Coronavirus : peut-on encore reporter les élections municipales ?

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« Absolument pas à l’ordre du jour » le 4 mars, selon Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, le report des élections municipales est-il encore possible à trois jours du scrutin en raison de l’épidémie due au coronavirus ? Ce scénario redevient envisageable, à quelques heures de la prise de parole d’Emmanuel Macron à 20 heures, jeudi 12 mars, même s’il n’est pour l’heure absolument pas confirmé au sommet de l’Etat. Le président de la République doit échanger avec Gérard Larcher, président du Sénat, en fin de journée. Une demande faite par l’Elysée en début d’après-midi, mais le motif officiel de cet appel n’a pas été précisé.

Techniquement, quelles sont les options possibles pour reporter les élections municipales ? « Il n’y a rien dans le code électoral qui indique comment gérer une situation de cette nature », selon Romain Rambaud, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes.

Voici les hypothèses échaffaudées par des spécialistes du droit si l’exécutif voulait reporter le scrutin des 15 et 22 mars.

Le report des élections municipales peut être acté par l’adoption d’une loi ordinaire. « Juridiquement il faut une loi car le renouvellement des conseillers municipaux est prévu au mois de mars par le code électoral et c’est une disposition législative (qui ne peut donc être modifiée que par le Parlement) », explique Romain Rambaud. Faire adopter une loi avant dimanche constitue toutefois une véritable course contre la montre. Cela nécessite la consultation en urgence du Conseil d’Etat, la convocation des deux Assemblées, aujourd’hui en vacances parlementaires, d’autant que plusieurs députés sont eux-mêmes atteints du Covid-19, puis la promulgation de la loi. « Ça me paraît très difficile », évalue Bruno Daugeron, professeur de droit public à l’université Paris-Descartes. « Techniquement c’est possible, il y a des précédents, mais il faut que tout le monde soit d’accord », selon M. Rambaud.

Pour Bruno Daugeron, c’est l’option la plus probable. Ce décret, pris en conseil des ministres, suspendrait sine die le scrutin, et pourrait préciser, par exemple, que les maires en poste administrent les affaires courantes jusqu’à l’organisation ultérieure des élections municipales. Romain Rambaud estime lui que le Conseil des ministres peut modifier le décret de convocation des élections, pour les reporter d’une semaine, afin de se donner le temps d’adopter, d’ici là, une loi actant un report bien ultérieur du scrutin. Mais, pour le constitutionnaliste Didier Maus, « il faut un fondement juridique » pour une telle décision. « L’état de nécessité peut être reconnu rétrospectivement par un juge en cas de contestation de cette décision », estime Bruno Daugeron. Selon Romain Rambaud, l’exécutif pourra invoquer « la théorie des circonstances exceptionnelles qui permet au juge administraftif (qui trancherait en cas de contestation de la décision) d’accepter des comportements en marge de la légalité ». Il précise qu’en 1973 ces « circonstances exceptionnelles » avaient été invoquées pour justifier le report du 2e tour des élections législatives à La Réunion alors que l’île avait été frappée par un cyclone dans l’entre-deux-tours.

Pour M. Maus, seul le déclenchement de l’état d’urgence pourrait permettre le report, par décret, des élections dans un délai très court. « On aurait officialisé un état de crise », explique Didier Maus. La loi de 1955 sur l’état d’urgence le rend possible, « soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». « Une épidémie entre dans la définition d’une calamité publique sans difficulté », ajoute M. Maus. « L’état d’urgence permettrait de donner un motif à la suspension », confirme Bruno Daugeron.

Le politologue Olivier Duhamel estime, lui, que l’annulation des élections « est seulement possible par la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution ». Cet article donne des pouvoirs exceptionnels au chef de l’Etat « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’éxécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu ». « Ce serait contestable et contesté », précise toutefois M. Duhamel.

Si le gouvernement décide de maintenir les élections, des recours pour demander l’annulation du scrutin dans certaines communes pourront être déposés auprès du Conseil constitutionnel par des candidats ou des citoyens. « Il faudra trouver un motif pour dire que l’élection n’est pas sincère », rappelle Didier Maus. Si la tête de liste d’un scrutin local est confinée, « cela peut se discuter, mais elle peut faire campagne de chez elle, répondre aux attaques ou faire distribuer des tracts », note le constitutionnaliste. Beaucoup s’inquiètent des risques de forte abstention. « L’abstention n’est pas un motif d’annulation d’élection. On ne pourra pas dire que c’est corrélé à l’épidémie », estime M. Maus. « Le seul motif d’annulation est si le déroulement physique du scrutin, dans les bureaux de vote, se passe mal », précise-t-il.

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Source: lemonde.fr

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