Rentrée des classes 2022: Le casse-tête de la scolarisation des enfants sourds à Ramonville, connue à travers la France pour son dispositif

Lors de l'apprentissage de la langue des signes en milieu scolaire (Illustration)
Lors de l’apprentissage de la langue des signes en milieu scolaire (Illustration) — huephotography / canva
  • Depuis plusieurs années, le Pôle d’enseignement des jeunes sourds de Ramonville permet aux élèves de suivre un enseignement bilingue Français – Langue de signes française (LSF) durant toute leur scolarité.
  • Reconnu, ce dispositif attire de nombreuses familles de la région et de la France entière, au point que la commune et le rectorat ont dû limiter les effectifs afin de maintenir un bon accueil et l’objectif d’inclusion au sein de l’école.
  • Cette année, faute de places, six élèves vont être scolarisés dans une autre école de Toulouse, avec un enseignant diplômé en LSF.

« Ma fille me demande où elle sera à la rentrée, je ne sais pas quoi lui répondre. Nous avons déjà déménagé et changé de région, cette situation est anxiogène pour elle. » Clémence Couture est en colère et désemparée à la veille de cette rentrée scolaire. Sa fille Elisa est sourde et, en quittant le Nord de la France en juillet pour s’installer à Ramonville, au sud-est de Toulouse, elle pensait que son enfant intégrerait une classe de CM2 de l’école Jean-Jaurès de la commune, au sein de son Pôle d’enseignement des jeunes sourds. Mais face à l’afflux des demandes, on lui a indiqué qu’Elisa serait scolarisée le 1er septembre dans une école du quartier de Rangueil à Toulouse.

Le dispositif mis en place à Ramonville il y a plusieurs années, qui propose des cours en langue des signes en maternelle et primaire, attire en effet depuis de nombreuses années des élèves de toute la région mais aussi d’autres académies. C’est ce qui avait poussé en février dernier cette mère de famille à amener sa fille dans cette commune de la banlieue toulousaine pour faire un test.

« On m’avait alors indiqué qu’Elisa pouvait être acceptée. Pour mettre toutes les chances de réussite de son côté, j’ai pris la décision de m’installer ici, j’ai démissionné et trouvé un travail. Entre-temps on m’a indiqué qu’elle avait été mise sur liste d’attente car le quota d’enfants accueillis était dépassé. Elle va devoir aller à Toulouse, alors que sa petite sœur entendante sera scolarisée à Ramonville », déplore cette maman qui a reçu le soutien par l’Association de parents d’enfants sourds de la Haute-Garonne (APES).

Six élèves concernés et inscrits à Toulouse

Car Clémence Couture n’est pas la seule dans cette situation. Au total, six enfants vont devoir intégrer l’école de Rangueil. « Jusqu’à présent il n’y avait pas de limite d’accueil d’enfants sourds à Ramonville. Ce sont les seules classes bilingues de l’académie et il y a là un véritable écosystème. Il y a besoin de constituer un groupe classe, les enfants ont besoin d’être ensemble, dans un établissement adapté. A Rangueil, est-ce qu’il y a des signaux lumineux lorsque l’alarme se déclenche ? Est-ce que les animateurs sont signants ? On ne serait pas contre un dispositif partagé entre deux communes, mais cela se prépare », insiste Etienne Barthélemy, le secrétaire de l’Apes, qui s’est mobilisé depuis plusieurs semaines pour intervenir auprès de la mairie et du rectorat.

Une situation compliquée qui n’est pas nouvelle pour les autorités éducatives. « A Ramonville, il y a une capacité pour accueillir dans de bonnes conditions les élèves, ce qui est le cas depuis longtemps. Cette année, il y a une inflation des demandes pour la rentrée. Comme la capacité d’accueil est limitée, pour des raisons de sécurité, des raisons d’efficacité, il n’est pas possible de les scolariser à Ramonville. A nous, avec la mairie et d’autres partenaires, de travailler sur l’amélioration d’accueil de ces élèves dans cette nouvelle école. L’objectif est de donner les mêmes conditions d’accueil », assure Mostafa Fourar, le recteur de l’académie de Toulouse. Ses équipes indiquent qu’à Rangueil ce sera un enseignant diplômé en Langue des signes qui assurera les cours, aidé de deux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) signants.

Limiter pour conserver l’inclusion pédagogique

Si l’académie de Toulouse, et les établissements scolaires de Ramonville en particulier, est devenue une référence, c’est parce qu’ailleurs les structures font défaut. « Cela fait des années que l’on plaide pour l’ouverture d’un Pôle d’enseignement des jeunes sourds sur une autre commune », rappelle de son côté le maire de Ramonville, Christophe Lubac.

Initialement, la convention signée par sa commune avec l’Eduction nationale fixait une jauge d’accueil d’enfants sourds à 36 élèves. « On était d’accord pour l’augmenter et la limiter à 56 pour avoir un bon niveau pédagogique et d’accueil, on est aujourd’hui à 62. Le principe est celui de l’inclusion, or, au fur et à mesure du temps, avec la hausse des effectifs, la question de l’inclusion pédagogique avec les autres enfants se pose. Si un tiers des effectifs d’une école est porteur d’un handicap, il y a un regroupement qui se fait et il n’y a plus d’inclusion », insiste l’édile qui veut conserver son Pôle, mais aimerait que d’autres puissent se doter d’un dispositif similaire, avec des moyens similaires. D’autant que 66 % des élèves du PEJS de Ramonville n’habitent pas la commune.

« Ce n’est pas normal qu’une famille lilloise déménage pour donner une éducation à ses enfants. Certains avancent aujourd’hui l’argument de la carte scolaire pour justifier l’inscription de ces enfants. Si je l’inverse, je ne scolariserai que 20 enfants sourds à Ramonville. On ne l’a jamais regardé comme ça. Demain, si un PEJS voit le jour à Toulouse, les parents seront contents de scolariser leurs enfants sur leur commune. Gardons ce qui marche et essayons de développer ailleurs », plaide encore Christophe Lubac.

Les parents eux espèrent encore, mais sans illusions, que leurs enfants pourront être pris cette année à Ramonville. En attendant, ils se mobiliseront ce jeudi matin devant l’école Jean-Jaurès aux côtés de la communauté sourde « pour que ces dispositifs fragiles perdurent et se développent dans l’Education nationale », conclut Etienne Barthélemy.

Source: 20minutes.fr
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