Perte d’odorat, nez bouché, difficultés respiratoires : la polypose nasosinusienne, le fardeau d’un million de Français

L’anosmie, ou perte d’odorat, est un symptôme commun du Covid-19, mais également d’une maladie bien moins connue et touchant pourtant 1 million de Français : la polypose nasosinusienne. Due à une inflammation, elle ne se guérit pas mais peut être mieux maîtrisée si elle est traitée tôt.

nez

La polypose nasosinusienne ou polypose nasale touche 1 million de Français.

Frédéric Cirou / AltoPress / PhotoAlto via AFP

Grand oublié de nos sens, l’odorat lorsqu’il est perdu est cependant source de détresse et de handicap au quotidien. Outre le Covid-19, une des causes principales d’anosmie est la polypose nasosinusienne, maladie du nez bouché et qui ne se guérit pas.

16% des Français ont déjà perdu l’odorat, dont 3% à cause du Covid-19

« Perdre l’odorat, c’est se sentir isolé, c’est faire face à l’incompréhension de ses proches. C’est aussi perdre des souvenirs, être coupé des odeurs du quotidien, du café du matin, de l’herbe coupée, de ses proches« , témoigne avec émotion Jean-Michel Maillard, président de l’association Anosmie.org. En France, 5% de la population souffrent d’anosmie, la perte d’odorat, et 16% en ont déjà fait l’expérience dans leur vie – dont 3% à cause du Covid-19, d’après un sondage IFOP sur 3.000 personnes début 2021, commandé par le laboratoire Sanofi. Si le Covid-19 est donc loin d’être la cause principale de l’anosmie, la pandémie a malgré tout eu le mérite de jeter un coup de projecteur massif sur la perte de ce sens, souvent oublié. Pourtant, l’anosmie est vécue comme un handicap par 60% des personnes touchées, d’après le sondage, et 80% ont souffert de troubles et conséquences psychologiques incluant la dépression, l’irritabilité ou l’isolement social. Car sans odeur, les restaurants entre amis n’ont bien sûr plus la même saveur.

La polypose nasosinusienne entrave l’odorat et la respiration

Pour Pascaline Lardey, ambassadrice d’Anosmie.org, tout a commencé en 2012 « par un rhume qui ne guérit pas« . « On consulte, les mois et les années passent, mais ça ne passe pas. J’ai perdu le goût au bout de 5 à 6 mois de symptômes. C’est très difficile à accepter. » Le diagnostic est finalement tombé deux ans plus tard : polypose nasosinusienne. Touchant 1 million de Français, cette maladie dont on ne connait pas la cause est caractérisée par l’apparition de polypes, c’est-à-dire des excroissances, dans le sinus d’abord – plus précisément l’ethmoïde -, puis le nez. « Ces polypes sont très particuliers, ils ne guérissent pas et ne deviennent jamais cancéreux« , explique le Pr Olivier Malard, chef de service ORL au CHU de Nantes. Pas de cancer donc, mais un nez bouché, une perte de l’odorat, des maux de tête ou des difficultés respiratoires. « Cette nuit, j’ai dû dormir assise parce que je n’arrivais pas à respirer« , témoigne Pascaline Lardey, avant de prendre trois comprimés de cortisone.

De la cortisone à la chirurgie

C’est le remède apportant un soulagement immédiat : la cortisone, qui diminue drastiquement l’inflammation à l’origine des polypes et permet de gagner une journée de respiration, « de profiter un peu de la vie, d’aller au restaurant« , énumère Pascaline Lardey. Mais ces médicaments ne doivent pas être pris plus d’une à deux fois par an, alerte le Pr Malard, au risque d’effets indésirables parfois graves comme l’ostéoporose, les maladies cardiovasculaires comme le diabète ou l’hypertension ou la prise de poids. Lorsque les lavages de nez et les corticoïdes en spray (moins efficaces qu’en comprimés, mais qui ne donnent pas les effets indésirables) ne fonctionnent pas suffisamment, la chirurgie est proposée. Il s’agit d’ôter les polypes, soit uniquement dans le nez, soit également dans l’ethmoïde, auquel cas la rémission est en général prolongée de plusieurs années.

Le soulagement après opération est immédiat, mais limité dans le temps. « 40% des patients rechutent au bout de 5 ans« , estime le Pr Malard. Plus rares, environ 10% gagnent 15 ans de répit, après quoi une nouvelle opération leur est proposée. Mais environ 10% de patients moins chanceux peuvent n’être soulagés que deux ou trois ans… Voire, dans le cas de Pascaline Lardey, six à sept mois pour chacune de ses deux opérations. « Cette patiente est dans une situation extrême« , réagit le Pr Malard. D’autant que chaque rechute s’est accompagnée de complications : de l’asthme la première fois, et des bronchites asthmatiformes (inflammation des bronches dont les symptômes ressemblent à de l’asthme) la seconde. Les cas de polypose nasosinusienne les plus sévères sont en effet souvent associés à l’asthme, causé par le même type de réaction inflammatoire que déclenchent certains irritants comme la pollution, des virus ou des champignons.

Il arrive que l’inflammation altère la muqueuse olfactive. Dans ce cas, une rééducation par les odeurs, semblable à celle proposée pour les malades du Covid-19 dont l’anosmie persiste, est proposée.

Un nouveau médicament pour les patients sévèrement atteints

Pour les patients qui ne répondent pas à la chirurgie, un nouveau médicament arrivera courant 2021. Cette biothérapie, c’est-à-dire qu’il s’agira d’une molécule biologique (ici un anticorps), sera commercialisée par le laboratoire Sanofi sous le nom Dupixent. « Cette biothérapie fonctionne bien, avec une injection tous les 15 jours, l’état de 60 à 70% des patients s’est bien amélioré« , affirme le Pr Malard. Ce nouveau médicament sera « une vraie révolution » alors que la dernière avancée significative a été l’arrivée des corticoïdes en spray 15 ans auparavant environ, mais qui ne soulagent significativement que moins de la moitié des patients. Certes, ces anticorps coûteront cher, plusieurs milliers d’euros par an et par patient, « mais chez les patients multi-opérés, la perte de l’odorat est socialement très invalidante« , pointe le chef de service ORL. 

D’ici là, si vous avez depuis plusieurs semaines le nez bouché des deux côtés, une baisse de l’odorat, le nez qui coule, sans constater aucune amélioration, il peut être bénéfique de consulter un médecin ORL pour vérifier la présence d’une polypose nasosinusienne. « C’est progressif : ça s’installe insidieusement et ça s’aggrave au fil du temps« , décrit le Pr Malard. Si c’est votre cas, « cela ne doit pas inquiéter, car c’est bénin« , et consulter tôt donnera les meilleures chances aux traitements de faire régresser l’inflammation.

Source: Sciencesetavenir.fr
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