Qu’est-ce qu’une pandémie ?

Quand une épidémie devient-elle une pandémie ? Depuis quand y-a-t-il des pandémies ? L’épidémie de SIDA est-elle une pandémie ? Quand finit une pandémie ?… Mais oui, au fait, une pandémie, qu’est-ce que c’est ?

Rickshaw en Inde

A Chennai, en Inde, un rickshaw hérissé de fausses seringues.

© Arun SANKAR / AFP

Une pandémie (du grec pan, le tout et dèmos, le peuple) désigne une épidémie qui va bien au-delà d’une simple communauté et d’un territoire restreint. Une pandémie touche un continent ou la planète entière, et peut présenter des foyers multiples. Cette très large épidémie peut se propager sur une période limitée ou bien durer. La pandémie de SIDA est l’exemple type d’une pandémie de longue durée toujours en cours.

Philippe Sansonetti, médecin, microbiologiste, professeur au Collège de France et à l’Institut Pasteur donne une définition du terme à Sciences et Avenir en février 2022, dans un contexte de pandémie de Covid-19 : « Le mot « pandémie » correspond à une situation particulière : c’est une épidémie majeure qui touche de nombreuses régions du monde, a une forte dynamique de progression, cause une morbidité et une mortalité d’ampleur exceptionnelle et de ce fait des impacts sanitaires, socio-économiques et sociologiques majeurs ». Au-delà de l’accident sanitaire majeur, les pandémies apparaissent comme un « fait social total ». Tout au long de son histoire, l’humanité  a rencontré de manière récurrente plusieurs crises épidémiques graves. Pourtant, comme le souligne le paléoanthopologue Bruno Maureille, « il n’y a quasiment pas de symboles ou de lieux mémoriaux, à l’échelle d’une nation (mais cela dépend aussi des pays), qui rappellent ces épisodes épidémiques pourtant meurtriers qui sont rapidement oubliés par la mémoire collective d’une nation. Serait-ce parce que nous considérons ces crises épidémiques comme indépendantes de nos comportements ? »

Quelques grandes pandémies de l’histoire

L’histoire humaine est jalonnée de rencontres avec des pathogènes, qui se sont métamorphosées en épidémies et en pandémies. Le phénomène, à chaque fois, a marqué les populations dans leur chair pendant quelques générations, pour être ensuite totalement oublié par les générations suivantes.

Le choléra

Le choléra est une maladie strictement humaine, provoquée par une bactérie, le Vibrio choleræ, ou « vibrion cholérique », à transmission oro-fécale. Maladie endémique à l’Asie du sud (delta du Gange et du Brahmapoutre), elle se répand en dehors de son foyer originel à la fin du Moyen-Âge. En se diffusant dans l’ensemble de l’Asie, puis de l’Europe à partir du 19e siècle, le choléra devient pandémique. Entre 1817 et 1992, on identifie sept pandémies de choléra. La France a été touchée par le « choléra asiatique » en 1832 lors de la seconde pandémie coûtant la vie à 19.000 personnes en six mois. Plus près de nous, 1992 est l’année où est identifié un nouveau variant de la bactérie, V. cholerae O139, qui provoque des formes cliniques beaucoup plus graves. De cette souche pourrait émerger une huitième pandémie cholérique alors que la septième n’a pas totalement disparu. Le monde connaît en ce moment des épisodes épidémiques dont le plus mémorable a été celui d’Haïti, où le vibrion a été introduit par accident par les troupes de l’ONU en 2010.

Les trois pandémies pesteuses

La peste existe vraisemblablement depuis la Haute Antiquité, c’est une maladie bactérienne, transmise par les puces de rongeurs. Chez l’être humain, la bactérie Yersinia Pestis provoque trois formes cliniques : la peste bubonique et sa complication, la peste septicémique, et enfin la peste pulmonaire hautement transmissible par voie aérienne.

  • La « peste de Justinien » ou 1e pandémie pesteuse venue d’Ethiopie décime les populations de tout le pourtour méditerranéen à partir de 541. Pour ses contemporains, l’arrivée de ce mal est ce que nous appellerions aujourd’hui une maladie émergente.
  • La grande Peste noire (1347-1352) arrive des plateaux d’Asie centrale dans les années 1330, transmise depuis des réservoirs d’animaux asiatiques. Le bacille emprunte les routes de la Soie pour se propager vers la mer Caspienne puis la mer Noire, le bassin méditerranéen et l’Europe dans son ensemble. Son étape ultime est la Russie où elle éclate en 1352. Elle tue entre 25 et 30 millions de personnes, soit l’équivalent de 30% de la population européenne de cette époque.
  • La 3e pandémie pesteuse est ce qui se rapproche le plus de la définition d’une pandémie par son expansion planétaire totale puisqu’elle finit par toucher tous les continents. Cette peste de type bubonique débute vers 1840, en Chine, dans le Yunnan pour emprunter toutes les routes maritimes de l’époque, se répandant en Asie, en Afrique, mais aussi l’Amérique du Nord via le Pacifique, et le Brésil, via le Portugal. Elle se termine vers 1910, mais plusieurs foyers ressurgissent régulièrement dans le monde.

Yersinia pestis est toujours présent dans certaines régions du monde, en Afrique sub-saharienne, en Amérique et en Asie. 50.000 cas humains de peste ont été déclarés auprès de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) entre 1990 et 2020.

Les pandémies grippales

  • La « grippe espagnole ». Après l’hécatombe de la Première guerre mondiale, la grande pandémie de grippe dite espagnole aurait fait entre 20 et 40 millions de morts, peut-être même jusqu’à 50 millions de morts. En France, 500.000 décèdent. Trois vagues successives d’intensités différentes touchent plutôt une population relativement préservée habituellement, les jeunes adultes. Et ce qui frappe selon les témoignages, c’est la rapidité avec laquelle cette grippe tue. En 2005, grâce à des prélèvements effectués sur des corps enterrés dans le pergélisol en Alaska, le virus de type H1N1 à l’origine de la toute première pandémie du 20e siècle est entièrement séquencé et reconstitué en laboratoire.
  • La « grippe asiatique » et la grippe de Hong-Kong. Les pandémies suivantes sont relativement moins sévères. En 1957-58, la grippe dite « asiatique » tue tout de même, en quelques semaines, près de 100.000 personnes en France, et dans le monde, entre 1 et 4 millions de personnes. C’est une souche nouvelle, H2N2, qui circule. En 1968-69, la grippe dite « de Hong-Kong » (H3N2) débute au printemps 1968, à Hong-Kong pour arriver en Europe fin 1968. Elle fait 1 à 2 millions de morts dans le monde, et 31.000 victimes en France.
  • La grippe A (H1N1)v. Au début de l’été 2009, l’OMS annonce officiellement une pandémie de grippe A (H1N1)v. Le virus est issu d’une combinaison de différents virus grippaux d’origine aviaire, porcine et humaine. La pandémie est plus modérée que prévue, et l’OMS soupçonnée d’avoir surestimée le risque. Elle a fait entre 150.000 et 500.000 morts dans le monde. La grippe a fait plus de victimes chez des personnes en bonne santé, a priori peu menacées par la grippe.

Des victimes de la grippe espagnole dans le Kansas en 1918. Crédit © National Museum of Health/ AP / SIPA

Le SIDA, pandémie en cours

Juin 1981 marque le début officiel de l’épidémie du SIDA. Les premiers cas sont identifiés chez des Américains et attire l’attention de la médecine occidentale. Pourtant, l’infection à VIH a émergé dès les années 20 en Afrique centrale. Des comptes-rendus signalent l’existence d’une maladie grave et épidémique entraînant une cachexie : le slim disease. Certains cas ont été publiés dans des revues médicales comme le Lancet. Des milliers d’Africains sont déjà morts de ce qu’on appellera plus tard le SIDA.

Le SRAS

Le SRAS ou syndrome respiratoire aigu sévère est la première pandémie survenue au 21e siècle (2003). Pour Arnaud Fontanet, épidémiologiste des maladies infectieuses et tropicales, c’est même le « prototype de l’épidémie du 21e siècle » rapidement repéré puis endigué. Pour le chercheur, le SRAS devient un enseignement pour les scénarios pandémiques à venir : le franchissement de la barrière d’espèces par le virus est mieux compris ; l’épidémiologie moléculaire permet d’affiner les résultats de l’épidémiologie classique avec le séquençage de souches virales, animales et humaines ; enfin, on comprend mieux le rôle de diffusion des transports aériens. L’épidémie de SRAS touche 35 pays. Le cas index, un touriste d’un hôtel de Hong-Kong contamine 13 voyageurs en partance pour six destinations internationales. Au final, 8000 malades dont 800 morts. En France, sont dénombrés sept « cas probables » dont un patient décédé. En Chine, ont été mis en place des instruments de surveillance des virus.

L’épidémie de Covid-19

La pandémie de Covid-19 est un autre tournant, de taille, dans l’histoire de épidémies humaines. Fin 2019, les cas commencent à se multiplier, en Chine, mais aussi dans le monde. Les morts se comptent en millions, les malades en milliards. Beaucoup d’entre eux ne seront jamais comptabilisés faute de politique de dépistage efficace. Les millions de survivants vivent avec l’épuisement et les infirmités d’un « covid long ». L’épidémie a mis sous pression les systèmes hospitaliers et les économies nationales. Parmi les nombreuses leçons médicales à retenir de la pandémie de Covid-19, il faut retenir la meilleure compréhension de la transmission du virus parlesplus petits aérosols,des connaissances qu’il faudra appliquer à d’autres maladies respiratoires comme la grippe ou le rhume.

Au moment même de l’épidémie de Covid-19, d’autres pandémies sont toujours en cours, que nous ne percevons pas spontanément comme telles. L’hépatite C, le chikungunya, l’émergence de la maladie de Lyme ou l’extension géographique de la dengue jusqu’à l’intérieur de nos frontières.

Comment prévenir la prochaine pandémie ?

Notre santé au croisement du monde animal et de l’environnement. L’impact des activités humaines sur les zoonoses, ces maladies qui franchissent la barrière d’espèces inquiète de plus en plus. Il faut garder un œil sur de multiples réservoirs animaux, d’où un pathogène pourrait émerger. Ces réservoirs peuvent provenir d’élevages animaux, de régions déforestées par l’agriculture et l’extension urbaine. La mondialisation, les dérèglements climatiques et une biodiversité en berne viennent compléter la liste des risques de transmission. Le concept de One Health, « une seule santé » insiste sur notre interdépendance entre la santé humaine, animale et écosystémique et vise à sensibiliser sur les risques de maladies émergentes.

L’action de l’OMS. L’OMS a commencé à partir de 2015 à établir un outil de prospection : une liste de pathologies à forte propension épidémique. En 2018, s’est ajoutée à Ebola, Zika, SRAS et MERS, une maladie X, causée par un virus hypothétique dans un avenir plus ou moins proche. Depuis la pandémie de Covid-19 émerge la conviction au sein d’instances internationales telles que l’OMS qu’un traité international sur les pandémies est nécessaire pour coordonner les efforts pour prévention, préparation et riposte et engager les pays à plus de coopération.

Comment savoir si une pandémie est finie ?

La fin d’une pandémie ne signifie pas que l’agent pathogène a complètement disparu. Une épidémie ne disparaît pas forcément quand le virus ou la bactérie disparaît. L’agent pathogène peut rester présent et la maladie disparaître car la population générale a atteint un niveau de protection collective suffisant pour qu’il ne circule plus efficacement (vaccination ou naturelle collective), ou encore parce que les conditions liées à l’environnement ne sont plus favorables à la bactérie ou au virus. On finit par vivre avec l’agent pathogène.

La fin d’une pandémie n’est pas décrétée uniquement en se basant sur des observations scientifiques, mais sur des critères sociaux: des comportements collectifs et individuels et des décisions politiques. Autrement dit « un consensus basé sur l’opinion« . Une pandémie serait derrière nous quand nous arrêterions d’y faire attention ?

Source: Sciencesetavenir.fr
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