Pourquoi avec l’âge, nos amitiés sont moins nombreuses mais plus fortes

On supposait que cette tendance à s’investir plus dans moins d’amitiés avec l’âge était due à une plus forte conscience de la mort. Ce n’est finalement pas le cas, d’après une étude qui a retrouvé le même comportement chez le chimpanzé.

Groupe d'amis d'âge mûr

D’après l’Insee, en 1999, les 15-24 ans déclaraient avoir neuf amis en moyenne, contre quatre pour les retraités.

Patrick Sheàndell O’ Carroll / AltoPress / PhotoAlto via AFP

Si nous réduisons notre cercle amical avec l’âge pour finalement se consacrer aux plus solides amitiés, ce n’est pas par hasard. Ce serait même une caractéristique si ancrée dans notre évolution, que nos cousins les chimpanzés font de même, si l’on en croit une nouvelle étude américaine publiée dans Science.

Avec l’âge, les d’amitiés sont moins nombreuses mais plus investies

En vieillissant, le nombre de nouvelles amitiés chute drastiquement, faisant place à un investissement accru dans des relations étroites et positives. Cette « sélectivité socio-émotionnelle » serait théoriquement liée à là conscience de notre propre mortalité. « L’idée centrale est que lorsque les individus perçoivent l’avenir comme expansif (comme chez les jeunes), ils donnent la priorité à la construction de nouvelles relations et à l’interaction avec de nombreux partenaires, tandis que lorsque le temps est perçu comme court (comme chez les personnes âgées), les gens se concentrent sur les liens sociaux existants et importants« , expliquent les chercheurs dans la publication. A l’appui de cette théorie, les jeunes personnes ayant une vision plus importante de leur propre mortalité, par exemple en raison de soucis de santé ou après un accident grave, ont des préférences amicales similaires à celles des personnes âgées.

En revanche, les animaux ne sont pas supposés avoir de conscience claire de leur propre mortalité. « Certains non-humains s’engagent dans des formes de planification prospective, mais uniquement dans des contextes d’acquisition de nourriture à court terme, comme par exemple en conservant un outil pour accéder à la nourriture des heures ou des jours plus tard« , précisent les chercheurs. Mêmes les jeunes enfants ayant acquis la parole montrent des limites dans la cognition orientée vers l’avenir et peuvent avoir du mal à s’imaginer leur futur. Si la théorie de la sélectivité socio-émotionnelle est vraie, alors les animaux ne devraient pas montrer ce biais dans leurs propres amitiés en vieillissant.

Les chimpanzés âgés montrent le même comportement amical

Et pourtant, nos cousins les chimpanzés se comportent comme nous, d’après 78.000 heures d’observations de 21 chimpanzés pendant 20 ans au sein du parc national de Kibale en Ouganda. « Les chimpanzés sont un comparateur idéal car ils sont l’un des deux parents vivants les plus proches de l’Homme, ont une espérance de vie de 50 à 60 ans dans la nature et forment des liens sociaux souples et durables« , expliquent les scientifiques. Les jeunes chimpanzés ont en effet plus de relations sociales, dont certaines unilatérales.

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Ils observent que les chimpanzés vieillissants ont plus d’amitiés mutuelles caractérisées par un investissement élevé et équitable, alors que les jeunes mâles ont plus de relations unilatérales. Les chimpanzés les plus âgés préféraient ainsi s’asseoir à proximité des individus qui préféraient également leur compagnie. Les vieux chimpanzés avaient en moyenne 3 de ces amitiés mutuelles, contre 0,9 pour les jeunes. En revanche, les jeunes chimpanzés entretenaient en moyenne 2,1 relations unilatérales, où l’autre individu ne s’asseyait pas spontanément à côté d’eux autant qu’eux le faisaient, contre 0,6 pour les plus âgés. « Ces individus ont des amitiés plutôt déséquilibrées et qui, en vieillissant, commencent à passer du temps avec des personnes qui leur rendent la pareille« , explique dans un communiqué Zarin Machanda, co-auteur principal de l’article. En examinant les habitudes de toilettage, les chercheurs ont ensuite constaté que les chimpanzés plus âgés consacraient plus d’énergie pour leurs amitiés mutuelles que pour les autres.

Un comportement probablement hérité de nos ancêtres communs il y a des millions d’années

« Même si les chimpanzés sont très intelligents, ils ne comprennent pas qu’ils vont mourir« , commente dans un communiqué Richard W. Wrangham, co-auteur de l’étude. « Il est beaucoup plus probable qu’il se passe autre chose chez les chimpanzés pour expliquer pourquoi leurs relations deviennent plus positives en vieillissant, et la question est alors de savoir ce qui s’applique aux chimpanzés comme aux humains« . La sélectivité socio-émotionnelle ne se jouerait donc pas en fonction de la conscience du temps qu’il reste à vivre.

Le vieillissement impose de nouvelles contraintes dues à la baisse de la condition physique, de la santé immunologique et du statut social. Les choix sociaux des personnes âgées pourraient donc représenter une réponse adaptative, afin de se concentrer sur les relations sociales importantes qui apportent des avantages et évitent les interactions qui peuvent avoir des conséquences négatives. Le fait que ces mécanismes se retrouvent chez le chimpanzé « soulève la possibilité que ces systèmes comportementaux aient été hérités de notre ancêtre commun, il y a environ sept ou huit millions d’années« , en déduit Richard W. Wrangham.

Source: Sciencesetavenir.fr
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