Isabelle Huppert : « Un film est toujours un peu un documentaire sur un acteur ou une actrice »

Autres articles
1 De 950

Mais qui était donc ce cinéaste peu connu, tout sourire, qui accompagnait Isabelle Huppert pendant le Festival du film francophone d’Angoulême, qui s’est terminé dimanche 28 août ? Il s’agit de Laurent Larivière, scénariste et réalisateur né en 1972, versé dans la performance littéraire (notamment avec Olivia Rosenthal), dont le deuxième long-métrage, A propos de Joan, sortira en salle mercredi 14 septembre. Une histoire simple, et pourtant subtilement détraquée : Isabelle Huppert y incarne une femme revisitant des moments de sa vie, la rencontre avec le père de son enfant, leur subite séparation, sa vie de jeune mère célibataire, son fils surgissant et disparaissant au gré des scènes, comme si la mémoire effaçait ou recousait.

Enigmatique, le récit nous aimante avec son implosion d’instants chavirés, et ses personnages errant autour de Joan : Swann Arlaud, mais aussi Dimitri Doré, révélé dans Bruno Reidal, confession d’un meurtrier, de Vincent Le Port, interprètent le fils à différents âges ; Lars Eidinger incarne un écrivain fantasque, amoureux de Joan ; quant à Huppert, elle joue de larges pans de la vie de l’héroïne, sauf la jeune fille âgée de la vingtaine (incarnée par Freya Mavor), avide d’aventures et craquant pour un beau gosse déluré.

Le mystère Huppert reste intact, soit cette élasticité de l’actrice, née en 1953, traversant les époques comme on se perd en forêt – pour mieux se retrouver ? Tantôt beauté numérisée sans âge – Madame Hyde (2018), de Serge Bozon – tantôt livrée au scalpel de la caméra – Abus de faiblesse (2014), de Catherine Breillat – la comédienne semble sortir toujours plus forte de ses rôles. Avant de partir pour Venise, où est présenté le film de Jean-Paul Salomé, La Syndicaliste, dans lequel elle interprète une déléguée CFDT, Huppert nous le confirme : jouer au cinéma, ou au théâtre, provoque une montée de sève.

J’ai joué dans beaucoup de premiers ou de seconds films, et pas des moindres, avec Joachim Lafosse [Nue propriété, 2007], Alexandra Leclère [Les Sœurs fâchées, 2004] ou encore Ursula Meier [Home, 2008], pour n’en citer que trois. Tous ont révélé leurs talents et leurs capacités, donc je ne m’étais pas trompée ! Avec Laurent Larivière, il y a eu l’intuition d’une rencontre et le plaisir de la lecture du scénario, très romanesque, avec quelque chose de littéraire.

Au début, il n’était pas prévu que je joue autant de périodes de la vie de Joan, mais j’ai proposé à Laurent d’en faire un peu plus. Ce qui m’amusait, c’était tous ces changements d’état, et la liberté que cela autorisait. Je joue toutes ces identités, avec une étrangeté qui est presque de l’ordre du fantastique. C’est un film sur la mémoire, mais il y a la mémoire réelle de ce qui s’est passé et la mémoire complètement imaginaire, comme une sorte de forteresse que Joan se bâtit pour résister. Cela permet d’offrir plein de visages, et comme je n’aime pas tellement la notion de personnage dans un film…

Source: lemonde.fr

laissez un commentaire