Un gène de non-agression identifié par des chercheurs

Comment s’arrête paisiblement un conflit entre deux individus ? Une équipe de chercheurs vient de mettre au jour un gène impliqué dans le processus de désescalade de la violence, chez la drosophile.

Deux drosophiles

Les chercheurs ont mis en compétition plusieurs mouches drosophiles chez qui certains gènes avaient été désactivés.

Annie & Jean-Claude Malausa / Biosphoto / Biosphoto via AFP

Quels sont les mécanismes cérébraux qui se mettent en place pour convaincre un individu qu’il est temps d’arrêter de se battre et de mettre fin à une rixe avec un adversaire ? Car, si les stimuli causant un comportement agressif ont été bien étudiés, et ce sur différentes espèces animales et depuis des dizaines d’années, il n’en est pas de même pour ceux qui conduisent à une désescalade de la violence. Toutefois, la question se pose : existe-t-il un interrupteur neuronal ou génétique, analogue à celui de la satiété pour la faim, qui indiquerait à l’organisme qu’il est temps d’arrêter de se crêper le chignon ? Une équipe de chercheurs américains et japonais s’est lancée à la recherche de tels gènes. Elle publie ses résultats dans la publication de Sciences Advances du 7 septembre 2022. 

Car, il est connu qu’en général, les animaux ajustent leur agressivité en percevant les coûts et bénéfices d’une interaction violente avec des congénères. Un individu doit asseoir son point de vue sans aller jusqu’au point où la confrontation pourrait lui nuire physiquement et, par exemple, entamer son potentiel reproducteur et le rendre moins compétitif parce que diminué. En clair, il doit être capable d’entamer une désescalade quand la poursuite du combat n’en vaut plus la peine.

Un gène qui permet de ne pas être totalement « aveuglé par sa violence »

Les scientifiques ont mis le doigt sur un gène qui semble essentiel à ce processus : nervy. Pour cela, ils ont mis en compétition plusieurs mouches drosophiles chez qui certains gènes avaient été désactivés. Ils ont mesuré l’agressivité des individus en comptant les fois où ils adoptaient une posture typique d’attaque, en projetant leurs corps vers l’avant. Cette expérience leur a démontré que les mouches les plus violentes étaient celles chez qui le gène nervy (nvy) avait été inactivé. En moyenne, les chercheurs ont dénombré chez elle une trentaine de postures d’attaque par minute. Soit une centaine de fois plus qu’avec un individu défectif pour un autre gène.

Pour comprendre pourquoi celui-ci pourrait être impliqué dans ce comportement, les chercheurs en sont pour l’instant réduits à des hypothèses. En effet, le gène nvy est ce que l’on appelle un répresseur de transcription et il agit à différents niveaux. Ce n’est donc pas lui qui est directement impliqué dans la décision de stopper la violence. Ils suspectent que nvy agit lui-même sur d’autres gènes neuronaux, notamment ceux impliqués dans la sociabilité de l’animal. Quand nyv est fonctionnel, c’est comme si l’expérience sociale de l’individu, sa perception de l’environnement venaient modérer, atténuer, le combat. Nvy permet ainsi à l’animal de ne pas être totalement “aveuglé par sa violence“.

Une voie pour une meilleure compréhension de pathologies telle Alzheimer

Bien évidemment, de la drosophile à l’être humain, il y a un monde mais les chercheurs suspectent, étant donné l’importance du mécanisme dans la survie de l’individu, que les bases moléculaires de l’agression pourraient avoir de nombreux points communs entre les deux espèces. Prochaine étape de ce travail : identifier plus précisément les groupes de neurones responsables de la désescalade.

Au-delà de l’aspect fondamental de la découverte, ce travail pourrait ouvrir la voie à une meilleure compréhension et prise en charge de certaines pathologies. Par exemple, la maladie d’Alzheimer, au cours desquels le malade manifeste parfois des changements comportementaux donnant lieu à des bouffées de violence.

Source: Sciencesetavenir.fr
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