Quand le métro devient une machine à allonger le temps

Des chercheurs américains ont utilisé la réalité virtuelle pour étudier la perception du temps dans le métro. Ils ont reproduit le métropolitain new-yorkais pour simuler le quotidien des participants. Conclusion : quand la rame est bondée, le temps paraît plus long.

Le métro parisien bondé

Image d’illustration du métro parisien un jour de grande affluence.

PATRICK COCKPIT / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP

Le temps est élastique et tout particulièrement dans le métro. C’est la conclusion à laquelle est arrivée une équipe de chercheurs de l’université de Cornell à New York après avoir mené une expérience inédite utilisant la réalité virtuelle. Pour leur étude, publiée dans la revue scientifique Virtual reality le 3 novembre 2022, les chercheurs américains ont placé une quarantaine de sujets dans un métro new-yorkais fictif. Ils ont reproduit cinq situations où la rame était plus ou moins bondée. Celles-ci allaient de 35 à 175 avatars qui se comportaient comme de vrais passagers. Ils pouvaient lire ou regarder leur téléphone par exemple. Les participants embarquaient pour des trajets d’une durée aléatoire se situant entre 60 et 80 secondes. Après chaque voyage, les chercheurs ont demandé à leurs sujets si le trajet leur paraissait plaisant sur une échelle de 1 à 7, et d’estimer la durée de leur parcours.

« La foule donne un sentiment de stress qui fait paraître le trajet plus long » 

Il s’est avéré que lorsque le nombre de passagers devenait très important, les sujets de l’expérience surestimaient leur temps de trajet dans le métro. Plus précisément, lorsque la rame était particulièrement surchargée, la durée du trajet semblait 10% supérieure à celle passée dans un métro où peu d’individus étaient rassemblés. La différence s’élève à 20% entre la rame avec 175 passagers et celle n’en ayant que 35. Pour expliquer cette différence, les chercheurs se sont basés sur leur questionnaire concernant l’agréabilité de l’expérience pour les participants. Ils ont observé que plus le voyage était déplaisant, plus le biais temporel était fort. “La foule donne un sentiment de stress qui fait paraître le trajet plus long”, précise Saeedeh Sadeghi, co-auteur de l’étude auprès du site d’information Cornell Chronicle.

Les émotions au cœur de notre horloge interne

De nombreux travaux scientifiques ont déjà montré l’importance des émotions dans notre perception du temps ou plus exactement notre “jugement subjectif du temps”.

Le temps est élastique et tout particulièrement dans le métro. C’est la conclusion à laquelle est arrivée une équipe de chercheurs de l’université de Cornell à New York après avoir mené une expérience inédite utilisant la réalité virtuelle. Pour leur étude, publiée dans la revue scientifique Virtual reality le 3 novembre 2022, les chercheurs américains ont placé une quarantaine de sujets dans un métro new-yorkais fictif. Ils ont reproduit cinq situations où la rame était plus ou moins bondée. Celles-ci allaient de 35 à 175 avatars qui se comportaient comme de vrais passagers. Ils pouvaient lire ou regarder leur téléphone par exemple. Les participants embarquaient pour des trajets d’une durée aléatoire se situant entre 60 et 80 secondes. Après chaque voyage, les chercheurs ont demandé à leurs sujets si le trajet leur paraissait plaisant sur une échelle de 1 à 7, et d’estimer la durée de leur parcours.

« La foule donne un sentiment de stress qui fait paraître le trajet plus long » 

Il s’est avéré que lorsque le nombre de passagers devenait très important, les sujets de l’expérience surestimaient leur temps de trajet dans le métro. Plus précisément, lorsque la rame était particulièrement surchargée, la durée du trajet semblait 10% supérieure à celle passée dans un métro où peu d’individus étaient rassemblés. La différence s’élève à 20% entre la rame avec 175 passagers et celle n’en ayant que 35. Pour expliquer cette différence, les chercheurs se sont basés sur leur questionnaire concernant l’agréabilité de l’expérience pour les participants. Ils ont observé que plus le voyage était déplaisant, plus le biais temporel était fort. “La foule donne un sentiment de stress qui fait paraître le trajet plus long”, précise Saeedeh Sadeghi, co-auteur de l’étude auprès du site d’information Cornell Chronicle.

Les émotions au cœur de notre horloge interne

De nombreux travaux scientifiques ont déjà montré l’importance des émotions dans notre perception du temps ou plus exactement notre “jugement subjectif du temps”. « Cette expérience se fonde sur une appréciation à postériori, nous reconstruisons notre idée du passage du temps en fonction d’autres facteurs, par exemple après un rendez-vous ennuyeux, nous aurons l’impression que le temps a été long. Nous l’exprimons avec des ressentis”, explique Sylvie Droit-Volet, professeure au laboratoire de psychologie sociale et cognitive de l’université Clermont Auvergne, à Sciences et Avenir. Il y a aussi une dimension physiologique, qui est immédiate, dans le rapport au sablier. Lorsque nous sommes dans certains états émotionnels comme la joie ou la peur, notre horloge interne change de tempo en fonction du rythme cardiaque et des contractions musculaires, et donne l’impression que le temps passe plus ou moins vite. “Cette façon de percevoir les durées n’est pas propre aux humains adultes, nous avons observé ces biais temporels chez des bébés et même des rats”, précise la chercheuse. Dans leur étude, les scientifiques américains se sont aussi intéressés au rythme cardiaque mais n’ont pas montré de différence significative entre une situation où le métro est peu peuplé et celle où il est bondé. Ainsi, le stress causé par la foule ne semble pas impacter le rapport au temps des passagers durant leur épopée métropolitaine. Il semble plutôt que c’est le fait de l’avoir ressenti qui donne l’impression que le voyage était désagréable et donc long.

Le cerveau, une horloge pas comme les autres

“L’ensemble du cerveau est prédisposé à évaluer le temps sur de très courtes périodes grâce aux oscillateurs corticaux qui se trouvent dans l’ensemble du cortex cérébral (partie externe du cerveau, ndlr) explique Sylvie Droit-Volet à Sciences et Avenir. Les oscillateurs corticaux créés une sorte de code temporel qui est traduit par les neurones du striatum (partie interne du cerveau, ndlr) pour les durées déjà mémorisées. C’est pour cela que la perception du temps s’affine avec l’âge.
Pour les stimuli de quelques millisecondes, c’est le cervelet qui sert de décodeur et le cortex préfrontal permet d’estimer les durées. Le cerveau est donc sujet à de multiples stimuli temporels qui engendrent l’activation de nombreuses zones neuronales différentes. Ainsi, plus il y aura de stimuli venant des environnements internes et externes, plus les oscillateurs corticaux seront actifs et, à l’instar d’un métronome cérébral, ceux-là augmenteront le rythme auquel le cerveau traite les informations, ce qui donnera l’impression que le temps est plus court. C’est pour cela que lorsque l’on fait une activité qui nous plait, le temps passe plus vite et que lorsque nous déprimons, tout parait plus long. Notre horloge interne a des rouages extrêmement complexes impliquant des milliers de neurones et dont tous les mécanismes ne sont pas encore bien compris. Pourtant, les scientifiques espèrent pouvoir s’en servir pour mieux nous comprendre. “Des chercheurs planchent actuellement sur une analyse de la perception temporelle du cerveau pour diagnostiquer des états dépressifs”, note la professeure en psychologie sociale et cognitive.

Un rapport au temps qui varie entre chaque individu

Une sensation qui peut varier selon les individus. Celle-ci pourrait être différente entre une personne habituée à ces voyages urbains et un individu pour qui ce n’est pas familier. “En général, les expériences nouvelles paraissent plus longues que celles répétées. Il existe un phénomène appelé « l’effet du trajet retour », selon lequel l’aller vers une destination semble plus long que le retour, même si les distances sont exactement les mêmes. Cela s’explique par le fait que le voyage de retour est plus familier et semble donc plus court. C’est la même chose pour les personnes qui ont l’habitude de prendre le métro quotidiennement, on peut s’attendre à ce que les trajets semblent plus courts pour ceux qui prennent le métro tous les jours”, suppose Saeedeh Sadeghi.

Les chercheurs s’inquiètent d’un possible impact environnemental

Malgré une possible résilience de la part des voyageurs, l’équipe de recherche s’inquiète des effets néfastes de ces trajets à rallonge. Selon une enquête Ipsos, réalisée en janvier 2022, les Français passent près de 50 minutes par jour dans les transports et 12% d’entre eux se déplacent en métro. En se basant sur les résultats de l’étude, cela fait près de 4 heures de trajet ressenti en plus chaque année dans le métro. Si l’on prend le scénario avec une rame particulièrement bondée, cette durée passe à 8 heures, soit une journée de travail supplémentaire.

D’autant plus que la pandémie pourrait avoir accentué cet effet. “Pendant la pandémie, les directives de distanciation sociale nous ont constamment rappelé la menace des foules. Ainsi, au cours des deux dernières années, nos cerveaux ont été entraînés à être encore plus défensifs face aux foules. Avec l’inconfort accru induit par la foule après la crise du Covid, nous nous attendons à ce que le temps de trajet en métro paraisse encore plus long”, explique Saeedeh Sadeghi qui a réalisé cette expérience en 2019. Dans les colonnes du site d’information Cornell Chronicle, les chercheurs précisent que ce sentiment pourrait pousser certains usagers à utiliser leur voiture à la place des transports en commun. Ce qui engendrerait plus de pollution dans une atmosphère déjà saturée en CO2. “Il faut rendre les voyages plus agréables ! Nos résultats ont montré que ce n’est pas l’encombrement en soi, mais le stress qu’il engendre, qui fait qu’un voyage semble plus long. On pourrait, par exemple, mettre des fenêtres plus grandes dans les rames pour atténuer, dans une certaine mesure, la sensation désagréable d’être submergé par la foule”, propose le coauteur de l’étude.

Une expérience prometteuse mais limitée

En dépit de son côté novateur avec l’utilisation de la réalité virtuelle pour reproduire des conditions plus proches du quotidien, cette étude présente un certain nombre de limites. Elles sont à la fois techniques et expérimentales. “Même si notre simulation est très réaliste, les avatars ont toujours un aspect différent de vrais individus. De plus, les participants de l’expérience devaient seulement imaginer qu’ils se dirigeaient vers une destination, mais ils se trouvaient physiquement dans la salle d’expérience située dans un bâtiment du campus universitaire”, souligne le chercheur de Cornell auprès de Sciences et Avenir.

Pour avoir des résultats plus probants, il estime qu’il faudrait réaliser une expérience plus photoréaliste à laquelle s’ajouterait des stimuli touchant les 5 sens pour simuler une foule de la manière la plus juste possible. Cette expérience passe aussi à côté de nombreux facteurs pouvant modifier la perception temporelle. “Il faut aller plus loin, par exemple s’intéresser aux types de personnes présentes dans le transport. Avons-nous la même perception des durées lorsque le métro est rempli d’enfants ou de personnes âgées ? Et si une femme est entourée d’hommes dans une rame, son potentiel sentiment d’insécurité peut-il modifier son rapport au temps ? Il faudrait une approche plus psychosociale. Il y a sûrement plein de facteurs inter-individuels à évaluer”, souligne Sylvie Droit-Volet. “Cette étude est originale et permet de faire rentrer le quotidien dans nos labos. Pour le moment, c’est insuffisant. C’est une première étude, mais l’utilisation de la réalité virtuelle est un bon moyen d’aborder la complexité du quotidien. C’est la prochaine étape des études psychosociales », conclut la professeure en psychologie sociale et cognitive.

Source: Sciencesetavenir.fr
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