Recherche de la vie sur Mars : gare aux faux fossiles !

Alors que l’exploration de Mars continue, des scientifiques mettent en garde contre des faux fossiles : des échantillons de roches qui ressembleraient à première vue à des traces de vie, mais seraient en fait issus de processus chimiques indépendants.

Structures pouvant ressembler à des fossiles

Image composite montrant certaines structures de type fossile créées par des réactions chimiques et qui pourraient être trouvées sur Mars.

Sean McMahon, Julie Cosmidis and Joti Rouillard

Grâce aux dernières explorations sur Mars, on sait maintenant que cette planète aurait été habitable il y a environ 4 milliards d’années alors qu’elle était recouverte d’un immense océan d’eau liquide.Et depuis mars 2020, le rover Perserverance cherche des traces de vie plus récentes, qui seraient trouvables grâce à des prélèvements de roches martiennes.

Il est donc crucial de pouvoir identifier avec certitude ce qui est un fossile, traduisant alors une preuve de vie, de ce qui y ressemble mais n’en est pas un. C’est ce sur quoi s’est penchée une équipe de scientifiques de l’Université d’Édimbourg, dans une étude publiée le 16 novembre 2021 dans la revue Journal of the Geological Society. En listant les biosignatures réelles et les processus qui peuvent mener à leur imitation, ils ont ainsi répertorié une grande quantité de critères pour identifier un vrai fossile, et le distinguer de quelque chose qui y ressemble.

« À un moment donné, un rover martien trouvera très probablement quelque chose qui ressemble beaucoup à un fossile, il est donc essentiel de pouvoir les distinguer avec confiance des structures et des substances créées par des réactions chimiques. Pour chaque type de fossiles, il existe au moins un processus non biologique qui crée des choses très similaires, il y a donc un réel besoin d’améliorer notre compréhension de leur formation », remarque le docteur Sean McMahon, premier auteur de l’étude et chercheur en astrobiologie à l’Université d’Édimbourg.

Comment distinguer le vrai du faux ?

A l’inverse des tests pour le Covid-19, les chercheurs ont insisté sur les faibles chances d’avoir un faux négatif, mais se soucient plutôt des faux positifs. Comme ils l’expliquent dans leur étude, les processus qui mènent à des « imitations » sont majoritairement « des processus cinétiques éloignés de l’équilibre thermodynamique, souvent en présence d’eau liquide et de matière organique, des conditions similaires à celles qui peuvent réellement donner naissance et favoriser la vie. »

D’après eux, non seulement les processus abiotiques (sans présence de vie) peuvent imiter les biosignatures morphologiques, c’est-à-dire avoir la même apparence extérieure, mais ils peuvent aussi posséder les mêmes caractéristiques chimiques, moléculaires, minéralogiques, isotopiques ou encore texturales qu’un vrai fossile. De quoi fortement les induire en erreur ! Ainsi, quel que soit le critère que l’on utilise pour identifier une preuve de vie, il ne sera pas à lui seul déterminant et plusieurs d’entre eux devront être cumulés.

Notamment un élément clé de la vie, à savoir l’eau, pourrait générer de nombreuses fausses biosignatures : l’équipe s’est concentrée sur les interactions entre l’eau et la lave basaltique, présente en grande quantité sur la Planète rouge. De nombreuses fausses preuves ont ainsi été répertoriées, comme par exemple des « cristallites de trempe (cristaux microscopiques, ndlr), des textures d’altération, la production de minéraux ‘graines’ de jardins chimiques (structure minérale rappelant des formes végétales, ndlr) et la production de fluides alcalins riches en silice pouvant générer des biomorphes (qui ressemblent à des formes vivantes, ndlr) », comme l’explique l’étude.

Les endroits où la vie est la plus propice pourraient receler de pièges

En plus d’avoir répertorié différents matériaux et processus chimiques menant à des fausses preuves de vie, les chercheurs se sont posés la question du lieu : où faut-il aller chercher la vie en priorité ? Dans leur étude, ils insistent sur le fait que les matériaux abiotiques imitant les fossiles seraient « produits par la dissipation d’énergie, dans des systèmes caractérisés par de forts gradients thermodynamiques ou chimiques, et par la présence d’eau liquide. » Ainsi, les environnements propices à l’origine et au maintien de la vie peuvent aussi, par leur nature même, être propices à la formation de fausses biosignatures.

Les chercheurs en ont alors déduit qu’un matériau potentiellement biologique trouvé dans une zone peu susceptible d’abriter la vie, comme un désert froid par exemple, aurait bien plus de chances d’être une réelle preuve de vie que ce même matériau trouvé dans une zone où la vie est plus susceptible d’avoir été ou d’être présente. Ils argumentent en conséquence que « la recherche de preuves de vie ne doit pas se concentrer uniquement sur les environnements où la vie est le plus susceptible d’avoir surgi car c’est ici que les preuves seront les plus ambiguës. »

La recherche de la vie sur Mars a déjà commencé

L’étude conclut sur le fait que « la matière organique abiotique sur Mars peut avoir subi des transformations se trouvant sur le chemin de la vie, mais sans jamais atteindre cette destination », d’où la quantité élevée de fausses preuves de vie. Mais le rover Perseverance n’a pas dit son dernier mot, et continue son cheminement sur Mars. D’autres projets sont en cours pour venir le rejoindre, et appuyer la recherche de traces de vie sur la Planète rouge, et qui à la suite de cette étude, pourraient être mieux avertis.

En particulier, le futur rover Rosalind Franklin, qui devrait décoller à l’automne 2022 dans le cadre de la mission « ExoMars » transportera avec lui une foreuse capable d’extraire des échantillons à 2 m sous la surface, où les molécules organiques peuvent avoir été protégées de l’oxydation ou des dommages causés par les radiations. Le rover Perseverance n’est pas capable d’une telle prouesse, mais il est cependant capable de stocker une bonne quantité d’échantillons géologiques prometteurs, et de les sceller afin de les conserver jusqu’au retour sur Terre. Les deux seront donc complémentaires.

Source: Sciencesetavenir.fr
laissez un commentaire