Guerre en Ukraine : « Les ados qui se cherchent vont trouver un certain sens dans l’enrôlement »

Un jeune garçon ukrainien, l'air songeur.
Un jeune garçon ukrainien, l’air songeur. — SOPA Images/SIPA
  • Des images de jeunes gens préparant des cocktails molotov pour résister aux armées de Vladimir Poutine se multiplient une semaine après le début de la guerre en Ukraine.
  • A la croisée des chemins entre l’enfance et l’âge adulte, la peur de la guerre et l’envie de paix, comment certains jeunes décident-ils de résister ?
  • 20 Minutes a posé quatre questions à Manon Pignot, historienne et spécialiste de l’expérience enfantine de la guerre et de la Première Guerre mondiale plus largement.

Des images de jeunes gens préparant des coktails molotov pour résister aux armées de Vladimir Poutine se multiplient sur la Toile depuis quelques jours et une semaine après le début de « opérations militaires » russes en Ukraine​. Si le monde entier a été traumatisé pas certaines images d’enfants soldats, l’air hagard et l’arme au poing, l’histoire contemporaine, et plus récemment le conflit à l’Est, a révélé un autre phénomène, celui des ado-combattants. A la croisée des chemins entre l’enfance et l’âge adulte, la peur de la guerre et l’envie de paix, comment certains jeunes décident-ils de résister ? 20 Minutes a interrogé Manon Pignot, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’université de Picardie et historienne spécialisée dans l’expérience enfantine de la guerre.

Quelle est cette notion « engagement juvénile » que l’on retrouve au cœur de votre ouvrage, « L’appel de la guerre : Des adolescents au combat, 1914-1918 » ?

L’idée était de sortir de la notion d’enfant soldat et de complexifier l’expression pour en définir une typologie plus variée. Selon l’Unicef il y a entre 250.000 et 300.000 enfants soldats dans le monde aujourd’hui. Et en effet, la majorité d’entre eux sont raptés, soumis au combat forcé et à la condition d’esclaves. Mais il existe aussi des adolescents, qui dans certaines circonstances, choisissent de rejoindre des forces armées. Les raisons ? Elles sont idéologiques et pragmatiques : je me bats pour une cause qui m’est chère et/ou je me bats pour ne pas mourir, tout simplement.

Des Ukrainiens fabriquent des cocktails Molotov, Uzhhorod, région de Transcarpatie, ouest de l'Ukraine.
Des Ukrainiens fabriquent des cocktails Molotov, Uzhhorod, région de Transcarpatie, ouest de l’Ukraine. – UKRINFORM AGENCY/SIPA

Un tel engagement est-il possible en Ukraine aujourd’hui ?

Pour l’instant nous n’avons pas de données chiffrées sur le nombre de jeunes enrôlés dans le conflit, c’est trop tôt. Mais si l’on observe l’actualité et surtout les réseaux sociaux, on remarque une véritable résistance civile côté ukrainien, faîtes aussi de jeunes gens. Dans un contexte de guérilla, comme celui que connaît l’Ukraine ces derniers jours, le sentiment de danger de mort est partout. Et les prises de paroles du président du Kremlin, n’arrangent rien. Vladimir Poutine utilise un véritable vocabulaire stalinien, qui laisse présager une issue fatale pour le pays. La peur émanant de ces menaces peut donc être très motrice pour ces jeunes générations et pousser beaucoup d’entre elles à s’inscrire personnellement dans la résistance.

Ce « désir d’aventure » dont vous faites effet dans votre ouvrage est-il aussi la raison de cet enrôlement ?

En temps de guerre, on se retrouve dans une temporalité très spécifique qui nous donne le sentiment de vivre un moment extraordinaire. La guerre bouscule les normes sociales et créer avec elle le chaos. Mais avec ce chaos naît aussi un effet d’opportunité, d’aubaine. Ainsi ces ados qui souvent se cherchent dans leur quotidien, vont trouver un certain sens dans l’enrôlement. Faire la guerre, c’est la possibilité de vivre une aventure, de faire partie de l’histoire en quelque sorte.

Mais quelles sont les conséquences de cet engagement sur le développement de ces adolescents ?

Des psychogériatres allemands ont montré après la Seconde Guerre mondiale que les jeunes qui s’étaient engagés souffraient, étonnamment moins, de troubles post-traumatiques que ceux qui ne s’étaient pas engagés. Dans le cas où le jeune ne perd pas la vie ou ne garde pas de séquelles physiques, paradoxalement, avoir participé au conflit peut-être bénéfique ou tout du moins, moins traumatique. Parfois le poids de l’engagement et de l’appartenance à une cause est moins lourd à porter que celui du traumatisme que peut engendrer la guerre.

Source: 20minutes.fr
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