Covid-19 : Comment expliquer la suprématie d’Omicron, toujours pas supplanté par un nouveau variant ?

Découvert il y a dix mois, le variant Omicron s'est rapidement imposé et n'a toujours pas été supplanté par un nouveau variant préoccupant.
Découvert il y a dix mois, le variant Omicron s’est rapidement imposé et n’a toujours pas été supplanté par un nouveau variant préoccupant. — M.LIBERT / 20 MINUTES
  • Mis au jour en novembre 2021, le variant Omicron est aujourd’hui dominant sur la planète.
  • Dix mois après sa découverte, aucun autre variant préoccupant du Covid-19 n’a émergé.
  • Comment expliqué cette « longévité » ? Peut-il muter à l’infini ?

Toujours pas de Pi, de Rhô ou de Sigma à l’horizon. Dans le calendrier de la pandémie de Covid-19, l’alphabet grec, choisi par l’OMS pour baptiser les nouveaux variants préoccupants, est resté bloqué à la lettre Omicron. Dix mois après avoir été mis au jour, ce variant, qui s’est imposé en quelques semaines sur le globe, est toujours dominant, notamment en France.

Comment expliquer sa suprématie ? Pourquoi n’a-t-il toujours pas été supplanté par une nouvelle souche du virus ? Doit-on parler du variant Omicron ou plutôt de la famille Omicron ?

La « famille Omicron »

Si l’on déroule le fil de la pandémie depuis 2020, « on a d’abord eu la souche originelle de Wuhan. Puis une douzaine de variants, Alpha, Beta ou encore Delta, se sont succédé, rappelle le Dr Benjamin Davido, infectiologue et médecin référent de crise Covid-19 à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches. Jusqu’à novembre 2021, quand Omicron a été découvert en Afrique du Sud. Et depuis dix mois, aucun nouveau variant préoccupant n’a été mis au jour. Une suprématie qui s’explique par les caractéristiques spécifiques d’Omicron : sa très haute transmissibilité et son échappement immunitaire ».

Pour autant, pour mieux comprendre sa force, « il convient plutôt de parler de la famille Omicron, précise le Dr Davido. Qui se divise en cinq branches : BA.1, BA.2, BA.3, BA.4 et BA.5, qui ont elles-mêmes engendré de nombreux sous-lignages ». Ainsi, après une déferlante de BA.1 causant une flambée exponentielle des contaminations dans l’Hexagone à l’automne dernier, BA.2 a rapidement pris l’ascendant sur l’autre branche, toutes deux douées pour contourner l’immunité.

« Et après une percée de BA.4, BA.5 s’est vite déployé cet été. Nombre de celles et ceux qui avaient échappé au virus ont été contaminés et dans le même temps, beaucoup de réinfections ont été rapportées », retrace le Dr Davido. Aujourd’hui encore, Omicron ne cède pas de terrain : il représente « 100 % » des tests positifs soumis à séquençage, selon la dernière enquête flash de Santé publique France.

« Se réinventer pour rester »

Si le règne de la famille Omicron dure, c’est parce que « les innovations génétiques observées dans Omicron ont été beaucoup plus profondes, comme s’il s’agissait d’un nouveau virus plutôt que d’une nouvelle souche », a déclaré au New York Times Darren Martin, virologue à l’Université du Cap, en Afrique du Sud.

Et dans l’arbre généalogique d’Omicron, le petit dernier qui fait parler de lui ces dernières semaines, c’est le sous-lignage BA.2.75.2, découvert il y a quelques semaines. Comme ses aïeux, il a su évoluer en reprenant les mutations « familiales » – haute transmissibilité et échappement immunitaire – tout en développant des caractéristiques lui permettant d’augmenter encore ses performances. En clair, « Omicron est un variant qui sait se réinventer pour rester, résume le Dr Davido. Selon les dernières études, ce dernier sous-lignage a une faculté encore plus importante à résister aux anticorps neutralisants : il échappe davantage à l’immunité conférée par les vaccins anti-Covid et par une infection ».

Ce que confirme une étude menée par une équipe de chercheurs de l’Institut Karolinska de Stockholm, récemment prépubliée. Lors des tests en laboratoire, les biologistes ont observé qu’il avait échappé à douze des treize anticorps utilisés contre lui, faisant de BA.2.75.2 le sous-lignage d’Omicron doté de la plus grande faculté d’échappement immunitaire, selon le Dr Murrell, l’un des coauteurs.

Une lutte ciblée contre Omicron

Pour autant, les autorités sanitaires se veulent rassurantes. « Les sous-lignages d’Omicron restent des variants Omicron et ne constituent pas des signaux préoccupants d’un point de vue de santé publique », estime Santé publique France dans son dernier rapport hebdomadaire. « On pourrait presque dire que le virus se stabilise, avec les mêmes mutations prépondérantes qui reviennent, indique le Dr Davido. On commence à mieux comprendre cette famille Omicron, dont la longévité offre un avantage précieux pour la vaccination : Alpha et Delta ont causé des épidémies très furtives, on n’a pas eu de vaccin contre ces variants parce que le temps a joué contre nous. Là, après dix mois d’Omicron, on va avoir des sérums spécifiques, des vaccins actualisés pour une lutte ciblée ».

Le 20 septembre, la Haute autorité de santé (HAS) a ainsi donné son feu vert à trois vaccins de dernière génération adaptés à Omicron : ceux de Moderna et de Pfizer-BioNTech ciblant la souche Wuhan du virus et le BA.1, et celui de Pfizer-BioNTech ciblant la souche Wuhan et BA.4 et BA.5.

« Paradoxalement, Omicron a à la fois laissé le temps de développer des vaccins et une stratégie de lutte ciblée contre lui, mais aussi obligé à effectuer cette mise à jour à cause de ses caractéristiques d’échappement immunitaire, résume le Dr Davido. Ce qui illustre bien le fait que l’on a affaire à un super variant ».

Une large domination, mais l’émergence d’un nouveau variant toujours possible

« Pour autant, l’émergence d’un tout nouveau variant est toujours possible », songe l’infectiologue. Mais à la veille du lancement le 3 octobre de la campagne de rappel intégrant les nouveaux vaccins ciblant Omicron, ce scénario d’« un nouveau variant hautement contagieux et avec un échappement immunitaire important est évidemment le plus redouté, a indiqué à 20 Minutes le Pr Bruno Lina, virologue et directeur du Centre national de référence de la grippe pour le sud de la France. A ce jour, aucun n’a été détecté de façon significative à l’échelle planétaire, mais il faut suivre cela de près ».

Car ce scénario pourrait se profiler dès cet hiver, redoute l’Agence européenne des médicaments (EMA). « Il pourrait y avoir un tout nouveau variant émergent que nous ne sommes pas en mesure de prédire aujourd’hui », prévenait début septembre le chef de la stratégie vaccinale de l’EMA, Marco Cavaleri.

Consciente de la force d’Omicron, la même EMA « n’exclut pas » qu’émergent cet hiver de nouveaux variants plus proches des sous-variants antérieurs d’Omicron, actuellement largement dépassés par les lignages BA.4 et 5. « Et Omicron peut encore évoluer et agrandir sa famille, estime le Dr Davido. Comparé à certains variants qui l’ont précédé, il a davantage circulé et causé plus de formes symptomatiques et de réinfections. Autant d’éléments qui augmentent les probabilités de mutations. On n’en a donc pas fini avec ce variant ».

Source: 20minutes.fr
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