Publicité et coronavirus : la crise sanitaire force-t-elle un tournant ?

Vous trouvez peut-être l’impression que les publicités inondent votre vie. Mais depuis le début de la crise, beaucoup d’annonceurs semblent avoir quelque peu disparu. Ce secteur est fortement impacté. Mais il n’y a pas que des questions financières, les marques ont peur de ne pas délivrer un message adapté. Il semblerait pourtant que les citoyens soient en attente de communication.

Le boulot manque

La pub, c’est aussi des acteurs et des voix pour les incarner. Thomas Prudhomme rêve de cinéma. Mais, pour le moment, ce jeune acteur vit en grande partie de la publicité. Il est ce que l’on appelle une « voix off ». Vous avez d’ailleurs certainement et sans le savoir déjà entendu sa voix. Il s’est installé un studio à domicile.

« En faisant des voix, on a la chance de pouvoir travailler à la maison. A la base, ce système, c’est pour envoyer des maquettes et tester des choses avec les agences. Mais ici, pour travailler, on est coupé du coach, de l’ingénieur du son et du client. On a toute une équipe autour de nous normalement. Donc on perd un temps fou, nous confie-t-il. En studio, on fait des sessions d’une heure et demie là où, aujourd’hui, cela peut prendre la journée.« 

Il vient de poser sa voix sur un projet, bénévolement. « Mon frère qui est réalisateur a mis en place un projet autour de la confection de masques. Il est allé sur le terrain. Un projet 100% bénévole. Il s’est autoproduit et m’a demandé de faire des voix sur ce projet.« 

Il faut dire que les demandes dans le secteur de la publicité ont pratiquement disparu. « Tout est complètement gelé ou postposé au niveau des voix off depuis plus de deux mois. Mais les agences de pub se réveillent et recommencent à travailler de leur côté.« 

Tournage en confinement

En passant les portes de chez Air Brussels, l’une des principales agences de publicité bruxelloise, le travail reprend effectivement doucement. Stephane Buisseret suit, à distance, le tournage d’un spot de publicité tourné dans des conditions inédites. « Le business s’est fortement ralenti. 90% des annonceurs déclarent qu’ils ont arrêté ou reporté des projets ou des campagnes. La majorité des agences sont passées en chômage économique partiel ou complet.« 

Mais le boulot reprend petit à petit. « Les marques qui ont mis un petit temps à réagir au début de la crise commencent maintenant à préparer l’après« .

C’est le cas d’un de leur client qui a décidé de tourner un spot publicitaire en confinement pour le diffuser en déconfinement. Il a fallu s’adapter « Au début de la crise, s’est posé la question de savoir si on communique et comment on communique, explique Nathalie Erdmanis, la directrice de la stratégie marketing chez AG Insurance. On se positionne comme une marque qui suggère aux gens de vivre leur vie pleinement. Mais un message de ce type n’avait plus lieu d’être en pleine crise de covid. Dans une crise comme celle-là, ce qui est important c’est d’abord d’agir et puis de communiquer, si on a un message important à communiquer. » Il a donc fallu dépasser la campagne purement commerciale.

Une marque ne peut plus être que commerciale

« En temps de crise, c’est le moment d’investir, déclare Stephane Buisseret. « Mais les marques ont pris peur. Elles ne savent pas quoi dire, comment le dire et quand le dire. Et on le comprend, ce n’est pas le moment de faire des grosses promotions commerciales.« 

Les marques se trouvent aujourd’hui à un tournant important. « Une marque ne peut plus être que commerciale, elle a aussi un rôle sociétal. Cette combinaison est très importante. C’est la recherche de sens, de pourquoi on communique. Les marques doivent trouver leur positionnement là-dedans et se rendre utiles. Avant le commercial était plus fort. Mais ce que l’on voit aujourd’hui, c’est qu’il faut une balance entre les deux.« 

Pourtant le besoin est là. Stéphane Buisseret explique que 70% des gens s’attendent à ce que les marques communiquent aujourd’hui. Mais, selon lui, avec cette crise, on ne peut pas raconter des histoires et les marques qui le font se feront rattraper après. Les agences et les marques devront se montrer créatives. « Cela va changer parce que l’on va en avoir besoin de manière beaucoup plus profonde, dans une recherche de sens.« 

La publicité traditionnelle délaissée en temps de crise

« La crise du covid a accéléré une tendance que l’on observait déjà. » C’est ce qu’observe Nicolas Finet, l’un des cofondateurs de Sortlist, une société qui met en relation les entreprises et agences de communication. « Aujourd’hui, l’objectif du marketing est de se rapprocher de plus en plus du client. Et en temps de crise, il faut pouvoir s’adapter rapidement. Au départ, les entreprises ne savaient pas quoi faire. Il y a d’abord un effet de choc. Puis une accélération des demandes mais de manière tout à fait différente. Il y a eu un électrochoc. Les entreprises se sont rendu compte qu’il fallait se rapprocher du client, le respecter.« 

Et puis, elles semblent se détourner de la publicité traditionnelle. Un paradoxe quand on sait que les médias traditionnels voient toutes leurs audiences remonter. Au niveau des demandes, « on avait beaucoup moins de publicité traditionnelle, beaucoup moins d’événements, de ce qui demandait un tournage vidéo. Mais on était plus dans la stratégie digitale, l’e-commerce, les investissements qui touchaient la publicité en ligne.« 

Un paysage qui a donc changé le temps de la crise. Reste à voir si cela restera au fil du temps…

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Source: rtbf.be
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