Pourquoi ressentons-nous de l’amour ?

Célébré dans la culture populaire, recherché par beaucoup, l’amour romantique est un ressenti universel. Pourtant, son origine est une question d’une complexité infinie, seulement partiellement élucidée. De la neurobiologie à la sociologie, en passant par l’anthropologie, visite guidée d’une de nos plus belles émotions.

Amour

L’amour romantique comporte trois phases.

Pixabay

Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir – La Recherche n°905-906, daté juillet-août 2022.

Le cœur rate un battement, les intestins twistent, la respiration sonne le tocsin. Si l’amour se ressent dans tout le corps, c’est parce que son orchestre joue dans le cerveau. Là, les trois phases de l’amour romantique que forment le désir, la passion puis, après deux ou trois ans, l’attachement, mettent en jeu à peu près les mêmes composés chimiques. Appelés neurotransmetteurs, ils sont produits par les neurones auxquels ils servent de messagers, comme l’adrénaline (stress), la noradrénaline (vigilance) ou la dopamine (motivation et récompense). Au cœur du cerveau, dans une petite zone appelée hypothalamus, sont également produites l’ocytocine et la vasopressine, hormones et neurotransmetteurs de l’attachement.

L’insula, une petite zone impliquée dans les émotions

Lors du désir sexuel, dont l’importance décroît au cours des trois phases de l’amour, la dopamine permettra de surmonter le stress de l’intimité nouvelle, tandis que la noradrénaline augmentera la réceptivité aux signaux envoyés par la personne désirée. Ce sont également la dopamine et les structures cérébrales associées – comme le noyau accumbens activé par la prise de cocaïne – qui caractérisent la phase de la passion. Nous sommes alors particulièrement motivés pour être proches de la personne aimée.

Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir – La Recherche n°905-906, daté juillet-août 2022.

Le cœur rate un battement, les intestins twistent, la respiration sonne le tocsin. Si l’amour se ressent dans tout le corps, c’est parce que son orchestre joue dans le cerveau. Là, les trois phases de l’amour romantique que forment le désir, la passion puis, après deux ou trois ans, l’attachement, mettent en jeu à peu près les mêmes composés chimiques. Appelés neurotransmetteurs, ils sont produits par les neurones auxquels ils servent de messagers, comme l’adrénaline (stress), la noradrénaline (vigilance) ou la dopamine (motivation et récompense). Au cœur du cerveau, dans une petite zone appelée hypothalamus, sont également produites l’ocytocine et la vasopressine, hormones et neurotransmetteurs de l’attachement.

L’insula, une petite zone impliquée dans les émotions

Lors du désir sexuel, dont l’importance décroît au cours des trois phases de l’amour, la dopamine permettra de surmonter le stress de l’intimité nouvelle, tandis que la noradrénaline augmentera la réceptivité aux signaux envoyés par la personne désirée. Ce sont également la dopamine et les structures cérébrales associées – comme le noyau accumbens activé par la prise de cocaïne – qui caractérisent la phase de la passion. Nous sommes alors particulièrement motivés pour être proches de la personne aimée.

Enfin, l’attachement croît pendant l’amour passion et culmine après quelques années, dans la phase du même nom. L’ocytocine y joue un rôle central, mais attention : souvent décrite comme l’hormone de l’amour et de la bienveillance, elle peut aussi en fonction du contexte entraîner la jalousie, la possessivité, voire l’agressivité, pointe la professeure émérite en neurosciences Marie-José Freund-Mercier, auteure d' »Ocytocine : entre mythe et réalité ». L’ocytocine n’agit pas seule : injectée dans le cerveau du campagnol des prairies (monogame), elle déclenche bien un attachement au partenaire, mais administrée au campagnol des montagnes (polygame), elle n’a aucun effet. « La monogamie ne peut en aucun cas se résumer uniquement à l’ocytocine. D’autres facteurs dont la vasopressine et la dopamine entrent en jeu, sans oublier la présence de leurs récepteurs dans certaines zones du cerveau « , appuie la scientifique. Tous ces acteurs chimiques interviennent dans des zones cérébrales particulières.

« Ce sont à peu près les mêmes neurotransmetteurs qui jouent lors des trois phases de l’amour romantique, mais les régions cérébrales impliquées sont un peu différentes. On peut désirer sans amour, et être amoureux de quelqu’un sans désir sexuel « , résume le médecin et biologiste Bernard Sablonnière, auteur de « La Chimie des sentiments ». Dans un de ses replis, le cerveau héberge par exemple l’insula, une petite zone impliquée dans les émotions. La neuro-imagerie montre qu’une petite zone s’y « active » dans l’attachement et une autre, bien distincte, pendant le désir sexuel. Autre exemple : l’amygdale, zone surtout liée aux émotions négatives, se « désactive » face au visage de l’être aimé, ainsi que la zone du cortex frontal gérant le jugement social. Pourquoi ces zones-là ? Probablement parce qu’elles sont elles aussi impliquées dans l’amour maternel, la forme d’amour originelle.

Biologiquement, parce qu’il implique des zones cérébrales et neurotransmettrices similaires, l’attachement romantique ressemble beaucoup à l’amour maternel, confirme Marie-José Freund-Mercier. « Le système d’attachement des adultes a probablement évolué à partirdu système d’attachement aux petits, suggère-t-elle. À la différence notable de l’attirance sexuelle, absente dans les relations mère-enfant.  » Suivant cette logique, les principales théories expliquant l’émergence de l’amour romantique dans l’espèce humaine reposent sur la nécessité pour la mère d’obtenir l’aide du père afin d’augmenter les chances de survie de l’enfant. « Trois hypothèses se détachent « , énumère Adam Bode, anthropologue spécialiste de l’amour à l’École d’archéologie et d’anthropologie de l’Université de Canberra (Australie). D’abord, l’attachement du couple aurait conduit le père à protéger sa famille, alors que la mère avait les bras pris par le bébé.

La pression sociale s’est ajoutée à la pression biologique

Il se peut également que l’amour ait poussé le père à s’occuper des enfants avec elle, mais Adam Bode n’y croit pas. « La présence du père n’est souvent pas associée à une meilleure survie de la progéniture dans les sociétés où l’accès aux soins est limité.  » De plus, chez les primates, les soins paternels ont évolué bien plus tard que la monogamie. Troisième hypothèse, les futures mères ont pu s’attacher à des mâles capables de les nourrir suffisamment pour concevoir un bébé en bonne santé. « Il est probable que plusieurs pressions évolutives ont contribué à l’évolution de l’amour romantique au cours des 5 à 6 derniers millions d’années, autour du point où le genre Homo s’est détaché des autres primates « , conclut l’anthropologue. Cette émergence de l’amour romantique est cependant plus une exception qu’une règle, puisque le mode de vie par paire n’est présent que chez 5 % des mammifères.

Les humains ont poussé le concept de la vie à deux jusqu’à ajouter la pression sociale à la pression biologique. Au cours de l’histoire humaine, le couple a longtemps été synonyme de mariage plus que d’amour, et ce jusqu’aux années 1970, quand une majorité de personnes commençaient leur vie de couple en étant mariées. Ainsi, « le sens du mariage a évolué d’une union arrangée par intérêts au ‘mariage d’amour’ qui unit deux personnes qui se sont choisies, explique la sociologue Emmanuelle Santelli, directrice de recherche au CNRS et spécialiste du genre et du couple. Il existe indéniablement une injonction au fait de vivre à deux et une norme sociale selon laquelle le couple doit être amoureux. « 

Mais pourquoi rêvons-nous de relations durables ? « Aujourd’hui encore, le couple va de pair, le plus souvent, avec l’idée de famille qui se projette sur le long terme, des enfants aux petits-enfants « , analyse la sociologue. C’est pourquoi l’amour romantique renvoie à des conceptions de l’amour comme durable, exclusif et complémentaire. Ce type d’union nécessite de bien choisir son ou sa partenaire. Si la biologie ne sait pas encore expliquer pourquoi nous choisissons telle personne et pas une autre, il est clair que les couples unissent des personnes qui se ressemblent socialement, souligne Emmanuelle Santelli : on parle d’homogamie sociale.

« Les couples unissent des personnes qui se ressemblent socialement »

Mais pour vraiment s’intéresser à l’amour romantique, encore faut-il que le contexte s’y prête. « Dans la littérature occidentale, les fictions romantiques sont plus fréquentes dans les périodes de développement économique « , observe le spécialiste des sciences computationnelles Nicolas Baumard, directeur de recherche au CNRS. Dans une publication de Nature Human Behaviour, il démontre avec son équipe que plus le niveau de vie augmente, plus la proportion des romances est importante au détriment des autres genres. « L’amélioration du niveau de vie augmente l’importance psychologique de l’amour « , conclut Nicolas Baumard. Un fait qui se vérifie depuis près de 4000 ans, âge des fictions connues les plus anciennes, et dans toutes les cultures, de la Chine au monde arabe, de l’Inde à l’Occident.

Pour le chercheur, l’explication tient à un plus fort investissement affectif dans sa famille et donc dans son couple lorsque les conditions matérielles le permettent. Mais la question est encore loin d’être éclaircie. Finalement, pourquoi aimons-nous ? Au-delà d’une injonction sociale et biologique, l’amour romantique existe peut-être simplement parce qu’on en a les moyens.

Source: Sciencesetavenir.fr
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