A Nashville, le plus grand test de voitures autonomes en conditions réelles

Un projet unique par son envergure a vu une centaine de voiture autonomes injectées dans le trafic routier réel d’une autoroute. L’enjeu est de mieux fluidifier la circulation mais aussi de réduire la consommation de carburant de tous les véhicules.

Projet Circles à Nashville

Une vue des caméras surplombant l’I-24 à Nashville.

I-24 Motion

En 2017, une expérimentation sur circuit fermé menée par un groupe de chercheurs de diverses universités américaines (Vanderbilt à Nashville, Rutgers à Camden et de l’Arizona à Tucson) avait montré qu’en insérant quelques voitures autonomes dans un trafic routier dense, celles-ci modifiaient le comportement routier des automobilistes autour d’elles, notamment leur vitesse, au point d’éliminer l’effet « accordéon », ce phénomène de véhicules passant leur temps à accélérer dès que la voie se libère devant eux pour piler quelques dizaines de mètres plus loin.

Le test, mené avec 22 véhicules traditionnels et une voiture autonome, avait mené à une autre découverte : une réduction de la consommation de carburant de tous les véhicules impliqués.

Des enjeux technologiques de taille

C’est pour vérifier ces enseignements que les chercheurs ont monté le consortium Circles impliquant d’autres partenaires académiques, des constructeurs automobiles et les autorités du Tennessee. Plus de site expérimental en circuit fermé cette fois : 97 véhicules autonomes ont été injectés dans le trafic réel de l’interstate 24 à Nashville, sur un tronçon de 6,4 km (4 miles) sur lequel elles faisaient l’aller-retour. Soit le plus grand test en conditions réelles de voitures autonomes.

Il a eu lieu entre le 14 et le 18 novembre 2022, entre 5h et 10h30. Les résultats ne sont donc pas encore disponibles mais les enjeux technologiques sont de taille dans la mesure où les conducteurs traditionnels n’appliquaient par définition aucun protocole de recherche. L’expérience a permis déjà de montrer les difficultés qu’impliquent les conditions réelles de conduite, quand cohabitent véhicules autonomes et traditionnels. « Il fallait faire significativement plus attention à la manière dont les gens conduisent et imaginer les cas de figure les plus extrêmes », note Amaury Hayat, chercheur en mathématiques au laboratoire Cermics de l’Ecole des Ponts ParisTech, membre de l’équipe.

Des algorithmes entraînés par apprentissage par renforcement

La régulation du trafic se faisait en jouant sur la vitesse et l’accélération des voitures autonomes, celles-ci calculant données en fonction de la longueur de voie qui se dégage devant elles. Les algorithmes des véhicules ont été entrainés sur simulateur, par apprentissage par renforcement (essai-erreur), en intégrant des informations agrégées sur l’état du trafic mesuré en aval. « L’effet accordéon vient du fait que les conducteurs redémarrent trop vite, continue le chercheur. Nous avons donc essayé de comprendre quelle était la bonne vitesse (pour limiter cet effet, ndlr), par le biais d’une interface cartographique type Google Maps montrant le flux routier, ce qui permet au véhicule autonome de savoir ce qui va se passer. »

L’idée étant d’influencer les comportements routiers humains par des comportements robotiques (les voitures sans chauffeur), l’équilibre à trouver est délicat entre produire des effets et ne pas déstabiliser le trafic. Il a donc fallu faire en sorte que les véhicules autonomes ne redémarrent par trop lentement, en tout cas moins lentement que la valeur idéale, pour ne pas perturber les conducteurs. Amaury Hayat a pu le constater, assis dans une des voitures autonomes (toutes avaient quelqu’un à bord par sécurité) : « Quand la route se dégage, cela donne soudain l’impression qu’il n’y a plus d’embouteillage or, on ne roule pas tout de suite. Et cela peut durer une bonne minute. »

Réduire la consommation de carburant de 10%

Si, en situation, les chercheurs pouvaient constater empiriquement que le trafic se modifiait, un automobiliste lamda sera plus sujet à de l’incompréhension, voire à de l’énervement, à se sentir « bloqué » par d’autres.

L’autoroute ayant été équipée de caméras haute définition (294 au total) au sommet de mâts pour surplomber les voies, le flux vidéo de la circulation va servir à évaluer l’impact du dispositif sur la consommation d’énergie. Là encore, ce sont les données de vitesse et d’accélération de chaque voiture qui seront exploitées pour faire ce calcul. A terme, l’équipe espère que la présence de voitures autonomes dans le trafic puisse réaliser des économies d’énergie d’au moins 10% sur l’ensemble des véhicules présents.

Source: Sciencesetavenir.fr
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