« Mediapart » finalement autorisé à publier une enquête sur Gaël Perdriau, le maire de Saint-Etienne

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Mediapart peut finalement publier sa nouvelle enquête sur le maire de Saint-Etienne. « La justice rétracte l’ordonnance qui nous interdisait de publier notre enquête sur les méthodes politiques de Gaël Perdriau », a tweeté le média, qui a diffusé dans la foulée l’article « après douze jours de censure ». La juge a tranché mercredi 30 novembre, annulant ainsi l’ordonnance qu’elle avait elle-même prononcée le vendredi 18 novembre et qui avait été dénoncée comme une « censure » inédite par le site, soutenu par de nombreux journalistes et défenseurs de la liberté d’expression.

Cette décision lui interdisait de publier de nouvelles informations tirées d’un enregistrement audio de l’élu stéphanois (ex-Les Républicains, LR), après une série de révélations sur une affaire de chantage à la vidéo intime, « sous astreinte de 10 000 euros par extrait publié ». L’ordonnance avait été rendue en urgence par le tribunal de Paris, à la demande de M. Perdriau, qui invoquait une atteinte à la vie privée, sans que Mediapart n’ait pu se défendre.

Vendredi, le directeur du média d’investigation, Edwy Plenel, était venu demander au tribunal judiciaire de Paris « de mettre fin au plus vite à une attaque sans précédent contre la liberté de la presse ». Mais l’affaire avait été mise en délibéré, à la grande déception de Mediapart, soutenu à l’audience par Reporters sans frontières, la Fédération internationale des journalistes, des syndicats de la profession, la Ligue des droits de l’homme et les associations de la presse judiciaire et des avocats praticiens du droit de la presse.

Selon l’article de Mediapart mis en ligne mercredi, « Gaël Perdriau accuse à tort le président de la région Laurent Wauquiez, membre du même parti que lui mais qu’il voue aux gémonies, de la pire des choses : être un pédocriminel ». L’enquête se fonde sur un enregistrement audio fait dans le bureau du maire en novembre 2017, en présence de son directeur de cabinet et de son ex-premier adjoint, Gilles Artigues. Laurent Wauquiez a aussitôt annoncé porter plainte pour diffamation contre M. Perdriau.

Vendredi, devant le tribunal, Edwy Plenel avait fait valoir un « intérêt public majeur », relatant comment un maire utilise « le poison de la calomnie » comme « arme politique pour discréditer » un opposant, Laurent Wauquiez. Il s’agissait de « tuer dans l’œuf » une « rumeur calomnieuse gravissime » et « sans aucun fondement de l’aveu même de son propagateur », avait ajouté le journaliste. Surtout, « il n’appartient pas au tribunal de contrôler préalablement une information qui n’a pas été publiée », avait insisté l’avocat de Mediapart, Emmanuel Tordjman.

« Catastrophe judiciaire », « hérésie »… les avocats des différents soutiens de Mediapart avaient fustigé tour à tour une décision « inédite » qui « pulvérise le droit de la presse » en vigueur depuis 1881, estimant que la juge avait été « trompée ». « Il est profondément injuste de dire que notre objectif était de porter atteinte à la liberté d’expression », avait pour sa part défendu Christophe Ingrain, l’avocat de Gaël Perdriau, absent à l’audience, invoquant le droit à la vie privée.

C’est pourtant la liberté de la presse qui est en jeu, selon un texte de soutien à Mediapart signé par une trentaine de sociétés de journalistes, dont celles du Monde, de l’AFP, de Libération ou encore de BFM-TV. Elles s’inquiètent plus largement de la multiplication des « procédures bâillons » en France et des récentes poursuites engagées par le groupe Altice (SFR, BFM-TV) contre le site d’information Reflets, vues comme « un détournement » du droit de la presse. Hasard de calendrier, l’audience d’appel sur cette dernière affaire était prévue mercredi à Versailles à 15 heures, heure à laquelle Mediapart a été fixé sur le sort de son enquête.

Attaqué devant le tribunal de commerce pour avoir publié des articles qui s’appuyaient sur des documents volés par des pirates informatiques, le site Reflets s’est vu interdire d’en faire paraître de nouveaux. Cette « censure préalable » pose « problème pour tous les journalistes d’investigation, la plupart des documents qu’ils utilisent n’ayant pas été publiés ou communiqués par leurs propriétaires initiaux puisque cela leur pose un souci d’image », explique à l’Agence France-Presse (AFP) Antoine Champagne, le rédacteur en chef de Reflets. Sollicité par l’AFP, Altice, qui partage le même avocat que Gaël Perdriau, n’a pas souhaité faire de commentaire.

En réaction à la procédure visant Mediapart, la sénatrice centriste Nathalie Goulet a déposé la semaine dernière une proposition de loi garantissant qu’une publication ne puisse « être interdite qu’en application d’une décision judiciaire rendue contradictoirement ». Mais « cela ne répond pas du tout à la question », déplore auprès de l’AFP Dominique Pradalié, la présidente de la Fédération internationale des journalistes, qui préférerait « des dispositions permettant de sanctionner beaucoup plus gravement les abus contre la liberté de la presse, attaquée de toutes parts ».

Source: lemonde.fr

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