Guerre en Ukraine : le Liban multiplie les contacts pour échapper à une crise du blé

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Fouad est désemparé dans sa petite boulangerie de mana’iche, populaires galettes de blé cuites agrémentées le plus souvent de thym ou de fromage. Il a vu sa clientèle se clairsemer dans le quartier beyrouthin de Ras El-Nabaa, sous le coup de la grave crise économique et financière qui sévit depuis 2019. Celle-ci se traduit par l’effondrement du pouvoir d’achat, sur fond d’inflation galopante. Il craint désormais que son activité ralentisse davantage avec la guerre en Ukraine, qui « aggrave la situation. » En effet, la quasi-totalité du blé tendre consommé au Liban provenait d’Ukraine (80 %) et de Russie (16 %).

Depuis le début du conflit, « la quantité de farine de blé que l’on peut acquérir est limitée, car la priorité va aux boulangeries qui fabriquent le pain [plat] arabe [un quota leur a été réservé, d’environ 60 % à 70 % du blé importé]. Le reste, il faut se le procurer au marché noir – des individus qui revendent plus cher », assure Fouad.

Les déclarations du gouvernement se veulent rassurantes, mais elles n’enrayent pas la panique. De fait, les étals de farine sont vides dans les supermarchés. Certains importateurs de blé adoptent, à l’inverse, un ton catastrophiste. Enfin, les évaluations des réserves actuelles – qui ne tiennent pas compte des probables stocks parallèles – sont fluctuantes.

« Le Liban a un mois et demi de réserves de blé tendre », souligne Georges Berberi, à la tête de la direction générale des céréales et de la betterave sucrière, rattachée au ministère de l’économie et du commerce. Si tout le Proche-Orient est menacé par la rupture des filières d’Ukraine et de Russie, le Liban a ses propres défis, dont le stockage, car les silos de Beyrouth ont été détruits lors des explosions survenues au port, en août 2020. Et la fonte des réserves en devises de la banque centrale, qui subventionne les importations de blé à un taux préférentiel (un dollar pour 1 500 livres libanaises, quand celui-ci dépasse 24 000 livres libanaises sur le marché noir).

La course est engagée pour couvrir les besoins en blé tendre (environ 650 000 tonnes par an). L’une des priorités est de trouver des alternatives d’approvisionnement. « On a lancé des contacts avec la Roumanie, la Moldavie [qui exporte déjà vers le pays du Cèdre], le Kazakhstan, les Etats-Unis, l’Inde », détaille M. Berberi. Il faut aussi « identifier de nouveaux lieux de stockage au Liban, voire un pays où le blé acheté pourrait être temporairement déposé », explique-t-il. Cela permettrait de diminuer l’impact d’une envolée ultérieure des prix de la céréale.

Source: lemonde.fr

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