Un étrange mammifère du Gondwana découvert à Madagascar

Il avait une taille étonnante pour cette période où la plupart des représentants des mammifères ne dépassaient pas celle d’une souris.

Adalatherium

Représentation artistique d’Adalatherium hui, la « bête folle » de Madagascar.

Andrey Atuchin

14 chercheurs se sont penchés pendant près de 20 ans sur Adalatherium hui (« bête folle », dans un mélange de grec et de malgache) pour livrer aujourd’hui une imposante monographie de 234 pages et 7 chapitres, publiée ce 18 décembre 2020 dans les Society of Vertebrate Paleontology (SVP) Memoir Series. Dirigée par David Krause (Denver Museum of Nature & Science) et Simone Hoffmann (New York Institute of Technology) elle offre une description et une analyse complète de ce mammifère que nous présentions au mois de mai de cette année.

Un représentant des gondwanathériens

Le registre fossile des mammifères du Mésozoïque (de -252 à -66 millions d’années) provenant du Gondwana, le supercontinent qui occupait l’hémisphère Sud, est beaucoup moins fourni que celui de la Laurasie, le supercontinent au nord de l’équateur. Les gondwanathériens sont un de ces groupes de mammifères de l’hémisphère Sud identifiés dans les années 1980 d’abord à partir de fossiles très parcellaires comme des dents ou des morceaux de mandibules et finalement un unique crâne découvert sur l’île de Madagascar en 2014, également lieu d’origine de cette « bête folle » comme l’ont surnommée les paléontologues. Cette fois, ils disposent d’un squelette presque complet qui a permis de réaliser un véritable bond dans la compréhension de ces étonnants mammifères qui possèdent des caractéristiques jamais observées dans ce groupe.

Les nouveaux restes ont été découverts par une équipe internationale dirigée par David Krause. Ils correspondent à un squelette très complet comprenant une partie du crâne, un grand nombre de vertèbres du tronc et de la queue, courte et large, et des gros os des pattes. De petits os et du tissu cartilagineux ont également été conservés sur la matrice portant les ossements. L’animal découvert correspond sans doute à un spécimen subadulte qui aurait eu l’apparence d’un gros blaireau pesant dans les trois kilos, ce qui en fait le plus gros mammifère connu du Mésozoïque dans le Gondwana. Il vivait il y a 66 millions d’années et à l’époque la plupart des autres mammifères connus ne dépassaient pas la taille d’une grosse souris.

Crédit Simone Hoffmann et Kathrine Pan

Une apparence normale qui cache des surprises

Si l’aspect extérieur de l’animal, hormis sa grande taille sans doute imputable à son existence insulaire, n’a rien de surprenant, son anatomie a interpellé les chercheurs.

« En connaissant les squelettes des mammifères vivants et disparus, il est difficile d’imaginer comment il a bien pu évoluer. Il brise de nombreuses règles », souligne David Krause, dans un communiqué. Ainsi son museau présente des caractéristiques qui n’avaient pas été observées depuis 100 millions d’années dans la lignée menant aux mammifères modernes. Son visage est également surprenant avec des foramens (trous dans l’os laissant le passage aux nerfs et aux vaisseaux) en très grand nombre dont un immense juste au-dessus du museau qui n’a pas d’équivalent chez les autres mammifères connus, vivants ou éteints.

Les dents d’Adalatherium hui apparaissent elles aussi tout à fait surprenantes. Elles ont été reconstruites par tomographie micro-calculée à haute résolution ce qui a permis d’en obtenir une modélisation numérique approfondie. Conclusion : les dents de devant ressemblent à celles des lapins et d’autres rongeurs. Caractérisées par une croissance continue, elles attestent probablement d’un régime herbivore. En revanche, les dents de derrière sont complètements différentes de celles de tous les autres mammifères.

Drôle de locomotion

Les bizarreries d’Adalatherium ne s’arrêtent pas là : il possédait une épine dorsale avec plus de vertèbres que n’importe quel mammifère du mésozoïque et ses pattes racontent une histoire qui n’est pas encore totalement comprise. Les membres postérieurs sont incurvés à la façon de ceux des crocodiles, musclés avec des pattes équipées de grande griffe. Un attirail qui devait en faire un animal doué pour creuser le sol comme les blaireaux. En revanche, les pattes avant, plus fluettes, sont plutôt à l’image des mammifères actuels doués pour le sprint. Une combinaison déconcertante à tel point qu’on se sait toujours pas bien comment il pouvait se déplacer ni même quelles postures il pouvait adopter au repos. Concrètement, les scientifiques estiment que l’animal pouvait courir mais ils n’excluent pas qu’il ait pu opter pour d’autres formes de locomotion que l’on n’observe plus chez les mammifères modernes.

Les caractéristiques de la « bête folle » s’expliquent en partie par son lieu d’origine : Madagascar. Il y a 66 millions d’années, c’était déjà une île séparée de l’Afrique depuis plus de 150 millions d’années et du sous-continent indien depuis plus de 20 millions d’années. L’écosystème malgache a ainsi évolué loin des influences en adoptant des tournures uniques ainsi qu’en témoignent les nombreuses espèces endémiques qui y ont prospéré comme cet oiseau au bec de toucan mais équipé de dents ou encore le le Simosuchus, un crocodilien herbivore. Une particularité qui perdure puisque l’île Rouge héberge toujours des animaux uniques dont de nombreux lémuriens.

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Source: Sciencesetavenir.fr
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