Alimentation, activité physique, mental : les petits secrets des centenaires

Une alimentation proche du régime méditerranéen, une activité physique régulière tout au long de la vie, des liens sociaux entretenus, autant de facteurs qui se retrouvent chez les personnes qui atteignent le siècle en bonne santé.

La Française Jeanne Calment

La Française Jeanne Calment, décédée en 1997 à 122 ans. Un verre de porto par jour et deux cigarillos.

REA – AFP – SIPA

Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir – La Recherche n°904, daté juin 2022. 

Vingt et un mille. C’est le nombre de centenaires en France, selon le dernier recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) en 2016, soit 20 fois plus qu’en 1970 (1100). Par centenaire, on entend celui qui a soufflé ses 100 bougies et parfois même davantage, telle Jeanne Calment décédée à 122 ans et 5 mois (lire S. et A. n° 864) ou la sœur française André, née Lucile Randon, récemment désignée doyenne de l’humanité avec 118 ans. En 2070, toujours selon les projections de l’Insee, ils seront plus d’un demi-million (540.000). Mais si la France est en Europe le pays qui compte le plus de centenaires, tous ne sont malheureusement pas en bonne santé. C’est donc ailleurs qu’il faut se rendre pour trouver ceux qui ont gardé bon pied, bon œil. Direction le Japon, les États-Unis, le Costa Rica, la Grèce et l’Italie, autant de zones dites de longévité en bonne santé, pour la plupart identifiées par la revue National Geographic en 2011 avec le projet Blue Zones. Mais ces endroits sur Terre seraient-ils vraiment détenteurs d’un élixir de jouvence ? La question anime évidemment de longue date tous ceux en quête du secret de la longévité des centenaires.

« Ici, on oublie juste de mourir « , confiait à Dan Buettner, journaliste du National Geographic, une habitante de 101 ans de l’île grecque d’Ikaria. L’explication peut séduire mais elle a ses limites. Une approche plus scientifique, celle de l’université du Danemark du Sud et menée sur plus de 20.000 jumeaux, a comparé les écarts de longévité entre vrais et faux jumeaux. « Ces travaux ont montré que de vrais jumeaux meurent avec un écart de durée de vie de trois ans alors que la moyenne entre des faux jumeaux s’élève à six ans « , relate dans son dernier ouvrage (Guérir la vieillesse, HumenSciences, 2022) Jean-Marc Lemaitre, chercheur en biologie cellulaire et spécialiste du vieillissement. Qui poursuit : « Ces travaux ont permis d’estimer que la part des gènes dans la longévité est de 25 %, les 75 % restants étant imputables aux facteurs environnementaux et au “mode de vie”.  » Cette dernière expression un peu « fourre-tout » rend en fait compte de la manière dont les individus s’alimentent mais aussi boivent, respirent, bougent, travaillent, bref vivent. Aussi, se concentrer sur le seul contenu des assiettes des centenaires est forcément réducteur. D’ailleurs, l’analyse exclusivement nutritionnelle a toujours déçu.

Des apports alimentaires en grande partie issus de plantes

Les quelques spécialités locales consommées par les habitants des « blue zones » – algues japonaises, lait de brebis grec, romarin et fromage italien, tortilla de maïs… – ne renferment évidemment aucune molécule magique « anti-vieillissement ».

Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir – La Recherche n°904, daté juin 2022. 

Vingt et un mille. C’est le nombre de centenaires en France, selon le dernier recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) en 2016, soit 20 fois plus qu’en 1970 (1100). Par centenaire, on entend celui qui a soufflé ses 100 bougies et parfois même davantage, telle Jeanne Calment décédée à 122 ans et 5 mois (lire S. et A. n° 864) ou la sœur française André, née Lucile Randon, récemment désignée doyenne de l’humanité avec 118 ans. En 2070, toujours selon les projections de l’Insee, ils seront plus d’un demi-million (540.000). Mais si la France est en Europe le pays qui compte le plus de centenaires, tous ne sont malheureusement pas en bonne santé. C’est donc ailleurs qu’il faut se rendre pour trouver ceux qui ont gardé bon pied, bon œil. Direction le Japon, les États-Unis, le Costa Rica, la Grèce et l’Italie, autant de zones dites de longévité en bonne santé, pour la plupart identifiées par la revue National Geographic en 2011 avec le projet Blue Zones. Mais ces endroits sur Terre seraient-ils vraiment détenteurs d’un élixir de jouvence ? La question anime évidemment de longue date tous ceux en quête du secret de la longévité des centenaires.

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« Ici, on oublie juste de mourir « , confiait à Dan Buettner, journaliste du National Geographic, une habitante de 101 ans de l’île grecque d’Ikaria. L’explication peut séduire mais elle a ses limites. Une approche plus scientifique, celle de l’université du Danemark du Sud et menée sur plus de 20.000 jumeaux, a comparé les écarts de longévité entre vrais et faux jumeaux. « Ces travaux ont montré que de vrais jumeaux meurent avec un écart de durée de vie de trois ans alors que la moyenne entre des faux jumeaux s’élève à six ans « , relate dans son dernier ouvrage (Guérir la vieillesse, HumenSciences, 2022) Jean-Marc Lemaitre, chercheur en biologie cellulaire et spécialiste du vieillissement. Qui poursuit : « Ces travaux ont permis d’estimer que la part des gènes dans la longévité est de 25 %, les 75 % restants étant imputables aux facteurs environnementaux et au “mode de vie”.  » Cette dernière expression un peu « fourre-tout » rend en fait compte de la manière dont les individus s’alimentent mais aussi boivent, respirent, bougent, travaillent, bref vivent. Aussi, se concentrer sur le seul contenu des assiettes des centenaires est forcément réducteur. D’ailleurs, l’analyse exclusivement nutritionnelle a toujours déçu.

Des apports alimentaires en grande partie issus de plantes

Les quelques spécialités locales consommées par les habitants des « blue zones » – algues japonaises, lait de brebis grec, romarin et fromage italien, tortilla de maïs… – ne renferment évidemment aucune molécule magique « anti-vieillissement ». Une certitude : ces apports alimentaires, différents selon les localisations géographiques, sont surtout variés et proviennent en grande partie de plantes. En résumé, il s’agit toujours d’une alimentation proche du régime méditerranéen, c’est-à-dire des apports riches en légumes, céréales, légumineuses et fruits mais pauvres en viande et en sucres. Sans oublier une autre caractéristique : une production souvent locale et indépendante de l’industrie alimentaire.

D’autres composantes liées au fameux « mode de vie » et partagées par ces centenaires en bonne santé ont également été identifiées : une activité physique régulière tout au long de la vie, des apports caloriques plutôt faibles, du temps surtout passé au grand air avec peu de stress, un engagement social, une vie en communauté, des familles proches… « On sait aujourd’hui que l’activité physique agit en étroite synergie avec l’alimentation, les effets bénéfiques de l’une boostant ceux de l’autre « , précise Dominique Dardevet, chercheur en nutrition humaine à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), à Clermont-Ferrand, spécialiste de l’alimentation des seniors. Son équipe s’intéresse tout particulièrement à l’une des caractéristiques du vieillissement, la sarcopénie, c’est-à-dire la perte physiologique de la masse musculaire, principal facteur d’incapacité chez la personne âgée. Objectif de ces travaux : mieux comprendre cette perte pour pouvoir la ralentir en établissant des recommandations de santé publique. Avec son équipe, il a récemment démontré que, contrairement à une idée reçue, l’apport protéique doit justement, à cette période de la vie, être augmenté et non diminué. « Avec l’avancée en âge, au-delà de l’essentielle diversité alimentaire à préserver, on sait que l’utilisation des acides aminés issus de la digestion des protéines alimentaires perd en efficacité, explique le chercheur. Il faut donc la compenser pour maintenir la masse et la fonction musculaires et retarder la fragilité.  » Pour mieux comprendre les clés de la longévité, d’autres scientifiques se concentrent quant à eux sur le rôle du microbiote (lire S. et A. n° 835 et n° 862), un acteur clé de l’état de santé des individus. Exemple avec un travail japonais récent paru dans la revue Nature. Une équipe de l’université de Tokyo a démontré que le microbiote de personnes à la longévité exceptionnelle – celles ayant dépassé les 100 ans -possède une population bactérienne spécifique (Odoribacteraceae), capable de produire un puissant agent antimicrobien, un acide biliaire dit isoallo-lithocholique (isoalloLCA). Selon ces chercheurs, il pourrait être responsable d’un effet protecteur face à certaines infections. Reste à établir si ces populations bactériennes particulières sont une cause de la longévité exceptionnelle des centenaires, ou une simple corrélation. Pour le savoir, des analyses du microbiote sur de vastes groupes de personnes vieillissantes comparées dans le temps à celles de groupes plus jeunes seraient nécessaires.

Ne pas oublier le rôle important du mental

À ce jour, « la notion même de microbiote “sain” ne fait l’objet d’aucun consensus « , précise cependant Dominique Dardevet. Comment et avec quoi le supplémenter relève donc toujours de l’énigme, même si des stratégies d’intervention sont à l’étude. Elles s’intéressent aux pré et probiotiques, des nutriments et micro-organismes utilisés par les bactéries du microbiote. Si la composition précise du cocktail de longévité reste propre à chacun, il ne faut pas en tout cas oublier l’importance du mental. Selon une vaste étude menée sur près de 70.000 personnes et parue en 2019 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), oui, les optimistes vivent plus longtemps !

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La Française sœur André, 118 ans, Son péché mignon : un verre de vin et un carré de chocolat chaque jour. (MAXPPP – AFP -GETTY IMAGES)

L'Italienne Emma Morano, décédée en 2017 à 117 ans. 2 œufs crus et 1 cuit par jour, peu de fruits, légumes et viande.

L’Italienne Emma Morano, décédée en 2017 à 117 ans. 2 œufs crus et 1 cuit par jour, peu de fruits, légumes et viande. (MAXPPP – AFP -GETTY IMAGES)

 

La Japonaise Kane Tanaka, décédée le 19 avril à 119 ans. Riz, poisson, soupes… et des bonbons et sodas.

La Japonaise Kane Tanaka, décédée le 19 avril à 119 ans. Riz, poisson, soupes… et des bonbons et sodas. (MAXPPP – AFP -GETTY IMAGES)

 

L'Américaine Susannah Mushatt Jones, décédée en 2016 à 116 ans. Bacon, œufs et gruau au petit déjeuner.

L’Américaine Susannah Mushatt Jones, décédée en 2016 à 116 ans. Bacon, œufs et gruau au petit déjeuner. (REA – AFP – SIPA)

 

La Japonaise Misao Okawa, décédée en 2015 à 117 ans. Son plat préféré : les sushis au maquereau sur riz vinaigré.

La Japonaise Misao Okawa, décédée en 2015 à 117 ans. Son plat préféré : les sushis au maquereau sur riz vinaigré. (REA – AFP – SIPA)

 

 

Vieillissement cellulaire : privilégier les produits laitiers écrémés et demi-écrémés

Les consommateurs de lait pauvre en matières grasses voient leur vieillissement cellulaire ralenti par rapport à ceux qui consomment du lait entier, selon une étude de 2019 de l’université Brigham Young (États-Unis), portant sur 5834 adultes. Chez les premiers, les télomères sont plus longs. Or, ces capuchons protecteurs des chromosomes, dont la taille diminue au fil du temps, sont de bons indicateurs de longévité. Le breuvage comporte en effet une forte proportion (de 60 à 65 %) de graisses saturées responsables d’inflammations et de stress oxydatif. Toutefois, exclure le lait n’est pas une bonne solution car ceux qui n’en consomment pas du tout ont également des télomères plus courts que ceux qui consomment du lait de type écrémé (de 0,5 à 1 % de matières grasses). Par Rachel Mulot
 

Source: Sciencesetavenir.fr
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