Addictions : Des lycéens promeuvent leurs solutions pour sensibiliser sur les conduites à risque

Illustration d'un jeune en train de fumer une cigarette.
Illustration d’un jeune en train de fumer une cigarette. — Canva
  • Lors de la deuxième session de la « Jeune Académie de médecine », deux classes de lycéens des 15e et 18e arrondissements de Paris sont venues ce jeudi présenter leurs rapports.
  • Une classe de 1re a notamment expliqué comment mieux sensibiliser les jeunes sur les conduites à risque.
  • L’occasion d’échanger et d’informer les premiers concernés sur ces questions complexes.

« Votre rapport est adopté à 97 % des voix… Ce qui ferait pâlir d’envie beaucoup de candidats actuellement », salue Patrice Tran Ba Huy, président de l’Académie nationale de médecine devant un parterre de lycéens fiers et concentrés.

Ce jeudi, ce n’était pas les médecins aguerris de l’Académie qui partageaient leurs préconisations, mais des élèves de 1re du lycée Charles de Foucault, dans le 18e arrondissement de Paris. Ces derniers ont développé plusieurs pistes pour améliorer la prévention sur les conduites à risques des jeunes.

Jeudi 31 mars 2022, l'Académie de médecine recevait deux classes de première afin de débattre sur les conduites à risque des jeunes et le harcèlement.
Jeudi 31 mars 2022, l’Académie de médecine recevait deux classes de première afin de débattre sur les conduites à risque des jeunes et le harcèlement. – O. Gabriel / 20 Minutes

« 84 % des jeunes interrogés ne sont pas satisfaits des actions de prévention »

Au pupitre, Silina, Joshua et Yanï présentent le travail de toute leur classe sur des sujets sensibles à cet âge : l’usage de tabac, d’alcool, de cannabis et de drogues dures, mais aussi les rapports sexuels non protégés. La classe, épaulée par son enseignant, Raphaël Rodriguez, a établi un questionnaire auprès de 500 jeunes âgés de 15 à 23 ans, afin de donner quelques retours chiffrés. « Environ 47 % des 19 ans et plus fument, 50 % ont des relations sexuelles non protégées », liste Silina. Et son camarade Joshua de compléter : « Les jeunes sont acteurs de multiples conduites à risque, et les campagnes de préventions se sont révélées très demandées. Une chose est sûre : elles ne fonctionnent pas. En effet, 84 % des jeunes interrogés ne sont pas satisfaits des actions de prévention. »

D’où quatre pistes pour mieux toucher les jeunes : en priorité, faire des campagnes sur les réseaux sociaux, notamment en donnant la parole à des influenceurs. Ensuite, favoriser des actions au sein des écoles. Puis mettre en avant sur Internet les sites existants. Et en dernier lancer des campagnes à la télévision, preuve supplémentaire que les jeunes se détournent de ce média… « On vous prend direct en troisième année de médecine, votre exposé était très précis et riche d’enseignements », félicite Michel Lejoyeux, addictologue et académicien.

« Les réseaux sociaux, un outil majeur de communication »

S’ensuit une série de questions-réponses auxquelles s’adonnent les lycéens. Car la question reste entière : comment mieux sensibiliser des adolescents très différents ? « Une camarade m’a dit que sa perception des risques avait changé grâce à Solidays, ce qui montre que des actions divertissantes peuvent changer le regard », souffle Joshua.

« J’ai suivi pas mal d’actions de prévention au collège de la part d’adultes, complète Silina. Mais je pense qu’il y avait une trop grande distance, un élève de 5e va être peu touché par les dégâts du tabac sur un quinquagénaire. Je pense que demander à des lycéens, jeunes et cools, d’intervenir au collège, cela éviterait la hiérarchie, créerait un lien et marquerait davantage les esprits. Je pense aussi que les réseaux sociaux, c’est un outil majeur de communication, on devrait en profiter plutôt que les montrer du doigt. »

Les trois lycéens retrouvent leurs places sous les applaudissements des camarades et des médecins, bluffés par tant de maturité. « J’ai pas paniqué, j’ai pas pleuré ! », s’exclame Silina en retrouvant ses amies. « Vous signerez les autographes après », les reprend avec humour le président de la séance, avant d’inviter Jean-Pierre Goullé, professeur en toxicologie et pharmacien biologiste, à présenter son exposé sur « Alcool et drogue, ce qu’il faut savoir ». De quoi rappeler des statistiques élevées : en France, 6 élèves de terminale sur 10 ont déjà fumé du tabac, 4 sur 10 du cannabis, et la moitié s’adonnent à du binge drinking. Avec une petite note d’espoir : les chiffres baissent depuis quelques années pour ces trois drogues.

Des programmes efficaces et des formations indispensables

Place enfin à Nicolas Prisse, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). « Gardons en tête que les représentations et les intérêts économiques sont au cœur de ces questions d’addictions », rappelle-t-il. La Mildeca a mené des études pour voir quelles actions de prévention portent leurs fruits. « Ce qui semble fonctionner le mieux, et qui est en partie à l’origine de l’amélioration des chiffres, ce sont des  programmes qui s’implantent de la fin du primaire au collège pour développer les compétences psycho-sociales. Pour développer une meilleure image de soi, son esprit critique. On voit que huit mois après le programme, il y a une baisse de 50 % des usages de tabac et d’alcool. Les ministres de la Santé et de l’Education sont d’ailleurs en train d’élaborer une stratégie de déploiement de ces programmes de douze séances avec des enseignants formés. »

Une formation qui s’avère indispensable. « La prévention par les pairs fonctionne. Dans les universités les étudiants relais en santé, formés, obtiennent de bons résultats. Mais certaines actions par les pairs sont contre-productives. Donc attention à l’écueil qui conclurait que tout le monde peut faire de la prévention ! »

Ce n’est pas Tasnim, 17 ans, qui dira le contraire. « J’ai assisté à deux actions de prévention totalement opposées, confie-t-elle pendant la pause déjeuner. La première, en 5e, sur les conduites à risque sur Internet, avec un Powerpoint et aucune interactivité. J’ai appris beaucoup de choses… mais rien retenu ! La deuxième, en 4e, c’était l’inverse. Un homme parlait avec émotion des drogues. Comme il venait de mon quartier, je pouvais visualiser les bars. Mais cela manquait d’informations. J’ai d’ailleurs appris beaucoup de choses ce matin… Et je me rends compte qu’on a souvent une vision fermée des conduites à risque. Mes amis me ressemblent, les fumeurs restent entre eux… Maintenant, je connais les statistiques et je comprends mieux le problème. »

Source: 20minutes.fr
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