Harcèlement scolaire : Le Sénat ne veut pas le reconnaitre comme un nouveau délit

Campagne de communication contre le harcèlement scolaire à l'école.
Campagne de communication contre le harcèlement scolaire à l’école. — GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

La proposition de loi de la majorité présidentielle (LREM, Modem et Agir)
pour « combattre le harcèlement scolaire » coince au Sénat. Majoritairement à droite, les élus se sont opposés jeudi à la création d’un nouveau délit de harcèlement scolaire, voulu par les députés de l’Assemblée et le gouvernement. Le problème n’a cependant pas été sous-estimé par les sénateurs.

« Moqueries, insultes, humiliations, racket, bousculades, isolement, exclusion » : dans un hémicycle dégarni, Elisabeth Moreno, ministre chargée de l’Egalité des chances, a dressé le tableau de ce « véritable fléau du quotidien ». Fléau « qui touche chaque année entre 800.000 et un million d’élèves » et qui « peut aller jusqu’à tuer », a complété le rapporteur Olivier Paccaud (LR). Il a rappelé que l’année dernière, une vingtaine d’enfants et adolescents « est décédée en France en raison du harcèlement scolaire » (au moins 18 suicides et un meurtre).

Priorité au cyberharcèlement

Les sénateurs ont largement réécrit la proposition de loi, de manière souvent transpartisane, mais contre l’avis du gouvernement. Ils ont veillé à la prise en compte « systématique » du cyberharcèlement, « trop absent » du texte, selon Annick Billon, mais qui « ne laisse aucun répit aux victimes ». Le cyberharcèlement « est aujourd’hui un amplificateur des violences », a affirmé la sénatrice centriste, elle-même victime il y a quelques mois de messages de haine sur les réseaux sociaux. « De fait le harcèlement ne s’arrête plus jamais et s’engouffre partout, jusque très tard dans la chambre de ces enfants », a décrit Céline Brulin (CRCE à majorité communiste).

Les sénateurs ont par ailleurs détricoté la mesure phare du texte, la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire, jusqu’ici punissable sous d’autres chefs dont le harcèlement moral. Au lieu d’un délit spécifique, ils ont prévu que le harcèlement scolaire constitue « une nouvelle circonstance aggravante » du harcèlement moral. Une fois n’est pas coutume, la proposition de la rapporteure LR Jacqueline Eustache-Brinio a reçu l’aval de l’extrémité gauche de l’hémicycle.

Facilité à changer d’établissement

Les sénateurs ont aussi recentré le texte sur le harcèlement entre élèves, considérant que les cas « rares » impliquant le personnel sont déjà « punis pénalement et administrativement ». C’est un point qui a divisé l’hémicycle. Pour Max Brisson (LR), une mesure qui conduirait à « une suspicion des agents de l’Etat » serait « un mauvais message à un moment où la défiance est grande entre le ministère et les professeurs de ce pays ».

Supprimée en commission, l’obligation faite aux plateformes numériques de modération des contenus a été rétablie en séance. « Ce sujet-là doit être pris en charge par l’Europe (…) la France toute seule ne pourra pas régler » ces questions, a plaidé sans succès Jacqueline Eustache-Brinio. Pour la secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse, Sarah El Haïry, même si l’argumentation de la rapporteure est recevable, « il faut montrer cette envie de ne se priver d’aucun moyen pour lutter contre le harcèlement et le cyberharcèlement ».

Le Sénat a encore approuvé des amendements de Max Brisson et Angèle Préville (PS) visant à permettre aux parents d’un enfant harcelé de le changer d’établissement en s’affranchissant des limites imposées par la carte scolaire. Ils pourraient aussi avoir recours au service public gratuit d’enseignement à distance. La droite a ajouté un accès facilité à l’instruction en famille.

Source: 20minutes.fr
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