure gouvernementale de Google en Chine ont alimenté nombre de débats depuis les années 2000. Il est bien documenté que, sur les zones géographiques faisant l’objet de différends frontaliers, Google Maps délimite les pays de manière différenciée selon l’endroit d’où l’on se connecte. Dans le contexte de la guerre du Donbass et de l’annexion de la Crimée par la Russie, Apple a tout fait pour éviter de s’aliéner Moscou malgré les protestations ukrainiennes. Sur Apple Maps, la Crimée était présentée comme un territoire russe quand l’application était consultée depuis la Russie. A la même époque, et malgré les sanctions américaines, Microsoft a continué à faire des affaires avec des sociétés russes en Crimée.

L’invasion russe de l’Ukraine fin février 2022 a fini par faire voler en éclats cette volonté farouche des géants américains des technologies, Facebook, Google, Apple, Microsoft en tête, de rester en dehors des joutes géopolitiques. « Ces plateformes n’étaient en fait pas prêtes pour la guerre », estime Julien Nocetti, chercheur au centre Geode, Géopolitique de la datasphère, et spécialiste de cyberconflictualité. Le sujet faisait l’objet d’une conférence à l’European Cyber Week de Rennes mi-novembre 2022.

Reconnaissance faciale contre les criminels de guerre

Apple a bien tenté de temporiser, mais début mars, le fabricant a fini par bloquer les achats sur l’AppStore et l’iTunes Store depuis la Russie. YouTube a démonétisé les médias d’Etats russes, Sputnik et Russia Today. Google Maps a retiré des contenus susceptibles de mettre en danger la population ukrainienne (données de trafic routier, de fréquentation de lieux publics) et bloqué la fonction d’édition permettant d’ajouter informations et commentaires sur ses cartes. AirBnB a suspendu ses activités en Russie et en Biélorussie, allié de Moscou, et offert des logements aux réfugiés ukrainiens. La très controversée firme Clearview AI a fourni gratuitement sa technologie de reconnaissance faciale aux Ukrainiens pour identifier des criminels de guerre russe et Google propose tout aussi gratuitement à 150 organisations ukrainiennes sa technologie de protection contre les attaques par déni de service (un type de cyberattaque qui sature un service internet en lui envoyant tellement de requêtes qu’il devient inaccessible).

Les contorsions et autres arrangements avec la censure gouvernementale de Google en Chine ont alimenté nombre de débats depuis les années 2000. Il est bien documenté que, sur les zones géographiques faisant l’objet de différends frontaliers, Google Maps délimite les pays de manière différenciée selon l’endroit d’où l’on se connecte. Dans le contexte de la guerre du Donbass et de l’annexion de la Crimée par la Russie, Apple a tout fait pour éviter de s’aliéner Moscou malgré les protestations ukrainiennes. Sur Apple Maps, la Crimée était présentée comme un territoire russe quand l’application était consultée depuis la Russie. A la même époque, et malgré les sanctions américaines, Microsoft a continué à faire des affaires avec des sociétés russes en Crimée.

L’invasion russe de l’Ukraine fin février 2022 a fini par faire voler en éclats cette volonté farouche des géants américains des technologies, Facebook, Google, Apple, Microsoft en tête, de rester en dehors des joutes géopolitiques. « Ces plateformes n’étaient en fait pas prêtes pour la guerre », estime Julien Nocetti, chercheur au centre Geode, Géopolitique de la datasphère, et spécialiste de cyberconflictualité. Le sujet faisait l’objet d’une conférence à l’European Cyber Week de Rennes mi-novembre 2022.

Reconnaissance faciale contre les criminels de guerre

Apple a bien tenté de temporiser, mais début mars, le fabricant a fini par bloquer les achats sur l’AppStore et l’iTunes Store depuis la Russie. YouTube a démonétisé les médias d’Etats russes, Sputnik et Russia Today. Google Maps a retiré des contenus susceptibles de mettre en danger la population ukrainienne (données de trafic routier, de fréquentation de lieux publics) et bloqué la fonction d’édition permettant d’ajouter informations et commentaires sur ses cartes. AirBnB a suspendu ses activités en Russie et en Biélorussie, allié de Moscou, et offert des logements aux réfugiés ukrainiens. La très controversée firme Clearview AI a fourni gratuitement sa technologie de reconnaissance faciale aux Ukrainiens pour identifier des criminels de guerre russe et Google propose tout aussi gratuitement à 150 organisations ukrainiennes sa technologie de protection contre les attaques par déni de service (un type de cyberattaque qui sature un service internet en lui envoyant tellement de requêtes qu’il devient inaccessible).

Quant à Elon Musk, directement sollicité sur Twitter par le ministre ukrainien pour la transformation numérique (« Elon Musk, pendant que vous tentez de coloniser Mars, la Russie tente d’occuper l’Ukraine »), il a mis à disposition des Ukrainiens des antennes satellites leur permettant de se connecter à Internet via sa constellation de satellites Starlink. Depuis, Elon Musk n’a pas pu s’empêcher de faire quelques faux pas rendant sa posture plus ambigüe (appel aux Ukrainiens à négocier avec la Russie, demande à peine voilée de payer pour le service Starlink), preuve d’une certaine incapacité à distinguer un contexte de guerre d’un contexte d’affaire « normal ».

Le cas emblématique de Microsoft

Le cas de Microsoft est peut-être le plus emblématique : l’éditeur américain, qui a lui aussi quitté le marché russe, participe à la cyberdéfense de l’Ukraine (et ce dès avant l’agression russe de février), recense les opérations d’influence et les cyberattaques de la Russie et a conçu un outil d’intelligence artificielle censé documenter les crimes de guerre commis par l’armée russe. Il a également dispersé hors d’Ukraine des données sur son service cloud, Azure. Amazon Web Services a fait de même en mettant à disposition ses datacenters pour des données de ministères, d’universités, d’entreprises, de banques, etc. Le géant du e-commerce ne livre plus en Russie ni en Biélorussie et y a bloqué son service Prime Video.

A l’instar d’un Elon Musk, quoique dans un genre très différent, le président de Microsoft Brad Smith s’implique même personnellement, faisant le tour des médias pour évoquer les enjeux de cyberconflictualité et le travail de sa société. Ce qui n’est pas allé sans nourrir quelques suspicions quant aux intentions réelles de la firme de Redmond.

Des experts en cybersécurité interrogés par le site spécialisé CyberScoop ont en effet tiqué devant le rapport produit par Microsoft fin juin et intitulé Défendre l’Ukraine : premières leçons d’une cyberguerre. Ils accusent l’éditeur de livrer assez peu de détails et de sources sur les cyberattaques recensées, contrairement aux rapports que réalisent habituellement des sociétés de cybersécurité, et de vouloir se mettre en avant à des fins commerciales. Certains, comme le spécialiste en cybersécurité à l’université Johns Hopkins Thomas Rid, sont néanmoins revenus publiquement sur leurs critiques, saluant l’implication de Microsoft. « Plus que jamais, commente Julien Nocetti, ces multinationales sont en situation d’arbitrage, politique, économique et géostratégique ».

Source: Sciencesetavenir.fr
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