Cinéma week-end. Alexandra Henochsberg, directrice d’AD Vitam : « Ne pas se marcher les uns sur les autres »

Alexandra Henoschsberg, directrice de la société AD Vitam.
Alexandra Henoschsberg, directrice de la société AD Vitam. (MATTEU MAESTRACCI / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)

La réouverture des cinémas en France est donc prévue à partir du mercredi 19 mai, avec port du masque obligatoire et par paliers. Le secteur s’organise pour cette échéance, et c’est évidemment le cas des distributeurs. Alexandra Henochsberg est directrice de la société Ad Vitam, qui emploie une douzaine salariés et a distribué 36 films indépendants depuis 2005.  

franceinfo : Vous attendez cette réouverture avec un mélange d’excitation et d’appréhension ?  

Alexandra Henochsberg : On a très, très envie et absolument besoin que les cinémas ouvrent à nouveau, donc on attend ça avec impatience, ça fait quand même des mois qu’on est empêchés de travailler, de faire notre métier, qu’on a des films qui s’accumulent sur nos étagères parce que les tournages ont continué. Je vois des films en ce moment qui sont en montage, en finition, alors que j’en ai d’autres qui sont là depuis un an et qui attendent de sortir, donc c’est vrai qu’on a absolument besoin que ça rouvre, pour plein de raisons d’un point de vue de distributrice mais aussi d’un point de vue personnel. Pour enfin sortir de chez nous et retrouver une activité culturelle et de cinéma. Mais aussi une appréhension parce qu’on sait très bien que ça va être très compliqué pour nous.

Il y a beaucoup de films qui sont en attente de sortie, qui devaient sortir mais n’ont pas pu, depuis le mois de novembre, et qui vont devoir trouver une issue là, dans les prochaines semaines. Donc oui, tout ça crée un climat très compliqué, qu’il va falloir qu’on affronte. Plus on va l’affronter de manière collective, entre nous, entre distributeurs, en essayant de se mettre un peu autour de la table, de travailler à un calendrier concerté, en travaillant harmonieusement avec les exploitants, en espérant aussi que ces derniers jouent le jeu et ne sortent pas les films les uns après les autres, en les enlevant au bout d’une semaine, mais leur laissent un temps de vie et de respiration. Il va falloir que tout le monde accepte les nouvelles règles du jeu de la réouverture.  

Vous allez d’abord ressortir les films qui sont restés peu de temps à l’affiche à l’automne, en fait fonctionner avec le même calendrier mais décalé ? 

Nous, il se trouve qu’on n’avait pas de film à l’affiche, on avait des fins d’exploitation, donc ces films qui étaient en « fin de vie », on ne va pas les ressortir. En revanche, on avait beaucoup de films qui étaient datés et qui étaient prêts à sortir, c’est-à-dire qu’on avait carrément démarré l’affichage, on avait organisé des tournées en province, des avant-premières, un travail de presse qui était très engagé, un travail associatif autour des films aussi. Donc on avait fait tout notre travail pendant des mois et des mois, qui se fait habituellement autour des sorties. Et des films qui ont été fauchés vraiment à l’instant de sortir en salle.

Je pense à Des Hommes de Lucas Belvaux qui va ressortir assez vite après la date de réouverture. On essaie de ne pas se marcher les uns sur les autres et d’étaler nos sorties. Ça va être difficile parce que dans les conditions de réouverture, le protocole qui est annoncé c’est qu’on ouvrirait d’abord avec une jauge à 35% pendant trois ou quatre semaines, donc il faut accepter quand même de sortir des films dans des conditions aussi dégradées, et ensuite de passer à une jauge de 65% pendant les quatre semaines suivantes.

En gros les deux premiers mois après l’ouverture vont être des périodes compliquées, dégradées, pour la distribution. Il faut que tout le monde accepte : les auteurs, producteurs, cinéastes, nous distributeurs, de sortir des films dans des conditions comme ça.  

Vous êtes confiante sur un retour des gens au cinéma ?  

Alors peut-être très naïvement, je suis incroyablement confiante. Et plus le temps passe, plus je me dis que les gens vont retourner au cinéma, que l’expérience collective, elle nous semble vitale, essentielle de plus en plus.

Je pense que la solitude, devant nos écrans, devant nos programmes Netflix ou autres – enfin je ne critique pas Netflix parce que je pense qu’il a bien rendu service pendant la pandémie – mais cette solitude-là, on est au bout, donc oui, je très confiante sur un retour, comme on sait en plus que les conditions sanitaires dans ce type de lieu son non seulement respectées, et on l’a prouvé, c’est pour ça qu’on est tous très en colère, on sait très bien que dans un cinéma, on garde son masque, on ne mange pas, on est séparés les uns des autres, on est pas en face à face, toutes ces conditions-là sont respectées depuis le début et on n’a pas compris pourquoi on est restés fermés aussi longtemps. Donc oui, je pense que les gens se sentiront en sécurité au cinéma et auront très, très envie de revivre des expériences collectives.

Source: francetvinfo.fr
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