L’ornithorynque est l’un des rares mammifères à être biofluorescents !

Des chercheurs ont montré que les ornithorynques sont biofluorescents : sous lumière ultraviolette, leur pelage apparaît vert-bleu fluorescent. Il s’agit là de la première fois que le phénomène de biofluorescence sous lumière UV est repéré chez un mammifère monotrème (ovipare).

Spécimen d'ornithorynque

Un spécimen d’ornithorynque vu sous lumière visible (à gauche) et sous lumière UV sans filtre (au centre) et sous lumière UV avec filtre jaune (à droite).

Jonathan Martin/Northland College (Mammalia)

Les ornithorynques sont des animaux particulièrement étranges, de leur bec de canard à leur queue de castor, en passant par le fait qu’ils sont extrêmement venimeux : ils intriguent et fascinent la communauté scientifique comme le grand public depuis des années. Leur fourrure est de couleur uniforme, typiquement brun foncé, épaisse et dense, et recouvre la quasi-totalité de leur corps à l’exception de leur bec, leurs pattes et le dessous de leur queue. Ces créatures sont semi-aquatiques, vivent en Australie, généralement dans les lacs, ruisseaux et lagunes, et appartiennent à l’ordre animal des monotrèmes.

Établi en 1838 par l’ornithologue français Charles-Lucien Bonaparte, l’ordre animal des monotrèmes (Monotremata) regroupe les espèces caractérisées par le fait d’être à la fois ovipares et mammifères : elles pondent des œufs, mais allaitent leurs petits. Cinq espèces (seulement) constituent cette catégorie taxonomique, dont l’ornithorynque.

Créatures crépusculaires et nocturnes, les ornithorynques nagent les yeux fermés, capturant leurs proies grâce à une maîtrise de la mécanoréception et de l’électroréception, c’est-à-dire respectivement les capacités à détecter le mouvement et les champs électriques.

En plus de toutes ces caractéristiques particulières et presque surréalistes, une récente étude publiée dans la revue Mammalia révèle que les ornithorynques sont biofluorescents : sous lumière ultraviolette, leur pelage apparaît dans des teintes vert-bleu fluorescentes. Cela fait d’eux l’un des rares mammifères à présenter ce trait.

La biofluorescence, qu’est-ce que c’est ?

La fluorescence est un processus caractérisé par une absorption d’énergie (généralement de la lumière à une certaine longueur d’onde) par une substance, immédiatement suivie d’une émission lumineuse par cette substance, à une autre longueur d’onde. Généralement, la lumière émise par l’objet possède une longueur d’onde plus grande que celle de la radiation absorbée, et transporte donc moins d’énergie.

Spectre électromagnétique. Crédits : Wikimedia commons

L’un des exemples les plus frappants de fluorescence se produit lorsque le rayonnement absorbé se trouve dans la région ultraviolette (UV) du spectre électromagnétique, et donc invisible pour l’œil humain, alors que la lumière émise se trouve plus à droite, dans le domaine du visible, ce qui donne à la substance fluorescente une couleur distincte ne pouvant être vue que lorsqu’elle est exposée à de la lumière UV. Les matériaux fluorescents cessent de briller presque immédiatement lorsque la source de rayonnement disparaît.

De nombreux cas de fluorescence sous lumière UV s’observent dans la nature :

lorsque cela se produit chez un organisme vivant, on parle de “biofluorescence”. Le phénomène a par exemple été observé chez de nombreux poissons, de reptiles et d’amphibiens, et même chez des oiseaux. Chez les mammifères en revanche, le phénomène apparaît plus rarement. On l’a notamment observé chez des opossums dans les années 1980 et plus récemment chez les écureuils volants (Pteromyini). La majorité des recherches effectuées sur la biofluorescence des mammifères ont été basées sur l’étude de spécimens de musées, mais des animaux vivants avec un pelage biofluorescent ont également été observés.

Attention à ne pas confondre biofluorescence avec bioluminescence : la bioluminescence correspond à la production naturelle de lumière par un organisme vivant grâce à des procédés chimiques, contrairement à la biofluorescence qui repose sur l’absorption et la réémission de lumière issue de l’environnement.

Et chez les ornithorynques ?

Les chercheurs ont étudié des spécimens d’ornithorynques de deux musées américains, le musée Field à Chicago (États-Unis) et le musée de l’Université du Nebraska à Lincoln (États-Unis).

Ils ont envoyé de la lumière UV sur les spécimens, à des longueurs d’ondes allant de 200 nanomètres à 400 nanomètres, et ont pu observer en spectroscopie de fluorescence que leur pelage dorsal et ventral changeait de couleur : du typique brun foncé en lumière visible, il prenait des teintes dans les tons vert, bleu et cyan. La lumière émise par leur pelage présentait un pic d’émission à environ 500 nanomètres, ce qui correspond bien à cette couleur à mi-chemin entre le cyan et le vert observée sur les spécimens. Les ornithorynques sont donc biofluorescents : ils absorbent la lumière UV et émettent en retour de la lumière visible !

Quelle utilité pour les ornithorynques ?

Dans un article paru dans leNew York Times, le Dr. Erik Olson, l’un des auteurs de l’étude, a confié : “Honnêtement, nous ne savons pas.” Parfois, des phénomènes sont observés mais n’ont pas réellement de but particulier, et il est possible que cette fluorescence soit totalement accessoire au fonctionnement de l’animal. 

Toutefois, une piste est proposée par le papier du Dr. Olsen et son équipe : en absorbant la lumière UV au lieu de simplement la réfléchir à la même longueur d’onde, l’ornithorynque se protégerait potentiellement de prédateurs justement sensibles à cette lumière UV, puisque la lumière qu’il émet appartient au domaine du visible, et non des UV. La théorie est supportée par le fait que beaucoup de mammifères possèdent une vision ultraviolette, ce qui suggère que cette lumière UV est “écologiquement importante dans les environnements à faible luminosité”. Cependant, des travaux de recherche sur le terrain seront essentiels pour documenter la fonction écologique de la biofluorescence chez ces animaux.

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Source: Sciencesetavenir.fr
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