Des chauves-souris vampires qui pratiquent la distanciation sociale quand elles sont malades

Certaines chauves-souris vampires mettent naturellement en place un comportement de distanciation sociale lorsqu’elles sont malades. Ce phénomène avait déjà été observé en laboratoire, mais une expérience de terrain a permis de le confirmer dans la nature.

Vampire commun, Desmodus rotundus

Les vampires communs, une espèce de chauves-souris hématophage, sont des êtres hautement sociaux, qui vivent en colonie.

Uwe Schmidt/Wikipedia

Les Desmodus rotundus sont une espèce de chauves-souris, également appelées “vampires communs” car elles se nourrissent de sang, principalement celui du bétail. Ces mammifères sont des animaux hautement sociaux : ils vivent en colonies et présentent plusieurs comportements coopératifs, tels que le toilettage mutuel ou le partage de la nourriture. Des chercheurs ont étudié leurs comportements en cas de maladie, et ont observé une tendance générale à la distanciation sociale : les individus malades s’isolent pour ralentir la propagation de la maladie dans leur communauté. Leur étude publiée dans la revue Behavioral Ecology présente ce phénomène, qui avait déjà été observé en laboratoire mais qu’ils ont pu observer pour la première fois en milieu naturel, grâce à leur expérience sur le terrain. 

Différents comportements en cas de maladie

Lorsqu’un individu souffre d’une maladie, son comportement va nécessairement influencer la propagation du pathogène dans sa communauté : moins l’individu en question a d’interaction avec les autres individus sains de son groupe social, moins la maladie se répandra, puisque que cette propagation passe par le taux de transmission. L’expression “fuir quelqu’un comme la peste” prend donc tout son sens. 

Chez les insectes eusociaux (voir encadré ci-dessous), les individus malades peuvent avoir un comportement très altruiste et s’isoler par eux-mêmes, ou bien être simplement exclus par leur colonie.

Quand on parle d’eusocialité, on fait référence à un mode d’organisation sociale qui repose sur la division des individus d’une colonie en castes : ceux qui sont fertiles, donc capables de se reproduire, et ceux qui ne le sont pas. C’est le cas par exemple pour les fourmis, ou les abeilles. 

Un mécanisme plus simple est celui du “sickness behavior”, qui peut être décrit comme des changements adaptatifs durant la maladie, par exemple la tendance à être dans un état léthargique, l’augmentation du sommeil, le fait de réduire ses mouvements et sa sociabilité…

Ce sont des adaptations uniquement individuelles, qui ne nécessitent pas de coopération. Elles sont probablement très courantes chez les êtres qui vivent en groupe, et peuvent être importantes à prendre en compte dans la modélisation de la transmission des pathogènes chez les espèces vivant en groupe sociaux changeant dans le temps (tels que nous autres, êtres humains). 

Étudier en direct le comportement des chauves-souris

Les chercheurs ont étudié le comportement d’une colonie de vampires communs attrapés dans la nature, chez qui ils ont “induit” chimiquement un comportement d’individus malades. Ils ont pour cela administré à la moitié d’entre elles une injection de lipopolysaccharide (LPS), une substance qui provoque des réactions immunitaires similaires à celles provoquées par un pathogène, sans pour autant que les chauves-souris ne soient “réellement” malades : la substance ne contient aucun pathogène actif.

Les chauves-souris “malades” et les chauves-souris du groupe contrôle (c’est-à-dire qui n’ont pas reçu d’injection de LPS) ont ensuite été relâchées dans la nature, et traquées grâce des capteurs de proximité qui envoient quasiment en direct des données sur si elles s’approchent les unes des autres. Grâce à cela, les chercheurs ont pu analyser l’évolution de ce qu’ils ont appelé leur taux d’association (“association rate”) au cours du temps, ce qui leur a permis de se faire une idée de leurs comportements sociaux, de leurs interactions. 

Simon Ripperger, auteur principal de cette étude, explique que “ces capteurs nous ont donné l’occasion d’observer les changements de comportement de ces chauves-souris d’heure en heure, et même de minute en minute, de jour comme de nuit. Nous avons pu récupérer des données presque toutes les secondes.

La distanciation sociale observée chez ces chauves-souris

Les résultats de Ripperger et son équipe montrent que les chauves-souris “malades” ont significativement moins interagi avec les autres membres de la colonie et passaient moins de temps avec les autres, durant la durée de leur “maladie” : “une chauve-souris saine avait, en moyenne, 49 % de probabilité d’interagir avec chaque autre chauve-souris saine, mais seulement 35 % d’interagir avec chaque chauve-souris ‘malade’.” 

Il est important de préciser que cet effet n’était pas dû à une sorte de regroupement de toutes les chauves-souris “malades” à l’écart des autres membres sains de la colonie : en fait, la probabilité que deux chauves-souris “malades” interagissent entre elles était encore plus faible que celle d’avoir une chauve-souris saine interagir avec une chauve-souris “malade”.

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Source: Sciencesetavenir.fr
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