INTERVIEW : « Le secteur funéraire devra aller vers le zéro carbone »

Malgré l’intérêt suscité par des funérailles plus écologiques, les pratiques évoluent lentement. En cause : le regard de la société et le conservatisme des pompes funèbres.

Cercueil en carton

Exemplaire de cercueil en carton, un prototype à 180 euros, fabriqué en cylindres de carton recyclé, peinture à l’eau et poignées amovible, lancé par l’association de réinsertion sociale à Calais, « Ca-cartonne ». Photo prise en 2008

DENIS CHARLET / AFP

Cet article est issu du magazine Les Indispensables de Sciences et Avenir n°211 daté octobre/ décembre 2022.

Manon Moncoq est anthropologue du funéraire et de l’environnement. Elle a répondu aux questions de Sciences et Avenir – Les Indispensables.

Sciences et Avenir – Les Indispensables : On pense les rites funéraires immuables. Est-ce vraiment le cas ?

Manon Moncoq : Nous sommes au contraire à la veille de grands bouleversements. La religion catholique a longtemps imposé l’inhumation comme seul moyen de traiter le corps des défunts. En 1887, le législateur a toutefois rendu à chacun la liberté d’organiser soi-même ses funérailles en faisant connaître ses volontés de son vivant. Depuis, la crémation a peu à peu gagné du terrain : aujourd’hui, 40 % des personnes la choisissent. On voit même poindre de nouvelles demandes pour des funérailles plus naturelles, impactant moins le climat. Ce devrait être la grande mutation des prochaines décennies.

Pourquoi l’inhumation perd-elle du terrain ?

Cette tendance est essentiellement observée dans les villes. La crémation demeure largement minoritaire dans les campagnes. Cela s’explique par le recul de la religion catholique, surtout dans les catégories sociales supérieures très urbaines. Mais aussi parce que nous ne mourons plus là où nous sommes nés, et que nous ne vivons pas toujours près de nos enfants. L’entretien d’une tombe située à des centaines de kilomètres ne va pas de soi. D’ailleurs, dans les cimetières, les concessions sont de plus en plus courtes, entre quinze et trente ans. La crémation permet à la fois de prendre ses distances avec la religion et d’éviter de laisser un fardeau à ses héritiers.

Les pratiques funéraires sont-elles en train de changer ?

Pas encore, notamment du fait que les familles en deuil ne s’occupent pas assez de l’organisation des obsèques. Et les entreprises funéraires n’ont aucun intérêt au changement. Pas uniquement parce que c’est rentable. Les professionnels ont une haute idée de leur métier. Le cercueil capitonné, en bois de valeur, les soins de conservation et la cérémonie procèdent du respect dû au mort. Sans oublier le regard de la société et le fait qu’un cercueil en carton, cela « fait indigent » .

Peut-on agir sur l’empreinte carbone de la mort ?

C’est un chemin obligé. Comme toutes les activités humaines, le secteur funéraire devra aller vers le « zéro émission nette » de CO2. Il faudra donc diminuer toutes les consommations en énergies fossiles, ce qui contribuerait à faire baisser le coût des enterrements. Sur ce sujet, écologie et économie devraient aller de pair.

Source: Sciencesetavenir.fr
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