« Histoires d’A.  », film de lutte pour l’avortement

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Une pièce rare et importante du cinéma militant des années 1970 vient de refaire surface à la faveur d’une édition DVD ô combien judicieuse chez L’Eclaireur : Histoires d’A. (1973), de Charles Belmont et Marielle Issartel, qui sous son titre allusif (détourné du fameux roman érotique Histoire d’O, de Pauline Réage) abordait la question brûlante de l’avortement (le « A. » du titre), encore sous le coup de la loi de juillet 1920, et dont la diffusion déclencha un véritable feuilleton policier. Peu de temps après sa sortie, ce documentaire fut interdit de toute diffusion. Et pour cause, puisque y figure une scène décrivant dans le détail l’acte médical alors prohibé, un avortement par aspiration (méthode Karman), à d’évidentes fins de pédagogie.

Histoires d’A. s’ouvre d’emblée sur la scène en question, seize minutes d’une puissance documentaire inouïe. Dans une clinique insituable, une jeune femme accompagnée par son mari écoute attentivement le médecin qui s’apprête à opérer sur elle un avortement. Celui-ci, hors de toute position de surplomb, lui explique les gestes à appliquer, lui présente un à un les instruments nécessaires (canule, racloir), les lui donne à manipuler, afin d’évacuer peur et stupeur.

Puis vient l’opération en elle-même, montrée sans détour, dans tout ce qu’elle implique : la seringue se remplissant du contenu de l’utérus, mais aussi les visages des patients, les deux membres du couple (elle et lui, tous deux concernés), sur lesquels filent une multitude d’émotions. Rien ici ne vise à choquer : il s’agit de montrer et de dire, et donc de démystifier. Par la simple description d’une pratique, le film évacue les postures morales ou métaphysiques qui embrouillent la question de l’avortement.

A l’origine, Histoires d’A. émane de milieux militants, plus précisément du Groupe d’information santé (GIS), collectif inspiré notamment par les écrits de Michel Foucault. Financé à hauteur de 10 000 francs par le Planning familial, le film est tourné en douze jours entre les mois d’avril et mai 1973. Prévu initialement comme un court-métrage, le sujet s’étend plus largement à la condition des femmes et donne lieu à un format long exploitable en salles. Un visa lui est attribué le 30 octobre avec interdiction aux moins de 18 ans, mais il est renvoyé dans la foulée devant la commission de contrôle, qui renouvelle sa permission. Le 22 novembre, l’interdiction tombe, ordonnée par le ministre des affaires culturelles, Maurice Druon.

Source: lemonde.fr

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