Deux cents ans après Champollion, des écritures anciennes cachent toujours leurs mystères

Le buste de l'érudit et philologue français Jean-François Champollion, connu pour avoir déchiffré l'écriture hiéroglyphique grâce à la fameuse pierre de Rosette, exposé à l'entrée du musée égyptien du Caire.
Le buste de l’érudit et philologue français Jean-François Champollion, connu pour avoir déchiffré l’écriture hiéroglyphique grâce à la fameuse pierre de Rosette, exposé à l’entrée du musée égyptien du Caire. — AFP
  • Le déchiffrement d’écritures anciennes sont toujours d’actualité deux cents ans après la découverte de Champollion sur les hiéroglyphes.
  • Ces trouvailles restent néanmoins assez rares et de nombreuses écritures n’ont pas encore été décodées.
  • François Desset, le « Champollion moderne », raconte à 20 Minutes comment il a lui-même réussi l’exploit en 2020.

Même au XXIe siècle, on continue des découvertes. Deux cents ans après le déchiffrement des hiéroglyphes de l’Egypte ancienne par Champollion en 1822, de nombreux mystères entourent les écritures anciennes indéchiffrées. Pour décrypter ces signes, qu’il faut bien distinguer d’un langage, « il n’y a pas une méthode commune, pas de règle », explique à 20 Minutes François Desset, chercheur rattaché à l’Université de Téhéran et au laboratoire CNRS Archéorient (Lyon). Surnommé le « Champollion moderne » par certains, François Desset, lui-même à l’origine d’un déchiffrement, énumère les différentes écritures qui sont connues mais dont le code n’a pas révélé ses secrets.

Parmi elles, le linéaire A (utilisé en Crète dans le IIe millénaire avant Jésus-Christ), l’écriture de l’Indus (utilisée au Pakistan et en Inde au IIIe millénaire avant J-C), le Proto-élamite qui vient d’Iran vers 3000 avant J-C ou encore le Rongorongo des Iles de Pâques découverte à la fin du XVIIIe siècle. Et pour les traduire, pas de pierre de Rosette comme celle qui a aidé le philologue français Jean-François Champollion. Mais en s’appuyant sur ce que l’on sait déjà.

Comment s’y est pris Champollion ?

C’est d’ailleurs surtout grâce à cette méthode que le Français étudié dans les livres d’histoire a pu faire cette découverte de taille. « Il avait la chance que les hiéroglyphes notaient à une langue, l’égyptien ancien, qui était encore parlée sous une version plus récente : le copte », développe François Desset. Et justement, Champollion était un champion du copte, il le maîtrisait ce qui lui a facilité la tâche pour déchiffrer l’écriture qui notait une version récente de cette langue.

Par ailleurs, il a été aidé par la connaissance, à l’époque, de plusieurs noms de rois égyptiens, comme Cléopâtre, Ptolémée ou même Ramsès. « Les Egyptiens les avaient notés dans des cartouches, des sortes de bulles, qui permettaient de les identifier parmi les autres signes », ajoute le chercheur. La pierre de Rosette est venue compléter ces deux éléments déjà déterminants dans le déchiffrement des hiéroglyphes.

Comment déchiffre-t-on des écritures ?

C’est un peu la même méthode qui est appliquée aujourd’hui. On cherche quels signes peuvent se rattacher à ce que l’on connaît déjà de la civilisation étudiée à travers l’écriture. François Desset a lui-même déchiffré une écriture, celle appelée l’élamite linéaire, une écriture utilisée dans la moitié sud de l’Iran actuel entre 2300 et 1900 avant J-C. Un fait rare et plutôt exceptionnel. Cela faisait depuis les années 1950 qu’une écriture ancienne n’avait pas été ainsi déchiffrée.

D’autant que découvrir une nouvelle écriture est aussi inhabituel. La dernière en date, décrite par le chercheur comme « géométrique », remonte à 2006, là encore en Iran. Mais il n’existe que trois ou quatre textes et François Desset n’a pas pu avancer le déchiffrement de cette dernière.

En revanche, pour l’élamite linéaire, il s’est appuyé sur des textes commencés à être découverts à partir de 1903. « Quand j’ai repris le dossier en 2006, il n’y avait que six ou sept lectures correctes de l’écriture », se souvient-il, et c’est la publication d’un nouveau corpus de texte ainsi que la découverte de vases en argent dans une collection privée qui lui a permis de recoller les morceaux. Là encore, c’est grâce aux noms des rois qu’il a pu décoder 96 % des signes en novembre 2020.

Vase kunanki en argent avec une inscription en élamite linéaire du roi Pala-ishan, vers 1880 avant Jésus-Christ.
Vase kunanki en argent avec une inscription en élamite linéaire du roi Pala-ishan, vers 1880 avant Jésus-Christ. – Collection Mahboubian

Que nous apprennent-elles ?

Certains des textes déchiffrés par François Desset sont l’occasion pour les souverains de l’époque de demander au dieu Napiresha (signifiant « le grand dieu » en langue élamite), la fortune en l’échange de leur dévotion. Cela nous apprend alors quelle relation avaient les rois avec la religion, comme le fait de faire une offrande dans le but de recevoir de la part de la divinité. « C’est typique des religions archaïques », explique-t-il. Les nouveaux Champollion continuent encore aujourd’hui d’apporter leur pierre à l’édifice de l’histoire ancienne, et ses mystères.

Source: 20minutes.fr
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