Un cerveau humain, finalement, qu’est-ce que c’est ?

Le cerveau est au centre d’une vaste machine, notre corps. Il commande, orchestre, régule. C’est le réceptacle de nos sensations, le gardien de notre sommeil et de notre santé, le siège de nos émotions et de notre conscience. Notre interface avec le monde.

Self Reflected

Self Reflected est une œuvre d’art, créée par Greg Dunn, artiste et neuroscientifique, et Will Drinker, artiste et physicien. Que se passe-t-il quand notre cerveau regarde une représentation de lui-même ? Que voit-il de ses propres « chorégraphies neuronales »? s’interrogent les créateurs de Self Reflected ? Cette visualisation d’artiste s’appuie sur un travail de restitution d’imagerie des plus poussées.

© DUNN/DRINKER/CATERS/SIPA

De quoi parle-t-on quand on parle de cerveau, cet organe si complexe et dont nous, Homo sapiens, sommes si fiers ?

Nos représentations se limitent souvent à deux hémisphères de tissus gélatineux et pleins de replis. Mais notre cerveau, c’est bien plus que cela. Ce sont aussi des glandes, des amas de cellules neuronales et gliales, beaucoup d’eau, de graisse, de câblages en tout genre, pour transporter informations et nourriture. Et c’est peut-être encore plus que le contenu de notre boîte crânienne, si l’on considère l’important réseau de nerfs et ganglions dans le corps. Et bien davantage depuis que l’on s’intéresse activement, depuis les années 2010, à notre système nerveux entérique, cet ensemble de neurones – 200 millions ! – qui contrôle le système digestif, son activité motrice, ses sécrétions et sa vascularisation. Autrement dit, notre « deuxième cerveau ».

Le cerveau est notre organe le plus précieux, celui qui définit notre être. S’il ne fonctionne plus, alors nous ne sommes plus. Savez-vous qu’en cas d’arrêt cardiaque, le massage pratiqué par les premiers secours vise avant tout à préserver le cerveau ? Il s’agit de relancer artificiellement la circulation sanguine et d’oxygéner les cellules cérébrales avec le sang encore hématosé (oxygénée) de l’organisme. Les cellules et les connexions une fois mortes, il faut réapprendre aux prix de grands efforts. Et quand le cerveau entier s’est « éteint », c’est la mort , telle que la définit l’OMS : « La disparition irréversible de l’activité cérébrale. »

Le cerveau au sein du système nerveux

Notre cerveau est la pièce maîtresse du système nerveux.

A l’intérieur de ce système nerveux, on distingue deux composantes principales :

– Le système nerveux central (SNC), constitué de l’encéphale (lui-même constitué par le cerveau ou cortex, le tronc cérébral, le cervelet) ainsi que la moelle épinière, courant tout au long de notre colonne vertébrale.

– Le système nerveux périphérique (SNP) repose, lui, sur un réseau de nerfs et de ganglions nerveux disséminés dans l’ensemble de notre corps et rattachés à la moelle épinière ou à l’encéphale. Le SNP collecte les informations dans un double-sens, depuis le SNC vers le corps, ou depuis le corps vers le SNC. Selon le type d’informations qui remonte depuis le corps ou l’environnement, le cerveau choisit de répondre de manière volontaire – en activant consciemment les muscles de nos jambes par exemple -, ou de manière involontaire, par exemple en régulant le rythme cardiaque ou la pression sanguine.

Quels sont les composants du cerveau ?

© PIKOVIT / SCIENCE PHOTO LIBRARY/ AFP

Pour se protéger, il faut bien une forteresse ! Notre cerveau précieux et fragile à la fois est contenu dans une boîte crânienne constituée de plusieurs os, soudés les uns aux autres. Dessous, on trouve les méninges, soit trois membranes (dure-mère, arachnoïde, pie-mère) pour l’empêcher de se blesser contre l’os ; le dispositif est renforcé par le liquide céphalo-rachidien, un véritable matelas liquide fabriqué en grande partie par deux des quatre cavités appelées ventricules. Ce liquide nourrit et protège également la moëlle épinière.

Sous cette enceinte protectrice, le tissu mou du cerveau se divise en deux hémisphères, droite et gauche. Ils constituent la partie la plus volumineuse et la plus iconique de notre cerveau. Celle-ci est constituée, à l’extérieur, de la « matière grise » ou néocortex, une couche relativement fine comparée à la substance blanche, en dessous. Les deux hémisphères sont réunis par une structure médiane, le corps calleux.

Sous les deux hémisphères une région appelée diencéphale réunit plusieurs glandes, ou amas de substance grise, superposées les unes aux autres. En partant de l’étage du haut vers le bas, on trouve :

– le thalamus qui relaie les informations sensorielles remontées depuis le système nerveux périphérique, c’est-à-dire depuis l’ensemble de notre corps, vers le cortex cérébral. Il joue également un rôle dans les émotions et la motricité. Autant de tâches assurées par un ensemble de noyaux qui compose cette structure double et de forme ovoïde.

– l’hypothalamus, sous le thalamus, qui apparaît plus modeste en taille mais lui aussi est incontournable pour le système nerveux autonome. Il est à l’interface entre les processus physiologiques et la production d’hormones dans les différentes glandes endocriniennes du corps. Il régule le système nerveux autonome pour agir sur la température corporelle, la circulation sanguine, le rythme cardiaque et la fréquence respiratoire, l’appétit, les cycles sommeil/veille et les fonctions sexuelles et de reproduction.

– l’hypophyse, principale glande du système endocrinien.

– l’épiphyse ou glande pinéale impliquée dans les rythmes circadiens.

Le cervelet, à l’arrière du tronc cérébral, est important pour notre équilibre et la coordination de tous nos mouvements.

Enfin, ce cervelet enserre le tronc cérébral qui se prolonge par la moëlle épinière à l’intérieur de la colonne vertébrale.

Cerveau neuronal et cerveau glial

Dès le 19e siècle, on connaît un peu plus intimement les neurones. Ils seraient 86 milliards et non pas 100, un joli chiffre rond rabâché et excessif, selon la chercheuse en neuroanatomie comparée Suzana Herculano-Houzel qui a mis au point une méthode de comptage des neurones. Quant aux cellules gliales, repérées elles aussi par ces premiers chercheurs, leur rôle a été largement sous-estimé. Leur nombre est estimé à 1 cellule gliale pour 1 neurone, voire 2 cellules gliales pour 1 neurone.

Des neurones, on en trouve dans l’ensemble de notre corps. Cette cellule comprend un corps cellulaire et, originalité par rapport aux autres cellules du corps humain, son cytoplasme produit des prolongements de deux sortes : les dendrites et un axone. L’axone est la fibre le long de laquelle le message nerveux va se propager, pour aboutir sur de nombreuses synapses, autant de terminaisons nerveuses qui transmettront ce message vers les synapses d’autres neurones.

Schéma d’un neurone de base -© Wikimedia Commons

La substance blanche est un tissu constitué des axones des neurones de la matière grise. Ces axones sont recouverts d’une gaine d’une substance grasse et blanche, la myéline, qui est une typologie de cellule gliales, les oligodendrocytes. L’axone ainsi myélinisé est protégé et améliore la vitesse de propagation des influx nerveux qui le parcourt.

Cette substance blanche ressemble à un câblage fait de milliards de filaments, des faisceaux de fibres, de longueurs différentes, assurant des connexions locales à l’intérieur d’une même zone cérébrale, ou encore des connexions distantes entre régions éloignées du cerveau ou entre les deux hémisphères.https://www.youtube.com/embed/oK3esXMQxaI » title= »YouTube video player

Légende : Comment se propage un message nerveux de neurone en neurone, illustrée par une vidéo Inserm- © Réseau Canopé – 2018

Ce message nerveux est appelé un potentiel d’action. A noter qu’il est de nature électrique pendant tout son parcours, des dendrites à l’axone en passant par le corps cellulaire. Mais arrivé à l’endroit de la synapse, cet influx électrique se transforme en message chimique : contenu dans de petites vésicules, des molécules, les neurotransmetteurs, sont libérées d’une synapse vers celle du neurone suivant. Si le message chimique y atteint un certain seuil, il se transforme en influx électrique, et continue son voyage vers le corps cellulaire du neurone suivant puis son axone. Les axones peuvent également stimuler les cellules musculaires ou glandulaires.

Il existe plusieurs centaines de variétés de neurones.

Autre catégorie de cellules dont on commence à mesurer l’importance : les cellulesgliales ou glie. Ces laissées pour compte sont, rappelons-le, 1,5 plus nombreuses que les neurones.

Elles aussi ont différentes morphologies et fonctions. On a évoqué plus haut les oligodendrocytes (myéline). Mais il en existe d’autres, comme la microglie, et les astrocytes. Elles ont longtemps été perçues comme des cellules de soutien, cantonnées à des fonctions de nettoyage et de nutrition. On pense qu’elles jouent un rôle très important dans la cognition et la plasticité cérébrale. Yves Agid souligne leur rôle d’intégration et de synchronisation dans le temps des informations stockées dans le cerveau.

Tout comme les neurones, on les retrouve dans le système nerveux périphérique. L’une des dernières localisations insoupçonnées était le derme et l’épiderme, où un certain type de glie joue un rôle dans la réponse à la douleur.

Circonvolutions et cerneau de noix pour le cortex

Le crâne étant un contenant inextensible, notre cerveau a optimisé sa surface externe (néocortex) en la plissant, d’où cet aspect extérieur de cerneau de noix. Ce processus de « repliement » du cerveau qui aboutit à la formation de multiples sillons est appelé gyration. Les circonvolutions ou gyrus casent ainsi 2400 centimètres carré de matière grise dans un volume contraint de 1200 à 1500 cm3. Les sillons primaires, les plus marqués, appelés scissures, délimitent les lobes cérébraux (voir illustration et sa légende plus bas). Les plis apparaissent dans toute leur complexité à partir de la 20e semaine de gestation chez le fœtus humain.

A noter aussi que l’être humain partage cette gyrencéphalie avec d’autres mammifères, tels que le mouton, le chat ou le cheval, alors que chez la souris ou le lapin, l’encéphale est lisse. Ces gyrus n’existent pas non plus chez les poissons, les oiseaux, les reptiles, et les amphibiens, des animaux, qualifiés de lissencéphales.

Nous naissons tous avec les mêmes repliements élémentaires, mais le nombre et la forme des petites circonvolutions peuvent différerd’un individu à l’autre. Lorsque la paléoanthropologue Dean Falkse penche sur les photographies du cerveau d’Albert Einstein, en2009,elle tente de faire un lien entre les capacités cognitives du génie et plusieurs régions de son cortex présentant une morphologie inhabituelle.

La gyration serait issue de pressions, exercé par le volume fermé du boîtier crânien, mais pas seulement. Un autre phénomène mécanique est probablement à l’oeuvre : une tension entre le cortex et la substance blanche au cours de leur développement. En 2016, une équipe scientifique tente de valider partiellement cette hypothèse en fabriquant deux modèles, l’un en élastomère, l’autre numérique, pour reproduire cette expansion corticale sous contrainte.

Les lobes du cerveau

Les recherches de médecins psychiatres et anatomistes français au 19e siècle sur le cerveau lésé de leurs patients affinent les premières cartographies de l’encéphale au 17e siècle. Différentes aires sont identifiées – ils décomptent cinquante-quatre zones fonctionnelles – en utilisant les sillons et circonvolutions comme des délimitations anatomiques. Les cinq lobes, frontal, pariétal, occipital et temporal et insulaire, sont peu à peu compris comme étant le siège de fonctions spécifiques.

Les quatre lobes visibles ainsi que le cervelet et le début de la moëlle épinière, sur l’hémisphère représentée ici, celle de gauche, du cerveau. Le cinquième lobe est l’insula, caché entre les replis des lobes frontal, pariétal et temporal. © AMANDINE WANERT / BSIP / AFP

Autre constat, notre cerveau est latéralisé, nos aires cérébrales bien que doublées ne font pas la même chose à droite et à gauche : communication symbolique, fonctions de perception, d’action, d’émotion et de prise de décision sont plus ou moins fortement latéralisées. Des chercheurs de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière ont établi en 2019 la cartographie complète de ces différentes fonctions latéralisées.

Cette latéralisation ne signifie cependant pas que l’on est plutôt « cerveau droit » ou « cerveau gauche ». Mieux vaut oublier ce mythe erroné et parler plutôt asymétrie fonctionnelle, ou de spécialisation hémisphérique.

Pas si gros, mais costaud et gras, ce cerveau !

Quand nous nous interrogeons sur notre place dans le règne animal, les spécificités de notre cerveau semblent renforcer l’idée de notre place à part.

Notre cerveau dépense beaucoup d’énergie pour fonctionner. Ce gourmand consomme 20% du glucose sanguin et de l’oxygène disponibles dans notre corps. Quand on rapporte sa taille par rapport à l’ensemble de notre corps, celle-ci est bien modeste : à peine 2%. Que nous soyons en train de nous triturer les méninges, au repos, ou même, plongé dans un coma, ne change rien à l’affaire, notre cerveau continue à carburer tout autant ! Une bonne proportion de cette énergie est captée par l’activité des neurones, celle qui leur permet de libérer leurs neurotransmetteurs au niveau des synapses.

Derrière le portrait de cet organe vorace apparaît un cerveau plutôt gros, si on le compare à celui de grands singes. Il pèse en moyenne entre 1,2 et 1,5 kg chez Homo sapiens. Celui d’un gorille ne pèse que 500 grammes alors ce grand singe pèse 2 à 3 fois plus que nous. Mais ce n’est pas la grosseur de l’organe qui fait l’intelligence. Pour preuve, en 2011, une étude constate que le cerveau des hommes actuels est plus petit que celui de Cro-Magnon, alors que la paléontologie humaine constatait un accroissement de ce volume crânien d’un hominidé à l’autre. Elle suppose également que le cerveau des Homo sapiens aurait plutôt tendance à se recroqueviller et à se plisser. Certains pensent que la cuisson de notre nourriture a modifié à jamais la forme de nos mâchoires en laissant plus de place à nos os crâniens. Et ces repas, plus rapides que les « ruminations » de nourriture crue, auraient fait exploser le nombre de nos connexions neuronales.

Enfin, cela peut paraître étonnant, mais le cerveau est l’organe le plus gras de l’organisme après le tissu adipeux que nous stockons en différents endroits de notre corps. L’apport de certains lipidesest donc vital au bon fonctionnement cérébral.

Source: Sciencesetavenir.fr
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