INTERVIEW. « Une action urgente est nécessaire pour améliorer la qualité de nos aliments »

Qu’importe le continent, nous mangeons toujours aussi mal aujourd’hui qu’il y a trente ans, selon les conclusions de l’étude la plus complète jamais réalisée sur ce sujet. Pourquoi mangeons-nous si mal alors que nous avons accès à des aliments sains ? Décryptage avec Sciences et Avenir.

Supermarché

Peu importe le pays du monde, on mange toujours aussi mal aujourd’hui qu’il y a trente ans.

Riccardo Milani / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

26% des maladies évitables dans le monde sont dues à une mauvaise alimentation. Même si l’accès à une nourriture saine est aujourd’hui bien plus facile qu’auparavant, nous ne mangeons pas mieux aujourd’hui qu’il y a trente ans selon la plus large étude jamais publiée à ce sujet dans Nature food. Les habitudes alimentaires de 185 pays ont été passées au crible entre 1990 et 2018. Et peu importe la région du monde, personne n’a drastiquement amélioré sa façon de manger. Pour comprendre à quel point notre façon de manger a stagné, les chercheurs de la Friedman school of nutrition science and policy de la Tuft university à Boston a imaginé un score par pays. L’échelle va de 0 pour un régime alimentaire très pauvre en nutriments, avec beaucoup de sucres et de viandes transformées, à 100 pour désigner un régime alimentaire avec assez de fruits, de légumes, de noix et de céréales complètes.

En moyenne, la plupart des pays ont un score autour de 40,3. Une amélioration minime de 1,5 point depuis 1990. En trente ans, les Etats-Unis, le Vietnam, la Chine et l’Iran font partie des pays où la possibilité de manger sain a nettement augmenté. En revanche, l’accès à des aliments équilibrés s’est détérioré en Tanzanie, au Nigeria mais aussi au Japon. Certains pays sortent leur épingle du jeu, avec des scores supérieurs à 50. Il s’agit du Vietnam, de l’Iran, de l’Indonésie et de l’Inde. Mais cela représente moins d’1% de la population mondiale. Les pays en bas du classement sont le Brésil, le Mexique, les Etats-Unis et l’Egypte. La France fait partie des pays avec un score entre 40 et 43, dans la moyenne des pays du monde. A l’échelle des continents, la région du monde avec le score le plus élevé est l’Asie du Sud, avec 45,7 sur 100, tandis que l’Amérique latine et les caraïbes ont un score de 30,3, le plus bas de tous.

Victoria Miller, chercheuse à la Friedman school of nutrition science and policy de la Tuft university et première auteure de l’article, décrypte cette étude pour Sciences et Avenir.

 

Sciences et Avenir : Pouvez-vous expliquer pourquoi cette étude est la plus complète jamais réalisée sur la nutrition dans le monde ?

Victoria Miller : Notre étude comprend plus de 1.100 enquêtes alimentaires réalisées à travers le monde, ce qui inclut en tout 7,46 milliards d’individus. Cela nous a fourni les estimations les plus récentes et les plus complètes sur la qualité de l’alimentation dans le monde, à l’échelle régionale et nationale chez les adultes. De plus, notre étude est la première à estimer la qualité de l’alimentation chez les enfants, et à intégrer des caractéristiques socioéconomiques, telles que le niveau d’éducation et l’urbanité.

Que mange-t-on en Asie du Sud, la région du monde où la nutrition est la meilleure ? Et pourquoi l’Amérique latine est-elle la dernière du classement ?

La qualité de l’alimentation était la plus élevée en Asie du Sud, principalement en raison de la faible consommation de boissons sucrées, de viande rouge, de viande transformée et d’une forte consommation de céréales complètes. En revanche, la population d’Amérique latine et des Caraïbes consomme de plus grandes quantités de boissons sucrées, de viande rouge et transformée, ainsi que de sodium. Leurs apports en fruits, légumes, céréales complètes et en graisses polyinsaturées – des aliments sains en somme – sont relativement faibles.

Votre étude établit que certains pays ont plus accès à des aliments sains aujourd’hui qu’il y a trente ans, comme les États-Unis par exemple. Pourtant, c’est toujours l’un des pays où l’on mange le moins bien dans le monde. En revanche, le Vietnam a plus d’options et est devenu le pays avec le meilleur score. Comment expliquer ces différences ?

26% des maladies évitables dans le monde sont dues à une mauvaise alimentation. Même si l’accès à une nourriture saine est aujourd’hui bien plus facile qu’auparavant, nous ne mangeons pas mieux aujourd’hui qu’il y a trente ans selon la plus large étude jamais publiée à ce sujet dans Nature food. Les habitudes alimentaires de 185 pays ont été passées au crible entre 1990 et 2018. Et peu importe la région du monde, personne n’a drastiquement amélioré sa façon de manger. Pour comprendre à quel point notre façon de manger a stagné, les chercheurs de la Friedman school of nutrition science and policy de la Tuft university à Boston a imaginé un score par pays. L’échelle va de 0 pour un régime alimentaire très pauvre en nutriments, avec beaucoup de sucres et de viandes transformées, à 100 pour désigner un régime alimentaire avec assez de fruits, de légumes, de noix et de céréales complètes.

En moyenne, la plupart des pays ont un score autour de 40,3. Une amélioration minime de 1,5 point depuis 1990. En trente ans, les Etats-Unis, le Vietnam, la Chine et l’Iran font partie des pays où la possibilité de manger sain a nettement augmenté. En revanche, l’accès à des aliments équilibrés s’est détérioré en Tanzanie, au Nigeria mais aussi au Japon. Certains pays sortent leur épingle du jeu, avec des scores supérieurs à 50. Il s’agit du Vietnam, de l’Iran, de l’Indonésie et de l’Inde. Mais cela représente moins d’1% de la population mondiale. Les pays en bas du classement sont le Brésil, le Mexique, les Etats-Unis et l’Egypte. La France fait partie des pays avec un score entre 40 et 43, dans la moyenne des pays du monde. A l’échelle des continents, la région du monde avec le score le plus élevé est l’Asie du Sud, avec 45,7 sur 100, tandis que l’Amérique latine et les caraïbes ont un score de 30,3, le plus bas de tous.

Victoria Miller, chercheuse à la Friedman school of nutrition science and policy de la Tuft university et première auteure de l’article, décrypte cette étude pour Sciences et Avenir.

 

Sciences et Avenir : Pouvez-vous expliquer pourquoi cette étude est la plus complète jamais réalisée sur la nutrition dans le monde ?

Victoria Miller : Notre étude comprend plus de 1.100 enquêtes alimentaires réalisées à travers le monde, ce qui inclut en tout 7,46 milliards d’individus. Cela nous a fourni les estimations les plus récentes et les plus complètes sur la qualité de l’alimentation dans le monde, à l’échelle régionale et nationale chez les adultes. De plus, notre étude est la première à estimer la qualité de l’alimentation chez les enfants, et à intégrer des caractéristiques socioéconomiques, telles que le niveau d’éducation et l’urbanité.

Que mange-t-on en Asie du Sud, la région du monde où la nutrition est la meilleure ? Et pourquoi l’Amérique latine est-elle la dernière du classement ?

La qualité de l’alimentation était la plus élevée en Asie du Sud, principalement en raison de la faible consommation de boissons sucrées, de viande rouge, de viande transformée et d’une forte consommation de céréales complètes. En revanche, la population d’Amérique latine et des Caraïbes consomme de plus grandes quantités de boissons sucrées, de viande rouge et transformée, ainsi que de sodium. Leurs apports en fruits, légumes, céréales complètes et en graisses polyinsaturées – des aliments sains en somme – sont relativement faibles.

Votre étude établit que certains pays ont plus accès à des aliments sains aujourd’hui qu’il y a trente ans, comme les États-Unis par exemple. Pourtant, c’est toujours l’un des pays où l’on mange le moins bien dans le monde. En revanche, le Vietnam a plus d’options et est devenu le pays avec le meilleur score. Comment expliquer ces différences ?

L’élément clé qui différencie ces deux pays : la consommation d’aliments qui ne sont pas sains. Tandis que le Vietnam n’a que très peu recours aux boissons sucrées, à la viande rouge et transformée, les Etats-Unis doivent, en plus d’avoir adopté plus de fruits, de légumes et d’huiles végétales, réduire la part d’aliments mauvais pour la santé. C’est la condition pour que leur alimentation globale s’améliore.

Ce n’est parfois pas facile de faire les bons choix en magasin. Comment les facteurs socio-économiques peuvent-ils jouer un rôle dans les habitudes alimentaires dans le monde ?

Savoir manger sainement dépend en effet de facteurs socioéconomiques, notamment du niveau d’éducation et du fait de vivre en ville ou non. Nos résultats montrent qu’à l’échelle mondiale et dans la plupart des régions, les adultes plus instruits et les enfants dont les parents sont plus instruits avaient généralement une alimentation de meilleure qualité. En général, les gens plus instruits consommaient plus de fruits, de légumes, de céréales complètes et d’huiles végétales. La ruralité et l’urbanité jouaient aussi un rôle : nous avons constaté une meilleure qualité de l’alimentation chez les personnes vivant dans les zones urbaines d’Europe centrale, d’Europe orientale, d’Asie centrale, de l’Est et du Sud-Est.

Vous concluez qu’aucune amélioration nette n’était observable sur les 30 dernières années. Mais que penser des 30 années à venir ? La planète peut-elle progresser vers une meilleure alimentation et si oui, que faut-il faire pour mieux manger ?

Il faut d’abord rappeler qu’une alimentation de mauvaise qualité a des implications importantes sur la santé humaine et l’état de notre planète. Nos résultats démontrent qu’une action urgente est nécessaire pour améliorer la qualité alimentaire mondiale, régionale et nationale. Des politiques multisectorielles sont indispensables : subventionner les prix des aliments sains [afin qu’ils soient accessibles au plus grand nombre, ndlr], taxer les boissons sucrées et les aliments riches en sel, lancer des politiques incitatives à la production d’aliments plus sains, imposer des restrictions sur les aliments destinés aux enfants, et enfin porter une attention toute particulière aux programmes gouvernementaux et aux repas scolaires.

Ces mesures vont varier selon les pays et leur situation. Que peuvent-ils faire individuellement pour améliorer la façon dont leur population se nourrit ?

De futures politiques nationales pourraient en effet être imaginées à partir de nos résultats. En Asie du Sud et en Afrique subsaharienne par exemple, qui ont la meilleure qualité d’alimentation en 2018, la consommation de fruits, de légumes, de légumineuses, de noix, d’oméga-3, de fruits de mer et de graisses polyinsaturées était loin d’être optimale. Les politiques visant à augmenter la consommation de produits, de fruits de mer et d’huiles végétales auront le plus grand impact sur la qualité de l’alimentation dans ces pays. En Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes, la viande rouge, la viande transformée et le sodium augmentent au fil du temps. Les politiques axées sur la réduction de la consommation de ces aliments et nutriments amélioreraient considérablement la qualité de l’alimentation.

Source: Sciencesetavenir.fr
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