Des cartes du cerveau à l’échelle microscopique grâce aux ultrasons

Une technique de microscopie par ultrasons permet de voir en entier tout le réseau vasculaire du cerveau avec des résolutions à la fois spatiale et temporelle jamais atteintes auparavant.

imagerie par ultrasons

L’imagerie par ultrasons voit les vaisseaux sanguins dans le cerveau, jusqu’aux plus petits capillaires, et détecte quand le flux sanguin augmente dans une région, ce qui signifie que les neurones dans cette zone sont en activité.

Alexandre Dizeux / Physics for Medicine Paris

Des ultrasons pour déceler tous les secrets du cerveau. Des chercheurs de l’unité de recherche Physique pour la médecine à l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris ont trouvé une façon de voir le cerveau avec une précision inouïe, grâce aux ultrasons. Leur technique, présentée dans le journal Nature Methods le 4 août 2022, expose l’entièreté du cerveau à l’échelle du micron presque en temps réel, d’une manière non invasive et non ionisante. Sciences et Avenir a interrogé le directeur de l’équipe, Mickael Tanter, pour en savoir plus sur cette méthode qui va sûrement révolutionner l’étude du cerveau et des maladies qui l’affectent.

Sciences et Avenir : quelles sont actuellement les techniques utilisées pour regarder le cerveau ?

Mickael Tanter : Il y a deux types de techniques pour lire l’activité du cerveau : celles qui voient directement les courants électriques qui se propagent entre les neurones, comme l’électroencéphalographie et celles qui voient cette activité indirectement, en utilisant le couplage neurovasculaire, c’est-à-dire le fait que l’activité vasculaire augmente localement quand les neurones d’une région donnée s’activent, car elles ont besoin de se nourrir pour travailler.

Les premières sont des techniques qui permettent d’avoir accès directement au signal des neurones, mais elles n’ont pas de bonne résolution spatiale : on a un beau signal, mais on ne sait pas exactement de quelle zone il vient. Les secondes permettent une meilleure résolution spatiale de l’activité neuronale en regardant l’activité dans les vaisseaux sanguins qui les alimentent. La méthode la plus connue est l’imagerie par résonance magnétique (IRM fonctionnelle), qui regarde le changement d’oxygénation local, un marqueur de l’augmentation du flux sanguin et donc de l’activité des neurones de cette zone. Mais il y a une autre technique, moins chère et moins encombrante que l’IRM, sur laquelle nous travaillons et qui permet de voir de façon très précise le flux sanguin cérébral : l’imagerie fonctionnelle par ultrasons.

Des ultrasons pour déceler tous les secrets du cerveau. Des chercheurs de l’unité de recherche Physique pour la médecine Paris (Inserm, ESPCI Paris-PSL, CNRS) ont trouvé une façon de voir le cerveau avec une précision inouïe, grâce aux ultrasons. Leur technique, présentée dans le journal Nature Methods le 4 août 2022, expose l’entièreté du cerveau à l’échelle du micron presque en temps réel, d’une manière non invasive et non ionisante. Sciences et Avenir a interrogé le directeur de l’équipe, Mickael Tanter, pour en savoir plus sur cette méthode qui va sûrement révolutionner l’étude du cerveau et des maladies qui l’affectent.

Sciences et Avenir : quelles sont actuellement les techniques utilisées pour regarder le cerveau ?

Mickael Tanter : Il y a deux types de techniques pour lire l’activité du cerveau : celles qui voient directement les courants électriques qui se propagent entre les neurones, comme l’électroencéphalographie et celles qui voient cette activité indirectement, en utilisant le couplage neurovasculaire, c’est-à-dire le fait que l’activité vasculaire augmente localement quand les neurones d’une région donnée s’activent, car elles ont besoin de se nourrir pour travailler.

Les premières sont des techniques qui permettent d’avoir accès directement au signal des neurones, mais elles n’ont pas de bonne résolution spatiale : on a un beau signal, mais on ne sait pas exactement de quelle zone il vient. Les secondes permettent une meilleure résolution spatiale de l’activité neuronale en regardant l’activité dans les vaisseaux sanguins qui les alimentent. La méthode la plus connue est l’imagerie par résonance magnétique (IRM fonctionnelle), qui regarde le changement d’oxygénation local, un marqueur de l’augmentation du flux sanguin et donc de l’activité des neurones de cette zone. Mais il y a une autre technique, moins chère et moins encombrante que l’IRM, sur laquelle nous travaillons et qui permet de voir de façon très précise le flux sanguin cérébral : l’imagerie fonctionnelle par ultrasons.

Depuis quand travaillez-vous sur cette technique d’imagerie par ultrasons ?

Nous avons commencé à développer cette technique il y a une dizaine d’années, quand notre laboratoire a montré que les ultrasons permettaient de capter jusqu’aux petits vaisseaux sanguins du cerveau et de voir quand ils changeaient de diamètre (témoignant un plus grand flux sanguin et donc une activation des neurones de cette zone) avec une résolution spatiale de l’ordre d’un millimètre avec plusieurs images par seconde.

En 2015, nous avons amélioré cette technique en ajoutant des bulles de gaz dans le flux sanguin : ces bulles de 2-3 microns de diamètre sont visibles avec des ultrasons, car ce gaz est beaucoup moins dense que le liquide qui les entoure dans le flux sanguin et beaucoup plus compressible. Ces bulles sont donc hyper-réflechissantes pour les ultrasons et on peut les localiser lorsqu’elles se baladent dans le réseau vasculaire, ce qui nous permet de faire une carte très détaillée du flux sanguin et des vaisseaux.

Grâce à ces bulles, on arrivait à augmenter la résolution 30 à 40 fois plus qu’avec les ultrasons seuls. Pour la première fois, nous sommes arrivés à voir le réseau vasculaire cérébral à l’échelle du micron en profondeur du cerveau, contrairement aux microscopes qui ne voient que la surface.

Vous aviez donc déjà une excellente résolution spatiale. Alors, quelle est l’amélioration annoncée dans votre dernière publication ?

En effet, cette technique nous permettait de voir jusqu’aux plus petits vaisseaux sanguins, mais les bulles prennent du temps à arriver à ces capillaires donc il fallait 20 à 30 secondes pour faire l’image de tout le réseau vasculaire. C’est-à-dire qu’on avait une très bonne résolution spatiale, mais pas de résolution temporelle. Nous n’arrivions donc pas à voir un phénomène qui change rapidement.

Nous avons maintenant réussi à résoudre ce problème en regroupant les signaux de plusieurs stimulations. Par exemple, on chatouille les moustaches d’un rat 20 fois au lieu d’une seule fois et on additionne le signal de toutes ces stimulations, seconde par seconde (première seconde de la première expérience plus première seconde de la deuxième expérience, etc.). Du coup, au lieu d’avoir l’image d’une seconde, nous avons l’équivalent de 30 secondes, et c’est ainsi pour toute la longueur de la stimulation. Ça permet une résolution temporelle d’une seconde à l’échelle d’un micron.

Grâce à cette amélioration, nous avons pu voir, pour la première fois, comment le flux sanguin change dans de très petits vaisseaux lorsqu’on stimule les neurones. On arrive ainsi à faire de la neuro-imagérie à l’échelle du cerveau entier de manière dynamique jusqu’à l’échelle du micron. Désormais, nous sommes capables de voir exactement comment les tout petits vaisseaux sanguins vont changer leur diamètre dans l’intégralité du cerveau : une carte complète de l’activité du cerveau à l’échelle microscopique, d’une manière totalement non invasive.

Cette carte du cerveau est-elle en trois dimensions ?

Pour le moment, ce sont des images en 2D, mais nous savons que nous pourrons faire des images en 3D du cerveau en augmentant le nombre de capteurs utilisés (des milliers contre des centaines aujourd’hui). Nous l’avons déjà fait chez la souris donc on sait qu’on va réussir à le faire chez l’humain aussi.

Quelle pourrait être l’utilité de votre technique au niveau clinique ?

En clinique, cette technique va apporter énormément, par exemple pour mieux étudier le couplage neurovasculaire, la base de toute notre activité cérébrale. On a beau avoir un réseau neuronal formidable, il ne fonctionne pas si les neurones ne sont pas bien nourris. C’est d’ailleurs ce qu’on voit avec des maladies neurodégénératives, où il y a des altérations du système vasculaire cérébral.

De manière générale, les maladies démarrent dans les petits vaisseaux sanguins avant de se développer et d’affecter les plus gros vaisseaux. La croissance des tumeurs cancéreuses commence par exemple par l’apparition de minuscules vaisseaux – on parle d’angiogenèse – qui vont nourrir la tumeur et lui permettre de grandir. Le diabète est également une maladie qui affecte les petits vaisseaux.

Avec les techniques actuelles d’imagerie cérébrale (angiographie par tomodensitométrie ou par IRM), on voit les vaisseaux au-delà d’un dixième de millimètre de diamètre, mais on est aveugle pour les vaisseaux plus petits (entre quelques microns et un dixième de millimètre), donc on voit la maladie quand elle est déjà à un stade avancé. Avec notre technique de microscopie fonctionnelle par ultrasons, qui est en outre non-ionisante, nous allons être capables de voir les micro-vaisseaux et nous allons pouvoir regarder à l’échelle microscopique comment l’altération du couplage neurovasculaire peut dégénérer peu à peu en maladie neurodégénérative. Plus on commence à voir les vaisseaux de plus en plus petits, plus on remonte le temps sur la maladie.

Source: Sciencesetavenir.fr
laissez un commentaire