Découverte rare d’un tardigrade fossilisé il y a 16 millions d’années

Des biologistes ont retrouvé dans un morceau d’ambre un minuscule fossile de tardigrade, organisme microscopique apparu sur Terre il y a plus de 500.000 millions d’années. Les tardigrades fossilisés étant extrêmement rares, cette découverte suscite l’espoir de mieux comprendre l’évolution de ces êtres super-résistants.

Un fossile de tardigrade dans de l'ambre

Une vue rapprochée du fossile de tardigrade retrouvé dans un morceau d’ambre vieux de 16 millions d’années. Celui-ci fait moins d’un millimètre de longueur.

Marc A. Mapalo/Université d’Harvard

Ils ne sont peut-être pas capables de survivre à un crash sur la Lune, mais ils n’en restent pas moins l’un des organismes les plus fascinants de notre planète. Les tardigrades, ces êtres minuscules à la robustesse hors pair, aussi surnommés « oursons d’eau », ont prospéré sur la Terre il y a 500 millions d’années et ne l’ont jamais quittée depuis. Cohabitation avec les dinosaures, impact de météorite, périodes glaciaires, prolifération de l’espèce humaine… Ils ont à vrai dire tout connu (mais pas sûr qu’ils soient en mesure de tout raconter).

« Lignée fantôme »

Pourtant, malgré leur longue histoire évolutive et leur vaste répartition géographique, ils n’ont laissé que de rarissimes traces de leur passage. « Ils sont comme une lignée fantôme pour les paléontologues, car ils n’ont pratiquement aucune trace fossile », explique à CNN Phillip Barden, biologiste de l’évolution à l’Institut de technologie du New Jersey. C’est pourquoi la découverte d’un fossile de tardigrade est un petit événement dans le monde de la paléontologie.

On observe à l’œil nu dans le morceau d’ambre en question trois fourmis, un coléoptère ou encore une fleur. Crédits : Phillip Barden

Dans un article publié le 6 octobre 2021 dans les Proceedings of the Royal Society B, une équipe de chercheurs, parmi lesquels Phillip Barden, annonce avoir enregistré le troisième fossile de tardigrade au monde. Celui-ci a été retrouvé dans un morceau d’ambre vieux de 16 millions d’années prélevé en République dominicaine, tandis que les deux précédents proviennent d’un gisement du Crétacé en Amérique du Nord. Il s’agit du premier fossile de tardigrade du Cénozoïque, notre ère géologique actuelle qui a commencé il y a 66 millions d’années. La trouvaille est d’autant plus intéressante qu’elle concerne un spécimen appartenant à une espèce de tardigrades nouvellement nommée et encore présente de nos jours, Isohypsibioidea. On dénombre aujourd’hui environ 1.300 espèces de tardigrades.

D’énigmatiques super-héros

Pour rappel, les tardigrades sont apparentés à des arthropodes microscopiques, leur taille n’excédant pas les 1 millimètre. Bien qu’on les trouve couramment dans l’eau – et plus largement là où il y a de la mousse et de l’humidité -, ils sont connus pour leur capacité à survivre et même à prospérer dans les environnements les plus extrêmes. Ils peuvent par exemple entrer dans une forme de stase réversible en se desséchant, résister au rayonnement ionisant ou encore évoluer dans le vide spatial. Ils ont huit pattes dotées de petites griffes (les tardigrades sont d’ailleurs les plus petits animaux connus dotés de pattes), un cerveau, un système nerveux central et une sorte de ventouse derrière leur bouche, le pharynx, pour se nourrir.

 

Vues latérales du spécimen observé dans l’échantillon d’ambre dominicain formé il y a 16 millions d’années. Crédits : Marc A. Mapalo/Université d’Harvard 

Le fossile récemment retrouvé offre aux chercheurs un aperçu exceptionnel de l’évolution de ces petits êtres. Car il reste tout à apprendre de la façon dont ils ont changé aux cours des centaines de millions d’années qui se sont écoulées depuis leur apparition. « La découverte de restes fossiles de tardigrades est un événement passionnant qui nous permet d’observer empiriquement leur progression à travers l’histoire de la Terre », se réjouit Phillip Barden dans un communiqué. « Nous ne faisons qu’effleurer la surface lorsqu’il s’agit de comprendre les communautés de tardigrades vivants, en particulier dans des endroits comme les Caraïbes où ils n’ont pas été étudiés. »

Une vue d’artiste de Paradoryphoribius chronocaribbeus, une espèce de tardigrades récemment décrite sous le nom d’Isohypsibioidea, juste avant sa fossilisation. Crédits : Holly Sullivan

Des fossiles ignorés ?

L’équipe de recherche explique n’avoir pas tout de suite repéré la petite bête dans le morceau d’ambre : « C’était une inclusion cachée dans le coin d’une pièce d’ambre aux côtés de trois espèces de fourmis différentes » étudiées dans le laboratoire. « On ne l’a pas repérée durant des mois », raconte Phillip Barden. Il se pourrait ainsi que de nombreux tardigrades fossiles soient jusqu’ici passés inaperçus des chercheurs. « Nous espérons que ce travail encourage nos collègues à examiner de plus près leurs échantillons d’ambre avec des techniques similaires afin de mieux comprendre ces organismes cryptiques. » Le message est passé.

Source: Sciencesetavenir.fr
laissez un commentaire